seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
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seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
savannah louise simons
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_________________________________(c) madame-e |
introducing...
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La ruelle était dégueulasse, et sombre et tortueuse, comme la plupart des ruelles. Les épaisses bâtisses qui la délimitaient étouffaient les bruits de la vraie vie, celle du dehors, celle dans laquelle des gens s'affairaient – une autre dimension. Je me trouvais au milieu de nulle part avec pour seul repère les derniers rayons du soleil qui surnageaient au-dessus des immeubles, à l'ouest. C'est à peu près tout ce dont je me souviens. Déjà à cette époque, j'aimais la lumière hivernale qui coulait sur la ville, et le froid mordant traversant mon manteau. Ces impressions sont encore si précises et vivaces que le trou noir qui suit me semble à peine croyable.
D'ailleurs, peut-être que vous ne devriez pas y croire.
Je suis probablement la pire cinglée que vous ayez jamais rencontrée. Non seulement je raconte n'importe quoi, mais en plus je gobe mes conneries. De sorte que je ne sais même plus distinguer la vérité du mensonge, le fantasme de la réalité ; je ne suis pas même sure que les différencier ait une importance. A force de me répéter les choses, je m'en persuade. Je me complais dans ce délire, parce que je trouve que ça me rend plus intéressante ; et en avoir conscience aggrave les choses. (En admettant qu'elles soient graves. Ce qui n'est pas mon point de vue.) Ce souvenir, cette ruelle perdue dans un hiver indéfini, je suis incapable de vous dire si ça s'est en effet passé, ou si ce n'est que le produit d'un film, d'une photo, d'une histoire qu'on m'aurait racontée, que j'aurais mêlé à mes propres rêveries. On est tous comme ça. Tout le monde a le crâne bourré de faux souvenirs d'enfance qu'il considère parfois avec émotion. Je suis seulement pire.
J'aime beaucoup jouer des rôles idiots. J'ai longtemps fantasmé être un loup-garou. Plus j'y pensais, plus l'idée s'ancrait dans ma tête, et plus j'agissais de façon ambiguë. J'adoptais des attitudes, je lâchais des sous-entendus supposés faire croire que peut-être que... Mais je me suis calmée sur ce plan-là, parce que ça devenait épuisant, et puis à la longue, je me sentais vraiment déraper. Je vous assure que ça fait quelque chose. De se voir glisser dans les marais boueux du mensonge et de la folie. Je me suis rattrapée aux herbes hautes de la berge, et j'y suis toujours accrochée. Il y a des gens qui doutent encore, ça se voit sur leur visage quand ils me parlent. Ils ont des mots parfois hésitants. Et même une certaine déférence. J'adore. Mon Dieu. Si vous saviez comme j'aime ça.
Les gens m'ennuient. Ils ne sont jamais incroyables. Sans doute ne le suis-je pas non plus. Je peux tomber amoureuse d'un garçon simplement pour une phrase qu'il a prononcée, et m'en dégoûter l'instant d'après à cause d'une autre phrase. Les mots tuent toujours tout. Moi, j'ai envie de rapports simples et tranquilles, puisque la passion semble exclue. La passion, je la réserve pour moi-même. Pour mes délires.
et ta sœur ?
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NOM - Simons.
PRENOMS - Savannah, Louise.
DATE DE NAISSANCE - 02.02.1985
AGE - 17.
ORIGINES - Moldues.
et ta tante ?
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BAGUETTE - 29 cm, en bois de lierre, contenant un nerf de cœur de dragon.
PATRONUS - Un loup gris.
BIEN ou MAL ? Je t'en pose des questions ?
hors-jeu
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PSEUDO - Julie, Gullie, Gu, as you want.
AGE - 16.
AVATAR - Keira Knightley
PRESENCE - Pas énorme (étudiante inside mwahaha).
COMMENTAIRES ?
Dernière édition par Savannah Simons le Mar 20 Oct - 18:41, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
biographie, fantasme, autofiction, épopée,
écriture automatique
écriture automatique
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_________________________________(c) madame-e
les anges
Je n'entends même plus mes oreilles siffler. Partout, on chante, on hurle, on s'invective. J'ai l'impression d'être au zoo. L'impression d'une cage aux folles, de laquelle on ne sort pas. L'alcool me crame les yeux et je me noie dans la fumée, dans leur fumée, mais je ne cesse pas de sourire, puisque je m'éclate, pas vrai, qu'est-ce qu'on s'éclate. La preuve, mon cœur bat deux fois plus vite : le son propulsé par les haut-parleurs se rue en moi, m'envahit de ses cent vingt décibels – cent vingt décibels, le seuil de la douleur, ma poule – et chaque pulsation de basse s'intercale entre deux pulsations de mon cœur, et ça ne fait plus bouboum-bouboum mais boumboumboumboumboum, à l'infini. J'intercepte soudain le regard sombre de Gregory, aussi présent qu'un faisceau de lampe-torche, un regard qui me met mal à l'aise. Je me retrouve dans ses bras avant même de m'en rendre compte. Mes pieds ne touchent plus terre : je les sens à nouveau : ils me font atrocement mal. J'ai la sensation qu'on passe une porte. La musique s'éloigne et mon cœur s'éteint progressivement. La nuit nous enveloppe. Je suis au chaud. Plus tard, je sens qu'on s'appuie sur moi. Et jusqu'entre mes cuisses. Gregory, haletant, m'embrasse sans cesse dans le cou. Je le laisse faire : ses bras m'enveloppent. Par-dessus ses épaules, on peut voir les étoiles.
Je suis au chaud.
Je crois que j'ai toujours voulu avoir des enfants. Mais de façon indifférente, un peut comme on veut d'une glace. Et puis c'était pour de mauvaises raisons. J'étais fascinée par l'idée de posséder de petits êtres, et de les élever à ma manière : d'en faire, en quelque sorte, d'autres « moi ». De leur donner des prénoms cool. Ce genre de choses. Voilà pourquoi j'ai choisi de ne pas avorter quand j'ai appris ma grossesse. Je me suis dit que ça me donnerait une direction dans la vie. Non que j'aie pensé en avoir besoin ; mais j'ai toujours été curieuse du changement. Et puis Gregory avait l'air satisfait. J'adore ses fossettes quand il est satisfait. Je n'avais pas envie de les voir s'effacer. J'avais à peine plus de vingt ans, et je venais de trouver une utilité à la longue existence qui s'étendait devant moi. Cela m'a soulagée.
Comme chaque fois que je sens une boule se former dans ma gorge, je retiens ma respiration et je plisse fort les yeux, jusqu'à ce qu'elle redescende. Elle redescend. Je secoue la tête. Je ne suis qu'un sombre connard. Les mecs ne pleurent pas. Quand je rouvre les yeux, je peux lire le mépris dans ceux de mon frère. C'est facile pour lui. C'est un gros dur. Me regarder de haut ne lui demande pas le moindre effort. Il le fait très naturellement.
Moi, je veux seulement que Savannah reste ici. C'est ma petite sœur, merde, on n'a jamais été séparés, et cet imbécile de Gabriel fait le fier. J'ai envie de le buter. Sauf que c'est lui l'aîné. On a huit minutes de différence, et j'en ai onze avec Savannah. Et si je peux m'attendrir sur la benjamine, ce n'est pas dans mes attributions de défier le plus âgé. C'est comme ça. On a une hiérarchie implacable.
Quand je la serre contre moi, je sens qu'elle promène sur moi ses pupilles indéchiffrables, à la fois douces et pleines de violence, en contradiction complète avec son allure indifférente, indolente. Je pose un baiser sur ses cheveux. Elle sourit, se retire et va se nicher dans les bras de Gabriel. Il daigne cracher sa clope cinq minutes et lui chuchote quelque chose que je n'entends pas. On n'entend jamais rien sur les quais de gare. Depuis toujours, je suis certain que c'est lui qu'elle préfère. Je n'ai jamais servi à rien. Les garçons gentils ne servent à rien.
Je crois que je vais me mettre aux cigarettes.
les tueurs à gages
Je n'ai jamais réussi à arrêter les cigarettes. Je n'essaie pas beaucoup non plus. Je n'ai pas de montre mais je sais que je suis ici depuis six clopes, je les allume à la chaîne, la nouvelle avec le mégot de la précédente. Lorsque je me retourne, Savannah se tient devant moi. Elle est très jolie dans la lumière du soir, avec ses yeux brillants, comme affamés. Je suis le seul à être allé la chercher – je suis le seul à avoir une voiture – et je resterai donc le seul à profiter de son sourire en coin. Lorsque l'on sort de King's Cross, on est assailli par la joie et l'électricité ambiantes. A l'approche de Noël à Londres, l'atmosphère est toujours excessive. Quand je jette la valise de Savannah dans le coffre de mon épave, je me détourne délibérément, pour éviter le regard en biais qu'elle est forcément en train de m'adresser. Je sais qu'elle ne me juge pas et qu'elle se contrefout du fait que je n'aie pas l'âge légal du permis de conduire. Je n'ai juste pas envie de m'expliquer. Et puis j'ai toujours su manœuvrer une voiture.
On discute pas mal dans l'habitacle, couvrant le son de la radio. Cette histoire de sorcellerie est complètement démente et m'a toujours fasciné. Ma petite sœur se balade avec une baguette magique et vit dans un château hanté. Ça me tue.
En tout cas, ç'a l'air de lui convenir. Elle écoute avec envie mes histoires de gangs de gamins désœuvrés, mais je sais qu'au fond, elle adore ce qu'elle fait. En plus d'être clairement différente, elle bénéficie d'une voie déjà tracée pour elle. Tout lui est tellement égal qu'elle est de toute façon incapable de choisir. Savannah fait partie de ces gens qui ne peuvent pas vivre en-dehors des bornes – y compris quand c'est pour mieux les dépasser. Moi, c'est le contraire. Il faut que j'aie devant moi un paysage dégagé, pour pouvoir décider d'avancer tout droit ou de tracer mes détours. Quant à Ash, il balise lui-même son terrain, au marteau-piqueur. Je pense qu'il sera le seul à s'en sortir réellement. Je ne l'envie pas le moins du monde.
La neige tombe sur East End lorsque nous arrivons. Savannah, pelotonnée dans son gilet à grosses mailles, balance la tête au rythme de la musique criarde. Alors qu'on n'est plus qu'à quelques rues de la maison, un choc violent ébranle le pare-chocs arrière. Je jette un œil dans le rétroviseur : c'est ce connard de Dany Anderson. Visiblement, il a envie de jouer aux autos tamponneuses. Je lui souris largement et lui adresse un bras d'honneur, avant de m'arrêter – aucune envie qu'il me bousille encore plus mon tas de ferraille. Savannah me jette un regard interrogateur, auquel je réponds par un hochement de tête rassurant. Inutile : elle n'a pas peur ; c'est écrit sur son visage.
J'ouvre grand la vitre conducteur et Anderson vient s'y accouder comme on s'accoude à un bar, c'est-à-dire avec un déploiement excessif d'assurance. Ce mec est trop démonstratif, c'est pour ça que j'ai arrêté les affaires avec lui. Lui-même ne doit pas savoir combien de séjours il a fait en taule. Alors qu'il semble prêt à lâcher je ne sais quelle connerie, il s'aperçoit enfin de la présence de Savannah et lui jette le sourire le plus lourd que j'aie jamais vu. Il commence par un "enchanté, mademoiselle", sur un ton moqueur. "Vous vous ressemblez vachement, ajoute-t-il en nous dévisageant l'un après l'autre, alors finalement vous êtes trois ?" Je lui réponds qu'on est pressé et qu'il me gonfle, et j'entreprends de remonter la vitre. Il s'appuie dessus pour la faire redescendre. "Ecoute, fait-il, il faut qu'on discute, j'ai un plan dément, il faut vraiment qu'on reprenne le business toi et moi. Mais je t'expliquerai une autre fois", il ajoute avec un coup d'œil appuyé à Savannah. Il sort brusquement un flingue de sa poche. J'ai un mouvement de recul, mais il me fait signe de me calmer en se fendant la gueule. Il le fait tourner sur son index comme un enfoiré de cowboy. "Si vous avez le moindre problème, mademoiselle, adressez-vous à Dany Anderson", fait-il en donnant à fond dans le cliché. Il a l'air tellement naze que j'ai envie de lui écraser mon poing dans la tronche. Au lieu de ça, je démarre et passe les quelques blocs qui nous séparent de la maison. Savannah rigole doucement sur le siège passager. Je crois qu'elle se fout de moi.
les fous
Allongée sur une banquette du wagon vingt-deux, je regarde défiler les arbres. Je ne pense à rien sinon à Brixton, à Gabriel et Ash, entre lesquels le rapport de force commence à s'inverser, et même aux parents. Je contemple tout ça sans nostalgie. Ce n'est pas la vraie vie, ni une vie parallèle, juste un vague cocon dans lequel les choses changent peu. J'ai l'impression qu'ils ne peuvent pas me comprendre. Au fond, je m'en fous. Je n'ai pas besoin qu'on me comprenne. Si les gens me comprenaient, ils s'enfuiraient. Là, c'est moi qui m'enfuis. Pour la quatrième année consécutive. Le paysage qui change derrière la vitre du train donne à mon exode une dimension d'urgence, alors qu'en fait, je quitte la maison à un rythme d'escargot. Mais cette fois, je crois que ça y est. Le cordon se déchire doucement. D'ici peu, je serai vouée corps et âme à Poudlard ainsi qu'à mes délires.
On m'interpelle. Je continue à triturer mes cheveux sans répondre. Aujourd'hui, les gens me fatiguent. Il y en a trop à la fois. Avec un sourire, malgré tout, à la banquette d'en face, je sombre dans un sommeil moelleux. Lorsque je me réveille, toutes mes vies commencent.
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- 1984
louise caulfield, gregory simons
Je n'entends même plus mes oreilles siffler. Partout, on chante, on hurle, on s'invective. J'ai l'impression d'être au zoo. L'impression d'une cage aux folles, de laquelle on ne sort pas. L'alcool me crame les yeux et je me noie dans la fumée, dans leur fumée, mais je ne cesse pas de sourire, puisque je m'éclate, pas vrai, qu'est-ce qu'on s'éclate. La preuve, mon cœur bat deux fois plus vite : le son propulsé par les haut-parleurs se rue en moi, m'envahit de ses cent vingt décibels – cent vingt décibels, le seuil de la douleur, ma poule – et chaque pulsation de basse s'intercale entre deux pulsations de mon cœur, et ça ne fait plus bouboum-bouboum mais boumboumboumboumboum, à l'infini. J'intercepte soudain le regard sombre de Gregory, aussi présent qu'un faisceau de lampe-torche, un regard qui me met mal à l'aise. Je me retrouve dans ses bras avant même de m'en rendre compte. Mes pieds ne touchent plus terre : je les sens à nouveau : ils me font atrocement mal. J'ai la sensation qu'on passe une porte. La musique s'éloigne et mon cœur s'éteint progressivement. La nuit nous enveloppe. Je suis au chaud. Plus tard, je sens qu'on s'appuie sur moi. Et jusqu'entre mes cuisses. Gregory, haletant, m'embrasse sans cesse dans le cou. Je le laisse faire : ses bras m'enveloppent. Par-dessus ses épaules, on peut voir les étoiles.
Je suis au chaud.
Je crois que j'ai toujours voulu avoir des enfants. Mais de façon indifférente, un peut comme on veut d'une glace. Et puis c'était pour de mauvaises raisons. J'étais fascinée par l'idée de posséder de petits êtres, et de les élever à ma manière : d'en faire, en quelque sorte, d'autres « moi ». De leur donner des prénoms cool. Ce genre de choses. Voilà pourquoi j'ai choisi de ne pas avorter quand j'ai appris ma grossesse. Je me suis dit que ça me donnerait une direction dans la vie. Non que j'aie pensé en avoir besoin ; mais j'ai toujours été curieuse du changement. Et puis Gregory avait l'air satisfait. J'adore ses fossettes quand il est satisfait. Je n'avais pas envie de les voir s'effacer. J'avais à peine plus de vingt ans, et je venais de trouver une utilité à la longue existence qui s'étendait devant moi. Cela m'a soulagée.
- 1999
ash simons, savannah simons, gabriel simons
Comme chaque fois que je sens une boule se former dans ma gorge, je retiens ma respiration et je plisse fort les yeux, jusqu'à ce qu'elle redescende. Elle redescend. Je secoue la tête. Je ne suis qu'un sombre connard. Les mecs ne pleurent pas. Quand je rouvre les yeux, je peux lire le mépris dans ceux de mon frère. C'est facile pour lui. C'est un gros dur. Me regarder de haut ne lui demande pas le moindre effort. Il le fait très naturellement.
Moi, je veux seulement que Savannah reste ici. C'est ma petite sœur, merde, on n'a jamais été séparés, et cet imbécile de Gabriel fait le fier. J'ai envie de le buter. Sauf que c'est lui l'aîné. On a huit minutes de différence, et j'en ai onze avec Savannah. Et si je peux m'attendrir sur la benjamine, ce n'est pas dans mes attributions de défier le plus âgé. C'est comme ça. On a une hiérarchie implacable.
Quand je la serre contre moi, je sens qu'elle promène sur moi ses pupilles indéchiffrables, à la fois douces et pleines de violence, en contradiction complète avec son allure indifférente, indolente. Je pose un baiser sur ses cheveux. Elle sourit, se retire et va se nicher dans les bras de Gabriel. Il daigne cracher sa clope cinq minutes et lui chuchote quelque chose que je n'entends pas. On n'entend jamais rien sur les quais de gare. Depuis toujours, je suis certain que c'est lui qu'elle préfère. Je n'ai jamais servi à rien. Les garçons gentils ne servent à rien.
Je crois que je vais me mettre aux cigarettes.
les tueurs à gages
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- 2001
gabriel simons, savannah simons, daniel anderson
Je n'ai jamais réussi à arrêter les cigarettes. Je n'essaie pas beaucoup non plus. Je n'ai pas de montre mais je sais que je suis ici depuis six clopes, je les allume à la chaîne, la nouvelle avec le mégot de la précédente. Lorsque je me retourne, Savannah se tient devant moi. Elle est très jolie dans la lumière du soir, avec ses yeux brillants, comme affamés. Je suis le seul à être allé la chercher – je suis le seul à avoir une voiture – et je resterai donc le seul à profiter de son sourire en coin. Lorsque l'on sort de King's Cross, on est assailli par la joie et l'électricité ambiantes. A l'approche de Noël à Londres, l'atmosphère est toujours excessive. Quand je jette la valise de Savannah dans le coffre de mon épave, je me détourne délibérément, pour éviter le regard en biais qu'elle est forcément en train de m'adresser. Je sais qu'elle ne me juge pas et qu'elle se contrefout du fait que je n'aie pas l'âge légal du permis de conduire. Je n'ai juste pas envie de m'expliquer. Et puis j'ai toujours su manœuvrer une voiture.
On discute pas mal dans l'habitacle, couvrant le son de la radio. Cette histoire de sorcellerie est complètement démente et m'a toujours fasciné. Ma petite sœur se balade avec une baguette magique et vit dans un château hanté. Ça me tue.
En tout cas, ç'a l'air de lui convenir. Elle écoute avec envie mes histoires de gangs de gamins désœuvrés, mais je sais qu'au fond, elle adore ce qu'elle fait. En plus d'être clairement différente, elle bénéficie d'une voie déjà tracée pour elle. Tout lui est tellement égal qu'elle est de toute façon incapable de choisir. Savannah fait partie de ces gens qui ne peuvent pas vivre en-dehors des bornes – y compris quand c'est pour mieux les dépasser. Moi, c'est le contraire. Il faut que j'aie devant moi un paysage dégagé, pour pouvoir décider d'avancer tout droit ou de tracer mes détours. Quant à Ash, il balise lui-même son terrain, au marteau-piqueur. Je pense qu'il sera le seul à s'en sortir réellement. Je ne l'envie pas le moins du monde.
La neige tombe sur East End lorsque nous arrivons. Savannah, pelotonnée dans son gilet à grosses mailles, balance la tête au rythme de la musique criarde. Alors qu'on n'est plus qu'à quelques rues de la maison, un choc violent ébranle le pare-chocs arrière. Je jette un œil dans le rétroviseur : c'est ce connard de Dany Anderson. Visiblement, il a envie de jouer aux autos tamponneuses. Je lui souris largement et lui adresse un bras d'honneur, avant de m'arrêter – aucune envie qu'il me bousille encore plus mon tas de ferraille. Savannah me jette un regard interrogateur, auquel je réponds par un hochement de tête rassurant. Inutile : elle n'a pas peur ; c'est écrit sur son visage.
J'ouvre grand la vitre conducteur et Anderson vient s'y accouder comme on s'accoude à un bar, c'est-à-dire avec un déploiement excessif d'assurance. Ce mec est trop démonstratif, c'est pour ça que j'ai arrêté les affaires avec lui. Lui-même ne doit pas savoir combien de séjours il a fait en taule. Alors qu'il semble prêt à lâcher je ne sais quelle connerie, il s'aperçoit enfin de la présence de Savannah et lui jette le sourire le plus lourd que j'aie jamais vu. Il commence par un "enchanté, mademoiselle", sur un ton moqueur. "Vous vous ressemblez vachement, ajoute-t-il en nous dévisageant l'un après l'autre, alors finalement vous êtes trois ?" Je lui réponds qu'on est pressé et qu'il me gonfle, et j'entreprends de remonter la vitre. Il s'appuie dessus pour la faire redescendre. "Ecoute, fait-il, il faut qu'on discute, j'ai un plan dément, il faut vraiment qu'on reprenne le business toi et moi. Mais je t'expliquerai une autre fois", il ajoute avec un coup d'œil appuyé à Savannah. Il sort brusquement un flingue de sa poche. J'ai un mouvement de recul, mais il me fait signe de me calmer en se fendant la gueule. Il le fait tourner sur son index comme un enfoiré de cowboy. "Si vous avez le moindre problème, mademoiselle, adressez-vous à Dany Anderson", fait-il en donnant à fond dans le cliché. Il a l'air tellement naze que j'ai envie de lui écraser mon poing dans la tronche. Au lieu de ça, je démarre et passe les quelques blocs qui nous séparent de la maison. Savannah rigole doucement sur le siège passager. Je crois qu'elle se fout de moi.
les fous
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- 2002
Allongée sur une banquette du wagon vingt-deux, je regarde défiler les arbres. Je ne pense à rien sinon à Brixton, à Gabriel et Ash, entre lesquels le rapport de force commence à s'inverser, et même aux parents. Je contemple tout ça sans nostalgie. Ce n'est pas la vraie vie, ni une vie parallèle, juste un vague cocon dans lequel les choses changent peu. J'ai l'impression qu'ils ne peuvent pas me comprendre. Au fond, je m'en fous. Je n'ai pas besoin qu'on me comprenne. Si les gens me comprenaient, ils s'enfuiraient. Là, c'est moi qui m'enfuis. Pour la quatrième année consécutive. Le paysage qui change derrière la vitre du train donne à mon exode une dimension d'urgence, alors qu'en fait, je quitte la maison à un rythme d'escargot. Mais cette fois, je crois que ça y est. Le cordon se déchire doucement. D'ici peu, je serai vouée corps et âme à Poudlard ainsi qu'à mes délires.
On m'interpelle. Je continue à triturer mes cheveux sans répondre. Aujourd'hui, les gens me fatiguent. Il y en a trop à la fois. Avec un sourire, malgré tout, à la banquette d'en face, je sombre dans un sommeil moelleux. Lorsque je me réveille, toutes mes vies commencent.
Invité- Invité
Re: seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
j'ai terminé je crois : )
désolée que ça craigne, je me rattraperai.
désolée que ça craigne, je me rattraperai.
Invité- Invité
Re: seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
Bienvenue ! J'adore vraiment ton style d'écriture et la façon dont tu as rédigé ta fiche <3
Par contre je suis embêtée vu que Savannah a un caractère assez complexe, c'est difficile de l'affilier à une maison en particulier... Toi qui la connais mieux, si tu as une idée n'hésite pas ^^'
Par contre je suis embêtée vu que Savannah a un caractère assez complexe, c'est difficile de l'affilier à une maison en particulier... Toi qui la connais mieux, si tu as une idée n'hésite pas ^^'
Bonnie Becker- Garce fouineuse.
Back in town... - ♦ HIBOUX POSTÉS : 2802
♦ ARRIVÉE : 08/10/2009
Re: seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
Ahah j'ai l'habitude (a) j'avoue que j'ai pas d'idée précise mais de mon point de vue, le choix se réduit à Serpentard et Poufsouffle (assez bizarre d'hésiter entre ces deux maisons d'ailleurs). Savannah a des faux airs de Serdaigle mais j'en ai absolument pas envie pour elle la pauvre xd. Quant à Gryffondor c'est pas tellement elle. Donc S ou P.
Invité- Invité
Re: seuls les fous s'aventurent là où les anges ne vont pas.
Bon, je suis pragmatique donc vu qu'on a très peu de Poufsouffle, je t'envoie là-bas ^^ Ce qui ne l'empêchera pas d'avoir une attitude serpentardesque x)
Bonnie Becker- Garce fouineuse.
Back in town... - ♦ HIBOUX POSTÉS : 2802
♦ ARRIVÉE : 08/10/2009
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