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Cigarettes in Hell. { Ismaël.

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Cigarettes in Hell. { Ismaël. Empty Cigarettes in Hell. { Ismaël.

Message par Clyde Andrews Lun 29 Mar - 0:34


    I don't mind not being immortal
    'Cos it ain't all that as far as I can tell
    I don't mind not going to heaven
    As long as they've got cigarettes
    As long as they've got cigarettes in hell
    – OASIS



    Le couvre-feu n'allait pas tarder à arriver, mais j'avais envie d'une cigarette. Il était rare que ça arrive, mais j'en ressentais presque le besoin, ce soir. La journée n'avait pourtant pas été pire que d'habitude. Sensiblement pareille aux autres, même. Il y avait juste eu ce petit moment où j'avais vu Emalee adresser un signe de la main à Sommers. J'avais presque eu envie de vomir, mais je n'en avais rien montré. Je savais me tenir, que diable. Faisant quelques pas à l'extérieur, je restais au milieu de l'escalier, droit comme un I. J'avais l'habitude de garder un certain maintien en toute circonstance ; on m'avait enseigné que cela donnait de l'allure, et j'aimais à le croire. Au moins pour que toutes ces heures de cours particuliers de bienséance sous le regard acéré du Lord - mon cher Oncle ou, devrais-je dire, Paternel - n'aie pas servies à rien, même si elles m'avaient souvent semblé une perte de temps. « L'éducation, plus que le sang, fait vraiment la différence, mon cher. Même si tu ne dois pas non plus ne pas préserver ce grand cru d'hémoglobine qui parcourt tes veines, sans la distinction qui va avec, tu ne lui ferais pas réellement honneur. » Tels étaient les préceptes qu'Angelo Michelli m'avaient transmis, et chaque jour, je leur rendais gloire, depuis maintenant 7ans. Avec un rictus las, je plongeais ma main dans ma poche, avant de farfouiller dans l'autre, et de laisser échapper un grognement. Pas de briquet. Je réalisais soudain qu'un élève de ma maison me l'avait emprunté ce matin, et ne me l'avait pas rendu. Je m'en souvenais maintenant ; je n'avais pas fait attention car Quinn m'avait rejoint à l'entrée. Toutefois, ce dernier ne perdait rien pour attendre, et il allait m'entendre quand je tomberais de nouveau sur lui. Ce n'était pas comme si j'allais tolérer qu'on me vole quoi que ce soit, que ce briquet fut en argent ou en vulgaire plastique - et en passant, il était bel et bien en argent, avec mes initiales magiquement ajoutées en filigramme... Essayant la poche intérieur de ma veste de costume, mes doigts rencontrèrent une boîte en carton, et mon sourire s'élargit. J'avais encore mes allumettes ! J'en sortis la seule et unique qu'il restât au fond, et la fit craquer contre la boîte. Protégeant la petite flamme de ma main, j'approchai cette dernière de ma cigarette... Et une lame de vent me délesta de mon dernier espoir. Pestant, j'écrasai la petite boite ridicule dans mon poing, et la jetait au loin. Ce n'était décidément pas une bonne journée.

    En désespoir de cause, mes yeux inspectèrent lentement les alentours, tandis que je descendais les marches. Le parc semblait désert, à cette heure. C'est alors que mes yeux se posèrent sur le Lac que j'aperçus un petit point rouge, qui brillait dans l'obscurité. La provenance de ce dernier ne mit pas longtemps à m'apparaître, et un nouveau sourire vint s'installer sur mes traits. Quelqu'un fumait près du Lac. Le Lac... Je n'aimais pas trop m'en approcher, puisque même si très peu était au courant, j'avais une peur terrible des grandes étendues d'eau, mais j'avais vraiment envie de cette cigarette, alors je pouvais bien faire un effort. Et puis, Clyde Andrews n'allait pas se laisser impressionner par quelques mètres cube de flotte, si ? Avançant à grand pas, d'un pas gracieux et aussi assuré que possible, je scrutais la silhouette de l'intéressé à mesure que j'approchai, et finis par le reconnaître dans la pénombre alors que je n'étais plus qu'à quelques mètres. C'était Chaucery, Ismaël Chaucery. Ce garçon dont on parlait depuis le début de l'année, parti un an pour voguer sur les flots. Une idée absurde, dans l'esprit de Clyde, mais plutôt culottée, ce qui ne lui déplaisait pas. Cependant, il ne savait pas grand chose sur ce garçon, en définitive, mis à part qu'il était de Gryffondor. – Bonsoir. Puis-je t'emprunter du feu ? Direct, mais il n'allait pas non plus y aller par quatre chemin pour une requête si banale, n'est-ce-pas. Puis, il ajouta avec un sourire, tâchant de ne jamais regarder vers l'eau. – Oh, et je ne voudrais pas paraître malpoli alors je vais tout de même me présenter : Clyde Andrews. Tu ne serais pas ce marin dont on parle ? Aucune trace de moquerie ou d'animosité dans la voix, simplement une pointe de curiosité qu'il ne cacha pas.
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Message par Invité Lun 29 Mar - 7:36

    Depuis qu’il était rentré à Poudlard, Ismaël avait chaque nuit eu ce réflexe stupide, pathétique, de venir se poster devant le lac avec une cigarette – comme lorsque, depuis le pont du navire qui l’avait recueilli, il regardait l’océan pendant des heures entières, sans sourire béat, indéchiffrable, heureux, silencieux. Parfois, cependant, des marins le rejoignaient et les discussions duraient alors jusqu’aux premières lueurs. Ici, la solitude se faisait ressentir. Certes, il avait remarqué qu’on parlait de lui aux détours des couloirs. Personne ne le montrait du doigt – trop d’orgueil, peut-être, dans sa démarche – mais il y avait ces murmures derrière lui. Il s’en foutait. Il préférerait qu’ils viennent lui raconter des histoires, des contes d’ailleurs. Bon élève mais éternel rêveur.

    Avec un frisson provoqué par un petit vent nocturne, Ismaël tira sur sa cigarette ; bouffée divine. « Fumer tue. » Il eut le même sourire que d’habitude : oui, et vivre ne tue pas, peut-être ? Les publicitaires étaient si concentrés, parfois, qu’ils en perdaient le sens commun. Même lui, dans cet univers magique, face à un lac qui était à la fois si magnifique et si insuffisant, en avait plus qu’eux. Il haussa les épaules, entendit un bruit, tournant la tête en sa direction. Une silhouette s’approchait. Masculine, d’après les formes et l’absence de chevelure. Il soupira, avant de se dire que la gente féminine ne manquait cependant pas autour de lui. Mais qui était-ce donc ? Et pourquoi s’approchait-il ?

    - Bonsoir. Puis-je t’emprunter du feu ?
    - Bien sûr.

    Ismaël ne l’avait pas encore identifié, mais il sortit de sa poche un briquet d’une noirceur uniforme. En le tendant à l’autre garçon, il plissa les yeux – effort de quelques secondes pour savoir, quand même, à qui on a affaire – en vain.

    - Oh, et je ne voulais pas paraître malpoli, alors je vais tout de même me présenter : Clyde Andrews. Tu ne serais pas ce marin dont on parle ?
    - Et toi, ce magicien des cachots qui les as tous terrifiés ?

    La tournure montrait qu’il ne prenait pas très au sérieux les incidents qui s’étaient produits à Poudlard. Il avait beaucoup de compassion pour ceux qui en avaient été les victimes, mais aucune rancune contre les conspirateurs. Au contraire, il y avait plutôt une forme de curiosité et de compréhension. Les génocidaires ne sont pas des monstres, ce sont avant tout des hommes. Alors, pourquoi les condamner avant même que le procès ait eu lieu ? Ismaël ne jugeait que rarement.

    - Exact pour l’histoire du marin. Je m’appelle Ismaël Chaucery. Et ceci est mon univers, dit-il en montrant la surface du lac.

    Il n’avait pas remarqué que Clyde essayait de ne pas voir l’eau, mais il n’allait sans doute plus tarder. Les révélations allaient-elles commencer à exploser ?

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Message par Clyde Andrews Mar 30 Mar - 13:10


    – Bien sûr. Tout en attrapant le briquet que me tendit le Gryffondor, je continuais de parler avant de lancer la conversation. Autant faire d'une pierre deux coups, non ? C'était une ouverture rêvée pour en savoir un peu plus sur ce marin d'eau douce... Et sa réponse me surprit, toutefois agréablement puisqu'on put voir un sourire amusé pointer sur mon visage. – Et toi, ce magicien des cachots qui les as tous terrifiés ? Non sans une pointe de fierté au visage, je haussai les sourcils d'un air voulu détaché. Il était vrai que j'avais causé pas mal de sueurs froides aux gamins de ce château avec l'attaque du Bal, mais il était nullement prouvé que j'étais réellement l'instigateur de tout ce remue-ménage, même si les rumeurs allaient bon train à ce propos. Je me contentai de porter ma cigarette à mes lèvres et de lever le briquet à sa hauteur afin de l'allumer sans répondre, puis que pour l'instant il n'avait fait qu'éluder la question que j'avais posé, même si cela me donnait par ailleurs déjà une confirmation. Toutefois, j'étais le genre à attendre que l'on me réponde avant de me dévoiler. Donnant donnant dirons-nous, du moins c'était de cette façon que je voyais les échanges, étant loin d'être le genre à me confier sans raison, et surtout sans rien en retour. – Exact pour l’histoire du marin. Je m’appelle Ismaël Chaucery. Et ceci est mon univers. Son nom m'est familier sans réellement l'être. Il réveille en moi un drôle d'écho, dont je ne sais encore trouver la provenance... Toutefois, je n'ai pas le loisir de m'y étendre. Mes yeux suivirent machinalement sa main, avant de revenir instantanément sur la terre ferme.

    Je laissai un léger silence incertain, resserrant machinalement les pans de mon manteau autour de moi avant de rompre le silence nocturne. – Merci, Ismaël. Lui tendant son briquet, je me recentrai sur la situation plutôt que sur le paysage. Un léger frisson détala tout de même le long de ma colonne alors que je répondis ensuite d'un ton se voulant amusé à sa remarque : – C'est exact aussi pour le fait que j'en terrifie certains... Même si les cachots sont loin d'être mon univers. Moi c'est plus la bibliothèque. Après tout, j'étais un Serdaigle, et loin de moi l'idée de paraître louche en avouant que je passais bien trop de temps dans cette partie du château pour être innocent. En tout cas, je retirai une certaine satisfaction du fait qu'il ne semblait pas tant que ça s'offusquer des rumeurs sur ma personne. Ça faisait déjà un point en sa faveur. Tirant avec délice une grande latte sur ma clope, je lançai ensuite en fronçant les sourcils : – Qu'est-ce qui peut bien t'attirer là dedans ? D'un petit mouvement de tête, je désignai le Lac, clairement sceptique. C'était que de la flotte. Et pour moi, il n'y avait rien de bien folichon à se trouver entouré de flotte. De flotte à perte de vue... Je réprimais un nouveau frisson. Rien que l'idée m'était difficilement concevable, alors le vivre... Même pas la peine d'y penser. Et puis, j'étais aussi persuadé que, si je m'y risquais, en plus de faire quelques crises d'angoisse sympathiques, j'aurais le mal de mer. Pour sûr !
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Message par Invité Mar 30 Mar - 18:04

    La situation était malgré tout comique.
    Deux personnes, depuis quelques mois, étaient le sujet de toutes les conversations : Ismaël et Clyde. Certes, il y avait eu aussi les quatre nouveaux élèves venus d’on ne savait où, mais leur mystère avait fini par être accepté par la plupart. Au contraire, les personnes avaient des réactions claires d’identification ou d’animosité à l’égard des deux adolescents. Et cela semblait bien leur plaire. La situation était comique, donc, puisque c’était ces deux-là qui s’étaient retrouvés à fumer une cigarette, dans le parc, la nuit tombée. L’un pourrait tuer l’autre, et les rumeurs iraient encore bon train. L’un pourrait aider l’autre, et tout basculerait. Que deviendrait ce duo de fous machiavéliques à fort caractère ? De la magie.

    - Merci, Ismaël.

    Le Gryffondor récupéra son briquet, avec seulement un léger geste de la tête pour signifier que ce n’était rien. L’autre ne le verrait sûrement pas, mais on ne se défait pas d’une vieille politesse apprise à la dure sur les planches d’un navire. Il s’agit d’être cordial avec tous, pour se faire accepter dans un univers où on est le plus petit et le plus freluquet, et où on finit par avoir sa place, une vraie, celle d’un vingtenaire dont le corps et la tête ont beaucoup évolué en un an.

    - C’est exact aussi pour le fait que j’en terrifie certains. Même si les cachots sont loin d’être mon univers. Moi, c’est plus la bibliothèque.

    Ismaël se tourna alors avec curiosité vers Clyde. Il n’avait pas tout à fait le profil d’un très bon élève, et ce n’était pas ce qu’en avait entendu le Gryffondor. Il faut dire que les rumeurs tournaient principalement autour de ses méfaits, de Quinn, et de leur personnalité étrange, à tous les deux. Ismaël fit une moue, en pensant à ces rayons de bibliothèque poussiéreux vers lesquels on l’avait poussé tant de fois, alors qu’il y rechignait. Cependant, il avait des examens décisifs à passer, s’il voulait avoir un diplôme. Et ça l’occuperait, au moins, d’ici le renouveau des voyages. Immédiatement, donc, alors qu’il ne connaissait rien d’autre que sa politesse et une forme de dignité sauvage en lui, Ismaël demanda à Clyde :

    - On pourrait peut-être travailler ensemble, à la bibliothèque. Si tu m’apprends comment tenir là-bas, j’aurais sans doute des choses à t’enseigner également. Bons procédés, honneur sauf.

    Son ton était calme, légèrement amusé pour ce qui était des procédés et de l’honneur. Cependant, quand Clyde lui demanda ce qui l’attirait au sujet de l’eau, sa voix changea complètement. C’était alors une forme de rêverie tendancieuse, une immense aspiration à un au-delà perdu et regretté, malgré tout le bien qu’il éprouvait à Poudlard ; rien ne compensait l’appel de l’océan.

    - L’infini. Je suppose que tu as un peu cela aussi. Si tu cherches à te faire remarquer, comme ils disent, c’est une manière de t’inscrire dans l’histoire, de devenir immortel. Je ne veux pas spécialement que mon nom soit retenu par tous, mais je veux au moins marquer la vie des personnes qui me croisent et qu’inversement elles m’enseignent tout ce qu’elles ont à me dire.

    Un sourire.

    - Le rapport avec l’océan est simple. L’eau est la seule chose qui m’apaise sur Terre. Sans elle, je passe mon temps à farfouiller, faire des rencontres, boire, fumer, lancer des sorts, faire pousser des plantes carnivores ou attraper des animaux étranges. Je ne tiens pas en place, ne sais pas être un élève discipliné, ne peux pas écouter un cours sans dessiner ou ércire en même temps. Sans cesse besoin de m’évader et de penser à cela, l’au-delà. L’infini.

    Pour la première fois depuis qu’il avait quitté les marins, Ismaël se sentait bien. Il ne connaissait toujours pas Clyde autrement que par les rumeurs et ces quelques secondes. Pourtant, il se livrait avec la simplicité de quelqu’un qui parle à un frère, à une âme sœur, à un être de toujours. Il se tourna vers lui, une seconde, se demandant avec étonnement ce que Andrews pouvait dégager pour qu’il se confiât ainsi. Peut-être était-ce une force de manipulation qui allait le rendre vulnérable, plus tard. Le plus étonnant de tout est qu’à cette pensée, il se contenta de hausser les épaules, et ajouta :

    - Tu peux faire ce que tu veux de ces informations. Je te fais étrangement confiance. Et tu ne peux que la préserver ou me décevoir, de toute façon.

    Il sortit une seconde cigarette, juste après avoir écrasé la première, puis laissa la conversation en suspens. Clyde avait bien des choses sur lesquelles rebondir. Il avait l’air d’être un garçon intelligent.

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Message par Clyde Andrews Mar 27 Avr - 12:27

désolée du retard u_u"

    Tout comme Clyde était surpris par l'attrait du jeune homme pour la mer, Ismaël semblait l'être par son attrait pour les livres. La connaissance, n'était-ce pourtant pas quelque chose de fantastique ? Toutes ces âmes qui s'étaient penchées sur des problèmes plus ou moins existentiel, et avaient tenté dans extraire le sens, le fonctionnement, ou l'essence même... Cela rendait notre cher Serdaigle pour le moins admiratif, tout du moins lorsqu'il s'agissait de travail bien fait. Et puis, cela expliquait aussi son envoi dans cette chère maison connue pour ses esprits brillants et travailleurs, car le jeune Andrews faisait parti de ces perfectionnistes qui aiment à maîtriser un sujet sur le bout des doigts avant de prétendre le connaître. Ce n'était pas son genre de faire semblant d'être érudit grâce à quelques babillages approximatifs... Il préférait ne pas le paraître et surprendre, comme à l'instant. – On pourrait peut-être travailler ensemble, à la bibliothèque. Si tu m’apprends comment tenir là-bas, j’aurais sans doute des choses à t’enseigner également. Bons procédés, honneur sauf. Ce fut à Clyde de se laisser surprendre par la brusquerie de la requête du jeune homme, ainsi que par la petite note humoristique sur l'honneur qui la concluait, si bien qu'il laissa échapper un léger rire qui fit sortir quelques voluptes de fumée par ses narines.Son vis à vis avait lui aussi ce petit sourire au coin des lèvres, le même qui venait d'apparaître sur les siennes alors qu'il répondait : – Je serais honoré de te faire profiter de mes capacités... Et de découvrir les tiennes. Il était vrai que cette phrase de la part du Gryffondor venait d'attiser encore un peu plus la curiosité de notre aquaphobe. Car que pouvait bien avoir Ismaël qui aurait pu intéresser Clyde ? Sa connaissance maritime n'avait pas exactement de quoi lui plaire... Ce qui lui plaisait dans ce jeune homme, c'était son mystère, et cette popularité étrange qu'il avait acquise. Mais ce n'était pas des choses qu'on enseignait, même s'il était curieux - et pressé - d'en apprendre davantage. C'est pourquoi il s'enquit, certes un peu froidement, sur son attrait de l'eau. Cette immense étendue liquide dont il était presque impossible de percevoir le fond, et qui renfermait sous sa surface autant d'horreurs que de beauté... Voir davantage. Et il fut surpris de voir le visage du jeune marin d'eau douce changer autant à la simple évocation de ses voyages. – L’infini. Je suppose que tu as un peu cela aussi. Si tu cherches à te faire remarquer, comme ils disent, c’est une manière de t’inscrire dans l’histoire, de devenir immortel. Je ne veux pas spécialement que mon nom soit retenu par tous, mais je veux au moins marquer la vie des personnes qui me croisent et qu’inversement elles m’enseignent tout ce qu’elles ont à me dire. Le rapport avec l’océan est simple. L’eau est la seule chose qui m’apaise sur Terre. Sans elle, je passe mon temps à farfouiller, faire des rencontres, boire, fumer, lancer des sorts, faire pousser des plantes carnivores ou attraper des animaux étranges. Je ne tiens pas en place, ne sais pas être un élève discipliné, ne peux pas écouter un cours sans dessiner ou écrire en même temps. Sans cesse besoin de m’évader et de penser à cela, l’au-delà. L’infini. Clyde n'avait pas dit mot. C'était comme si le temps s'était, tout le temps que les mots dépassaient les lèvres du garçon, suspendu. Et alors qu'il scrutait la surface du Lac, les iris verts d'Andrews scrutait les traits d'Ismaël. Paisibles, lointains... Ailleurs. Il y avait à la fois un mélange d'euphorie et de quiétude dans sa façon de s'exprimer, une sorte d'aura de bonheur qui échappait totalement au Serdaigle qui avait froncé les sourcils. L'infini... Par la mer ? Les voyages ? ... Ismaël avait-il trouvé le moyen de vivre réellement ce que lui vivait à chaque fois qu'il se plongeait dans une lecture intéressante ? Clyde avait la mémoire, il vivait les mots... Et Ismaël avait les souvenirs : il vivait tout court. Une drôle de sensation se répandait dans les entrailles du Serdaigle qui avait détourné les yeux aussitôt que les mots avaient arrêté d'affluer. Il était incapable de dire si c'était un sentiment dérangeant ou... Autre chose. – Tu peux faire ce que tu veux de ces informations. Je te fais étrangement confiance. Et tu ne peux que la préserver ou me décevoir, de toute façon. Les yeux de Clyde revinrent effleurer le visage d'Ismaël, et le fuirent aussitôt de nouveau alors qu'un rictus apparaissait sur ses lèvres. Le conflit intérieur qui le minait ne lui laissait pas de répis... Les réponses qu'avait soulevée sa question soulevait encore plus de questions. C'était toujours ainsi que se déchainaient les passions de Clyde : un mystère qui, au lieu de se résoudre, s'épaississait de minute en minute. Quoi de plus plaisant ? Il ne lui restait donc qu'une seule chose à faire : demander d'autres réponses. Et faire en sorte de les obtenir. Il laissa un silence, tira une nouvelle latte de sa cigarette quasiment terminée, et recula d'un pas tout en désignant d'un nouveau signe de tête la surface noir du Lac. – Inscrire mon nom dans les mémoires, dans les écrits, oui, je l'avoue, j'ai un certain penchant pour la postérité... Commença-t-il en laissant s'étirer un sourire sur ses lèvres pâles, qui disparut presque instantanément. Mais je ne suis pas assez arrogant pour prétendre à l'immortalité. Je sais que tout finit par se perdre, s'oublier, avec les accoup du temps. Mon nom sera peut être connu dix, vingt, trente, quarante ans, un siècle... Puis d'autres noms le remplaceront. Ainsi va la vie. Alors l'infini... Non, je ne le recherche pas. Un temps d'arrêt, légère hésitation et dernière latte de cigarette, avant de poursuivre. – Non. L'infini me terrifie. Le vide. Le néant des profondeurs. L'incertitude. Je ne me sens pas bien si je ne sens pas le sol sous mes pieds, sachant pertinemment qu'il y a des kilomètres de terre qui portent mes pas, ou alors conscient de la sécurité des bâtiments dument étudiées pour supporter un poids énorme. Ça, c'est réel, c'est palpable, c'est immuable. Même petit, déjà, je n'arrivais pas à me fier à un simple escalier de bois. Je pensais qu'avec mon poids, alors que je ne devais pourtant pas peser bien lourd, j'allais passer au travers, et tomber dans le vide. A présent, je sais grâce aux lois de la physique qu'il est solide, mais il m'a fallut du temps. Les mots s'enchaînaient sans qu'il ne cherche à les retenir, comme s'ils s'étaient tenus trop longtemps sous la surface, et perçaient enfin, presque avec soulagement. – Alors l'Océan... C'est immatériel. Qu'une coquille de noix telle qu'un bâteau survive dans son immensité, ça défit la logique, ça me dépasse. Jamais on ne pourra jamais en connaître la totalité de sa surface, de ses secrets. Il est trop vaste, trop imprévisible. Et moi, je suis trop cartésien. Mais quelque part, tu n'as pas tord. Il y a bien un infini qui m'attire... Dans les livres. L'imagination. Cette absence de frontière. Cette sortie du réel et des cadres connus... Ce Royaume illimité, la face cachée de l'ice-berg, ça je l'admire, tant que ça reste dans le domaine du pensable. Temps d'arrêt, sourire. – Tu dois me prendre pour un lâche, mais je suppose que quelque part on est quitte, puisque de mon côté, je te trouve totalement inconscient. Enfin, il le regarda. Ses iris bleus cherchèrent son regard alors que son coeur lui semblait étrangement léger. Qui aurait pu croire que se confier serait un tel délice ? Sûrement pas Clyde Andrews. Et surtout pas avec une personne qui lui paraissait tellement opposée à lui. Mais pourtant... C'était le cas. Il eut envie de rire, mais ne se permit qu'une expression amusée en lançant une petite provocation finale en jetant son mégot dans l'herbe, pour sortir une seconde cigarette à son tour : – Déçu ?
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Message par Invité Mer 28 Avr - 6:52

    Parfois, l’osmose.
    Ismaël et Clyde étaient la preuve que deux côtés d’une pièce communiquaient. Ils étaient la preuve que deux axes d’un miroir pouvaient un jour se rencontrer, par un déplacement fructueux de lumière. Presque immobiles dans cette nuit si étrange, si singulière, ils se tenaient là, se connaissant depuis si peu mais se connaissant depuis toujours, comme des pièces manquées d’un puzzle qui s’était brouillé. Ils avaient la possibilité de retrouver des repères par la parole. Alors, ils se confiaient, inconsidérément, inconsciemment, avec une insouciance qui ne ressemblait finalement ni à l’un, ni à l’autre.

    Tout comme Clyde l’avait fait, Ismaël n’interrompit pas la tirade de son interlocuteur. Il se contenta de rester pendant quelques secondes les yeux sur le lac, avant de regarder le visage qui s’exprimait, dans l’ombre, pour la première fois depuis si longtemps, pour la première fois peut-être. Il regardait ce visage qu’éclairait parfois la cigarette, puis replongeait dans les ténèbres. Et il se dit que c’était cela, Clyde : un homme de l’ombre dont il fallait saisir les éclairs pour pleinement le comprendre. Il y en avait trop qui les mettaient de côté – l’habitude stupide de juger sans savoir. Ismaël commençait à savoir, et ce qu’il apprenait lui plaisait. Il resta pensif après la tirade de Clyde, et eut besoin, pour répondre, de son :

    - Déçu ?
    - Non.

    Il était conscient, bien sûr, que ce n’était pas une réponse à part entière. Mais il réfléchissait, si vite. Effectivement, il y avait une certaine lâcheté dans le comportement de Clyde, une forme de peur qu’il n’aurait jamais décelée chez lui autrement. Comment expliquer cela ? L’enfance selon Freud, l’adolescence selon les magazines féminins, l’étape du miroir selon Lacan ? Il y avait quelque chose qui clochait chez Andrews et Ismaël ne savait pas d’où cela provenait. Lui qui depuis longtemps ne s’était pas trouvé face à des personnalités riches, mystérieuses, sentit le sourire sur ses lèvres se transformer. Quand deux énigmes se rencontrent, les solutions finissent-elles par venir ? C’est ce qu’ils allaient voir.

    - Non, je ne suis pas déçu. Parce que si tu as peur de vivre, j’ai peur d’éprouver. L’imagination et les livres ne feraient que me renvoyer à toutes ces relations que j’ai avortées, à toutes ces émotions que je me suis empêché de ressentir, à toutes ces fuites, incessantes. Je ne suis pas un très bon ami, ni au-delà. Pendant une tempête, je vais à l’avant du bateau, et je laisse l’eau et le vent prendre mon corps et mon esprit, les tordre ; j’observe de mon mieux la ligne d’horizon et je n’ai pas peur. Pendant une scène d’amour, pendant ces stéréotypes où une personne prononce « Je t’aime » et l’autre doit lui répondre, alors je deviens la silhouette effrayée que tu aurais été dans la tempête. Je cale. Je fuis.

    Ismaël se rappela la scène avec Coralie, scène désespérée et désespérante, absurdité des mélodrames mal écrits par des scénaristes obèses ; il frissonna et pensa à l’océan plutôt, se calmant immédiatement. Il ne tenait pas à s’agiter pour des évènements particuliers auprès de Clyde. Il n’était pas capable d’éprouver. C’était une information suffisante, semblait-il.

    - Pour la connaissance, c’est différent. Je suis curieux. Mais il y a dans ces livres et dans ces salles de classes, et dans ces parchemins et ces plumes qu’on achète si cher, comme un souffle insidieux. J’ai peur que tout cela ne m’enferme dans un système. Tu vois les filles qui se mettent à pleurer quand elles n’ont pas eu la note escomptée ? Je ne veux pas de cela. Ce serait oublier ce que je suis, ce qui a de la valeur dans ce monde. Se révolter a de la valeur. La mort a de la valeur. La vie a de la valeur. Une note n’en a pas. Voilà, pour moi, la connaissance s’inscrit trop dans un système scolaire proche du lavage de cerveau.

    Il s’allongea sur l’herbe. Sa deuxième cigarette était finie mais il n’en ralluma pas une aussitôt. Il pensait.

    - Quelle relation as-tu avec Quinn ? Les gens parlent d’elle quand ils parlent de toi. Et aussi, quelles sont tes ambitions ? Tu sais, ton rêve. As-tu trouvé la méthode par laquelle on parlerait de toi dans les décennies à venir ?

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