Sid # So, fuck you and all we've been through. END

Ça y est. Il est cinq heure du matin, et j'ai réussi à garder l'œil ouvert jusqu'aux premiers rayons du soleil. Je suis trop épuisé pour prétendre que je ressens quoi ce soit. J'ai la tête dans le drapé de l'oreiller, le corps engourdit sous la couette mauve. Je n'entend pas ma respiration, et mon regard ne se défait pas de la fenêtre aux volets ouverts. Dans quelques minutes, j'entendrai ma mère se lever. J'aurais dû ne pas m'entêter et me laisser à l'indifférence du sommeil réparateur, mais mon œil droit me lance et je sens suinter la brûlure de mon coude. Finalement, j'en revenais encore à regretter d'avoir refuser que l'on me ramène chez moi après le cinéma. Nous n'en serions pas là. La nuit entière n'avait pas suffit à clore le débat et les minutes s'égrenaient au son du tic tac de la pendule accroché dans le salon, au dessus du bahut. Je ferme les yeux. Qu'en est-il de Rosie ? Je rempli violemment mes poumons d'air, et mon souffle se coupe d'apprendre que mes côtes ne me permettent pas ce luxe. J'avais envie de pleurer à l'idée d'être autant amoché. Mais j'avais laissé mes larmes derrières moi, et les dernières heures passées à sangloter dans le silence du noir avaient suffit à rendre mes yeux secs. J'attendrai que ma mère soit parti pour me lever. J'avais envie de me tirer d'ici mais je ne souhaitais pas avoir à être mon propre avocat auprès d'elle. Que pouvais-je bien lui avouer ? Je sais bien que je ne faisais que retarder l'heure où elle devinerait ce qu'il s'est passé. Mais pour l'instant, mon corps dans son intégralité rejetait la possibilité même de se courber.
C'est la première fois que je vois le soleil se lever, je crois. Il est encore trop tôt pour faire quoique ce soit. J'ai pourtant désormais l'irrésistible envie de courir, et m'arracher de mes tords, me laver de mes regrets qui m'ont volé le sommeil. La vérité, c'est que je reste immobile dans mes draps, et je sens maintenant un picotement au bout des doigts, dont les extrémités se frôlent entre elles. Au contraire de mon corps, mon cerveau s'est engourdi, et je sens mes yeux me piquer. J'ai peur de fermer mes paupières.
Nous étions le 23 Décembre, j'avais quatorze et je venais de rentrer de Poudlard pour les vacances de Noël. Mais la veille m'a rappeler à quel point j'étais pitoyable, et même être sorcier ne m'a pas aidé.



A l'école, mes troubles alimentaires m'ont empêchés de jouer au foot et rugby. Je restais sur le banc de touche et attendais que la sonnerie ne résonne sur le terrain pour me tirer avant qu'on ne me chope à baver sur ceux qui défoulaient leurs muscles déliés à courir après un ballon. Je n'arrive pas à grossir. On dirait même que mon métabolisme fonctionne à l'envers. Mon père était aussi fin que moi, mais cette ressemblance ne l'a pas incité à daigner m'accorder un minimum de son attention. C'était mon père, je l'aimais, mais la violence que j'éprouvais envers lui alors qu'il chassait mon regard en tournant la tête me susurrait les pires insultes qu'un fils peut avoir à l'égard de son paternel. Je l'ai regretté lorsqu'il s'est barré avec une autre nana. Il avait laissé un mot sur ma table de chevet, juste avant de partir. J'avais sept ans. La lettre trahissait beaucoup de choses, malgré ma lecture encore trop fragile à cause de mon âge. Je continu de garder les cd, ses préférés, qu'il a tenu à m'offrir. Ma mère ne l'a jamais su.
Après sa disparition, on a pas pu continuer à payer les allocations, alors on a déménagé en périphérie de Liverpool, dans un hlm miteux qui puait la pisse.
Ce n'est pas vous mentir que d'avouer avoir grandi dans une ambiance gangrenée par la violence. Les immeubles étaient pleins d'immigrés, de junkies qui préféraient collectionner les dettes plutôt que de renoncer à leur dose d'amphet' et d'adrénaline, les types qui passaient leur temps sur le terrain de basket à cracher sur les gosses qui couraient pour rejoindre l'école du quartier. Les descentes de flics n'étaient pas rares mais j'étais clean sous tout rapport, et qui irait arrêterer un gamin même pas âgé de neuf ans ? Mes pouvoirs ne se sont pas manifestés très tôt. Enfaîte, j'avais dix ans lorsque j'ai déplacé le cendrier de ma mère sans même avoir eut à le toucher. Croyez moi, lorsque nous avons reçu la lettre cachetée, nous avons tout deux été bouleversés.
J'ai omis en parfaite conscience de m'attarder sur mon enfance. Il ne s'est rien passé qui soit digne d'être raconté, et, malgré la poubelle dans laquelle nous habitions, nous avons réussis à former une famille qui, je crois, est digne de ce nom. A l'époque, j'étais encore la sacrée tête de con du quartier. J'étais déjà pas bien gros, manque de bol j'ai des traits féminins. Ma mère dit que c'est beau. Les types de la banlieue appréciaient beaucoup moins. Je sens encore la brûlure de leur mots imprimés dans ma chair. Les "tapette", "pédale" et autres sucreries ont finit par ne plus m'atteindre. A l'inverse, j'ai fini par consumer une haine particulièrement farouche envers ceux qu'ils m'accusaient d'être. J'avais envie de les bouffer, eux et toute la panoplie d'abrutis qui parasitaient mon quotidien. Plus j'en voulais au monde d'exister plus les idées naissaient dans ma tête; et finissaient par mourir dans la frustration qui se cristallisait sur ma rancœur. Et je ne cessais de me répéter que je ne trouverai aucune satisfaction dans l'amertume aux allures de haine qui me pourrissait le cerveau. J'ai commencé à être un fantôme lorsque j'avais dix ans. J'essayai aux yeux des autres de me terrer avant que ça passe, car ça passait toujours, mais je sortais avec la peur au ventre de me faire choper par un ou plusieurs gros bras en manque de sport, et si ça n'arrivait pas tout le temps, les fois précédentes étaient de trop.
Lorsque j'avais du temps libre que le temps s'y prêtait, je passais mes après-midi à la mer avec une copine ou deux. Rosie était toujours avec moi. Je l'avais rencontré à l'école Moldue, et nous étions inséparable. Quel effet cela faisait de ne trainer qu'avec des filles ? Rien. Absolument rien.
Malgré l'amitié que je lui liait, j'ai cru un instant que la lettre de Poudlard que j'avais reçu à l'aube de mes quatorze ans était une bénédiction. J'étais prêt à tout abandonner, et la peur de l'inconnu ne m'avait pas effleuré jusqu'à ce que je sois posté sur le quai 9 3/4. Ici personne ne me regardait. J'étais un nouveau parmi tant d'autre. On m'a flanqué dans le train avec mon chat roux et ma baguette en poil de lutin qu'on avait préalablement acheté sur le Chemin de Traverse, et je voyais de la vitre derrière laquelle j'étais assis le cœur de ma mère se serrer de larmes. Puis nous sommes tous partit.

Pour la première fois de ma vie, je me sentais roi. Je pensais que la baguette entre mes mains me donnait la toute puissance, je ne sais pas, quelque chose de ce genre. Mais c'était peut-être le même sentiment qu'un soldat a lorsqu'il tient son arme. J'étais devenu sûr de moi, invincible, et je l'aurais fait sentir au premier qui aurait eut l'audace de se frotter à moi. Alors, lorsque je suis rentré chez moi pour les vacances de Noël, Rosie, quelques uns de ses amis et moi sommes aller au cinéma. J'étais le plus jeune de tous. Après le film, on est partit boire quelques bières dans le pub punk à côté. Ils se foutaient bien de l'âge qu'on pouvait avoir, c'est d'ailleurs à peine s'ils nous prêtaient attention. On a voulu nous raccompagner chez nous, et comme Rosie n'habitait pas très loin, elle a refusé avec un sourire, prétextant qu'elle préférait marcher. Moi j'avais tout simplement pas envie de me retrouver seul avec des types que je ne connaissais qu'à moitié, alors je l'ai accompagné. On a parlé. On s'est raconté les mêmes choses que les fois précédentes, mais ça ne me dérangeait pas. Elle non plus. Et puis il y a eu une voiture, une vielle buick cabossée au capot qui a ralentie en passant à côté de nous. Les mecs ont sifflés Rosie. Elle a rit, pas plus que ça. Elle en avait l'habitude, c'était sans doute la fille la plus jolie que je n'avais jamais vu. Ils ont fait demi tour, et un des types à ouvert sa vitre pour lui demander son nom. J'ai serrer les dents, en même temps que la baguette au fond de ma poche. Elle leur a dit qu'elle n'était pas intéressée. Ils l'ont charriés, et Rosie a fini par me prendre la main. J'ai réagi comme un ressort, et leur ai adressé un "allez vous faire foutre" avec toute la vigueur que j'avais encore. Ça leur a pas plus, et ils sont tout les quatre sortis. Je n'avais pas eu le temps de faire quoique ce soit qu'on m'avait déjà attrapé par le col et flanqué un poing dans le nez. J'avais la tête qui tournait et j'ai essayé d'attraper le cou du mec qui me tenait fermement. Un autre coup est partit, dans l'œil cette fois. Il m'a lâché, je suis tombé. J'ai senti une brûle sur le coud avec lequel j'ai tenté d'amortir le choc. Ça les a fait marrer, et ils se sont barrés. Quand j'y repense, ça aurait pu être bien pire. Rosie était toujours là. Ils ne l'avait pas bousculés, et d'un côté, j'en étais soulagé. Elle a voulu appeler l'hôpital, j'ai refusé tout net. Je suis rentré chez moi après l'avoir raccompagné. J'avais le nez en compote, et ma tête a eut du mal à retrouver le sort qui arrêterait l'effluve de sang. Mais mon nez étant réparé, j'avais les idées plus claire et la vue moins brouillée. Finalement, je me suis couché sans faire de bruit. Et j'ai attendu que la nuit passe.

La première année et deuxième se sont relativement bien déroulées. Je mentirai si je prétendais avoir été tout à fait à l'aise en matière de magie, mais je me sentais chez moi et ce n'était pas plus mal.