Kara ; sweet child in time ♠ { terminée }

CHP I.
C'était une petite famille ordinaire, comme il en existait des mille et des cent. Heathcliff Watson n'était qu'un modeste employé de banque, vivant une petite existence commode et ordinaire dans son appartement des quartiers communs de Londres. Il ne vivait pas dans le luxe et n'avait pas de grandes ambitions, mais il ne manquait de rien et c'était un homme bon. Employé modèle, diligent et obéissant qui faisait son chiffre chaque mois sans rechigner. Bien sûr il avait toujours plus ou moins été sous la coupe de sa mère, Jane Watson – mais quel homme ne l'était pas ? Elle était pour lui un modèle de caractère et de force tranquille, animée du feu de ces personnes ayant vu passer les frimats de la dernière guerre et y ayant survécu. Peu de gens attendaient de grandes choses d'Heathcliff : n'ayant aucun talent particulier autre que la comptabilité – il avait toujours été prodigieusement doué en mathématiques – il avait au mieux des chances de devenir directeur avec son esprit rationnel et rigoureux, mais manquait cruellement du charisme et de l'esprit de management nécessaires aux exigences d'un tel poste. On l'imaginait deux ou trois années plus tard marié à une mégère aussi autoritaire et désagréable que pouvait l'être sa propre mère et lui faisant un enfant – un fils probablement, un être banal et ordinaire tout comme lui ou bien un raté fini.
À la surprise de tous, ce fut Kirdy Benson qui anima son coeur ennuyé. Kirdy était baroudeuse, fille de personne reniée par ses parents qui n'en faisait qu'à sa tête. Elle avait tout juste eu le temps de terminer sa formation d'aide-soignante avant d'être déshéritée à vingt-quatre ans par ses très fortunés parents en raison de la vie dissolue qu'elle se plaisait à mener. Avant même le mariage elle avait perdu sa virginité et partagé sa couche avec plusieurs hommes, ce qui avait constitué le comble de la honte pour ses géniteurs déjà révoltés de voir leur fille chérie embrasser la vulgaire carrière d'infirmière. La belle et sauvage Kirdy s'était donc rapidement retrouvée à la rue, vivotant de tout ce qu'elle pouvait bien dénicher ou de ce que les gens croisant son chemin avaient la bonté de bien vouloir lui donner. La concurrence était rude avec les autres sans-abris, les emplois durs à décrocher et la mendicité ne rapportait pas toujours.

Ce fut un soir d'hiver au coin d'une ruelle sombre qu'il la trouva, paralysée de froid, gelée jusqu'aux orteils et luttant vaillamment contre la mort qui lentement s'emparait d'elle. Ne sachant trop qu'en faire, Heathcliff la ramena finalement chez lui et pris soin d'elle, non le simple temps de son rétablissement mais bel et bien celui pour elle d'être embauchée dans un hôpital. Kirdy ne rentra jamais chez elle ni ne retourna à la rue, puisque ce fut chez son sauveur qu'elle s'installa. Elle était vive, riante et joyeuse, éclairant de sa joie de vivre le quotidien gris et morne du petit banquier, cuisinant des plats de toutes cultures dont il n'avait même jamais entendu parler ailleurs que dans de rares restaurants gastronomiques qu'il ne pouvait s'autoriser. Elle était si intelligente, subtile et reconnaissante pour chaque instant de vie qui lui était accordé, comme une brise d'air pur dans cette atmosphère autrefois pesante et viciée : elle l'accompagnait au travail le matin, accourait au-devant d e lui à son retour en fin de journée ; ils allaient au cinéma ensemble, se promener dans des parcs et jardins enchanteurs, découvrir des lieux dont Heathcliff n'avait même jamais entendu parler. Et Heathcliff changeait lui aussi de manière très visible : devenant plus souriant, plus expansif et enfin plus sûr de lui. Quittant sa réserve ordinaire, il dialogua avec ses collaborateurs et obtint le poste de directeur de la banque. Tout cet amour et ce nouveau bonheur, il le devait à Kirdy, à sa façon bien à elle de le rendre plus heureux qu'il ne l'avait jamais été auparavant ; six mois plus tard, Heathcliff demanda sa main.

CHP II.
Kirdy Watson, et non la harpie acariâtre et insatisfaite à laquelle nous nous étions attendus au début de ce récit, accoucha non pas d'un garçon mais d'une ravissante petite fille. Ce fut d'ailleurs à l'occasion de la naissance de la petite Kara Jane que les Watson changèrent de domicile, déménageant à Bristol dans la ville natale d'Heathcliff où il avait toujours voulu revenir. Le couple et leur fillette s'installèrent dans une modeste maison loin des quartiers proprets, bourgeois et bien rangés qui faisaient horreur à la fantasque Kirdy préférant élever son enfant dans une rue plus conviviale. Kara y connût une enfance heureuse et sans soucis marquée cependant de menus incidents inexpliqués : télévision qui change de chaîne toute seule, couleur de ses nouveaux vêtements qu'elle détestait qui passait du rose layette au vert pomme sans la moindre explication, objets qui lévitaient de leur propre chef vers elle lorsqu'on les lui refusait, et bien d'autres. Le pire fut lorsque sa mère qui l'avait pourchassée dans le jardin après qu'elle eut dérobée la jarre de cookies retrouva la fillette mystérieusement perchée au sommet du plus haut arbre des environs, tout sourire, croquant un gâteau à pleines dents.
On emmena la fillette chez moult pédiatres et médecins, sans succès – les étrangetés survenant autour de Kara n'avaient pas la moindre raison logique. Elle était une petite fille tout ce qu'il y a de plus enjouée et vive d'esprit, ne présentait aucun problème de santé notoire hormis ces faits incompréhensibles que nul n'était capable de solutionner. Kara elle s'en portait à merveille, semblant estimer tout à fait normal de faire voler des objets et changer de forme ou de dimension les choses qui ne lui plaisaient pas telles quelles. On jugea cependant plus prudent de ne pas la faire entrer à l'école publique et de lui faire suivre des cours particuliers à domicile – il n'aurait plus manqué qu'elle change par mégarde la couleur de cheveux de l'un de ses petits camarades sous le prétexte lancé de sa petite voix innocente et emplie de malice qu'elle les trouvait tout simplement laids, et n'étaient-ils pas plus beaux ainsi ? « - Grand dieu, elle en serait capable », songeaient ses parents barbottant dans l'incompréhension, le pire étant qu'elle ne pensait absolument pas à mal.

Les véritables problèmes ne survinrent pourtant qu'à ses treize ans. Devenue une jeune fille aux portes de l'adolescence que les ordres des parents n'effrayaient plus tellement, bien qu'elle fût une préadolescente plutôt accommodante, Kara commença à faiblir et à ressentir anormalement fort les émotions des autres. Son teint adopta définitivement cette nuance dangereusement pâle qu'on lui connaissait aujourd'hui tandis que son corps encore en pleine croissance s'annonçait d'ores et déjà mince et amaigri par les carences dont il était porteur. Ce corps qui refusait de fonctionner convenablement, Kara s'habitua progressivement à en subir les effets et les conséquences : les évanouissements, les malaises et les vertiges devinrent monnaie courante tandis que la douce jeune fille se consacrait à la lecture, activité par nature apaisante qui calmait ses crises et détournait suffisamment son attention des malheurs des autres auxquels elle cherchait incessamment à remédier. Tant de préoccupation pour autrui et de soucis de santé inquiétèrent encore davantage ses parents, qui entreprirent de la couver plus que jamais de crainte qu'elle n'ait le vertige de trop. Un accident était si vite arrivé …

CHP III.
L'étrangeté de Kara trouva sa réponse en la lettre qu'elle reçut le jour de ses quatorze ans, un vingt-et-un mai deux-mille un. On entendit sa petite voix encore fluette résonner de l'autre bout du corridor en un curieux et inhabituel mélange d'excitation et d'appréhension : « Maman ! J'ai reçu une lettre ! Une vraie lettre pour moi ! » Kara se souvenait encore du bruit si particulier produit par le martèlement des talons de sa mère sur le sol de lino, elle revoyait comme si c'était hier son expression à la fois soucieuse et intriguée de mère inquiète : qui donc pouvait bien écrire à son innocente fille ? Ils n'avaient pas d'ordinateur à la maison, Kirdy refusant la présence de toute cette technologie malsaine et mauvaise pour le développement normal d'un enfant dans sa maison. Kara n'étant pas scolarisée elle ne jouait qu'avec les gamins des environs, et Kirdy les connaissait tous : pas un seul d'entre eux ne se serait donnée la peine de payer de leur poche ce parchemin coûteux et de toute évidence ancien pour une simple mauvaise blague – aucun d'entre eux n'était d'ailleurs capable d'une écriture si soignée. Les lettres étaient entremêlées en un texte élégamment penché mentionnant le nom et l'adresse de Kara Jane Watson, 24 Albergate Street, Bristol ; qui donc pouvait bien connaître le second prénom de sa fille ? C'était celui de sa vieille grand-mère qu'elle détestait et dont elle se plaignait toujours des joues piquantes et nauséabondes, Ka' n'aurait jamais avoué à quiconque être reliée à elle davantage que par le sang. Décachetant d'un geste habile l'enveloppe qui la séparait de ses réponses, Kirdy lut avec attention le contenu de la lettre adressée à sa fille, ses yeux s'écarquillant au fur et à mesure qu'elle avançait dans sa lecture …

COLLÈGE POUDLARD, ÉCOLE DE SORCELLERIE

Chère miss Watson,
Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d’ores et déjà d’une inscription au collège Poudlard.
Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.
La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou le 31 juillet au plus tard.
Veuillez croire, chère miss Watson, en l’expression de nos sentiments distingués.

Kirdy demeura perplexe : devait-elle montrer ce papier relativement louche à Heathcliff, cherchait-on à se moquer de sa petite fille ? Aucune mention n'était faite pourtant d'un quelconque argent à envoyer pour la fameuse inscription. Une sorcière ... cela aurait expliqué bien des choses, et notamment les fameux évènements bizarres auxquels ils avaient toujours essayé de remédier bien malgré eux, par ignorance. Alors ce n'était que cela, des faits parfaitement anodins pour une sorcière ? Kirdy n'était pas sûre, hésitant à faire confiance et envoyer son bébé dans cette école qui semblait un peu bizarre – surtout vu la liste des fournitures scolaires requises ! - ou jeter le papier au feu. Elle prit finalement le parti d'en discuter avant tout avec Heathcliff et ne répondit point à la curiosité de sa jeune fille qui la harcelait de questions.

CHP IV.
Kara écarquilla les yeux d'émerveillement, comme beaucoup de jeunes gens autour d'elle : certains bien sûr semblaient blasés, jetant à leurs condisciples qui baillaient aux corneilles un regard dédaigneux – ceux-là, elle se demandait bien comment ils faisaient pour ne pas être tout aussi enchantés qu'elle-même ; avaient-ils déjà vu le sublime château aux tours toutes plus discornues les unes que les autres qui se tenait, imposant, devant elle ? Elle n'était pas encore revenue de sa visite au Chemin de Traverse avec ses parents, folle de joie qu'ils aient finalement consentis à la laisser aller à l'école de magie : elle avait quasiment pleuré devant les milliers de livres couvrant les étagères de Fleury & Bott, froncé le nez devant les ingrédients douteux et visqueux qu'on lui demanderait de manipuler en cours de potion pour fabriquer des philtres aux propriétés curieuses, arqué un sourcil devant les lourdes balances en or et les chaudrons en argent se déversant aux devantures des magasins, contemplé avec envie les superbes balais de course exposés dans la vitrine du magasin d'accessoires de “Kouidditche”. D'ailleurs, qu'était-ce que le Kouidditche ? Elle avait bien compris en écoutant différentes conversations à droite à gauche que cela se jouait avec des manches à balais et que ces fameux balais pouvaient voler, mais elle ignorait tout des règles élémentaires et pressentait déjà que cette ignorance lui serait néfaste une fois à Poudlard. Les gens n'avaient pas l'air d'aimer beaucoup ceux qui venaient du monde moldu par ici ... elle s'était déjà faite traiter de mots bizarres simplement en marchant dans la rue avec sa famille : était-ce parce qu'ils ne portaient pas de robes de femme colorées mais de simples jeans et tee-shirts ? Ils étaient bizarres ces gens, mais elle avait tellement hâte de découvrir leur monde ! Son monde, désormais, songea-t-elle en se rengorgeant avec fierté. Ils étaient allés lui acheter quantité de nouveaux vêtements correspondant à son uniforme sur lesquels il faudrait bientôt faire broder l'écusson de sa Maison, d'ailleurs Kara se demandait bien de laquelle il s'agirait pour elle – Serdaigle n'avait pas l'air si mal, mais elle ne voulait pas aller à Serpentard et encore moins chez les Gryffondor, pour quoi passerait-elle avec sa maladie qui l'empêchait de pratiquer toute activité trop intense ? Et puis vous parlez de courage ! Elle avait quasiment failli s'enfuir en hurlant en découvrant les gobelins ...

Détachant son regard des hautes tours de pierre et des reflets lumineux découpés dans l'eau comme autant d'yeux maléfiques par la lumière filtrant à travers les vasts fenêtres, Kara scruta avec une légère anxiété l'onde glacée remuant paresseusement sous les remous de la barque dans laquelle elle était assise. On disait qu'il y avait un calamar géant là-dedans ... et si elle tombait dans le Lac ? C'avait très certainement déjà du arriver par le passé, en plus elle ne nageait pas très bien sur les longues distances, piquer un crawl pour sauver sa vie des tentatules d'un poulpe géant n'était pas dans ses capacités : elle s'effrondrerait et coulerait comme une pierre avant même d'avoir atteint la mi-chemin de la rive. Reculant prudemment à l'intérieur de l'embarquation, la jeune fille courba la tête en traversant le rideau de plantes et d'algues dissimulant une petite grotte où tous s'arrêtèrent, puis suivit quelques instants plus tard la masse de première années convergeant vers la Grande Salle. Lorsque son nom fut appelé, Kara s'avança avec appréhension vers le Choixpeau pelé, rapé et à demi décousu qui trônait sur le tabouret de bois et frissonna lorsqu'on le posa sur ses longs cheveux bruns.

« Une jeune fille à la santé fragile, qui brûle néanmoins de faire ses preuves ... affirma le Choixpeau dans sa tête. Tu as énormément de coeur mon enfant, je vois beaucoup d'innocence et de timité, un tempérament fiable et sincère toutefois. Tu cherches encore ta place comme beaucoup d'entre nous. Oui, tu seras parfaite à ... POUFSOUFFLE ! »

Stupéfaite, Kara se leva et ôta prudemment le Choixpeau de sa tête avant de marcher le plus dignement possible et à pas mesurés vers la table aux écussons noirs et or d'où s'élevaient les applaudissements les plus drus – supposant que c'était par là qu'on s'attendait à la voir aller. Grand dieu, personne ne s'était-il jamais trompé de table et de maison avec cette étrange cérémonie ? La voix d'une jeune fille aux longs cheveux blonds comme les blés et au regard un peu perdu la tira de ses pensées tandis qu'elle prenait place. « Salut ! Je m'appelle Maaira, Maaira Van Tassel – pour moi aussi c'est ma première année. C'est un peu bizarre ici, tu ne trouves pas ? » « Aucun doute là-dessus. Ravie de te connaître, Maaira. » La jeune personne semblait amicale bien que passablement intimidée, et Kara lui adressa un sourire ravi tout en lui serrant la main, heureuse de s'être fait sa première amie à Poudlard.

CHP V.
« Kara, par ici ! Vite, dépêches-toi ! » Les cris, les hurlements, le bruit d'os brisés de ceux que l'on piétinait au passage pour mieux courir vers la sortie ... Kara justement, n'avait rien compris à ce qui se passait au milieu de cette débâcle sans nom. Un sortilège avait fusé, puis ç'avait été la débandade lorsque tous avaient réalisé que la pluie de sorts qui tombait tout à coup au-dessus des têtes provenait de cette bande d'individus encagoulés qui semaient la terreur et la peur sur leur passage. Et Kara qui s'était imaginé passer une belle soirée en compagnie de Chance, loin de cette catin de Leanna Gibson qui prenait son plaisir à lui voler son meilleur ami pour mieux l'utiliser ... Si encore elle en avait valu la peine, mais elle ne faisait que jouer avec lui. Pétrifiée par l'horrible spectacle qui se déroulait sous ses yeux, l'adorable brunette aux grands yeux bleus écarquillés par la peur ne réagit que lorsque son meilleur ami l'attrapa par la main, l'entraînant en courant vers la sortie tout en jetant de fréquents maléfices derrière son épaule pour les libérer des Cagoulés qui les pourchassaient.


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