Raquel Torres || Locuste (ended).
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Raquel Torres || Locuste (ended).
Raquel Torres • « Psychosis. »Queen of Spades
© summer_sun18
•• Qui êtes-vous ?
- NOM - Torres.
PRENOMS - Raquel.
DATE DE NAISSANCE - 12 Mars 1983.
AGE - 19 ans.
ORIGINES - Sang-mêlé.
CLAN - Jusqu'à présent? Le sien.
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- BAGUETTE - A sa teinte blanche et à ses reflets nacrés, il est facile de reconnaître qu’elle a été taillée dans du Frêne. Elle contient un cheveu de vélane et mesure 26.5 cm.
PATRONUS - Un mocassin à tête cuivrée : rapide, capable de se dissimuler facilement, teigneux. Il s’en prendrait sans vergogne à quiconque oserait le déranger, humains compris. Impulsif... à l'instar de Raquel.
BIEN ou MAL ? Raquel ne s'est encore jamais clairement prononcée sur la question. Cependant, l'intérêt douteux de sa famille pour la magie noire -bien qu'elle ne soit pas si connue-, les fréquentations de la jeune femme et sa passion pour les potions les plus dangereuses poussent les autres à la considérer comme une potentielle recrue du Mal.
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- PSEUDO - Sun.
AGE - 17.
AVATAR - Megan Fox.
PRESENCE - Aussi régulière que possible...
COMMENTAIRES ? Comment j'ai trop craqué pour ce fo! Je suis faible *.*
Dernière édition par Raquel Torres le Dim 11 Oct - 23:05, édité 10 fois
Invité- Invité
Re: Raquel Torres || Locuste (ended).
•• Présentation libre
- PROLOGUE :: ~ Et puisque nous étions condamnés à l'Enfer...
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« Nous sommes fiers. Fiers de nos racines, de notre sang, et de tout ce que peut représenter notre nom. Nous sommes le paroxysme même de l'Orgueil, quitte à en frôler l'indécence. Torres Espìna Dos Santos Véles. La Tare est un tabou -tous s'en doutent, peu en parlent-, et si notre ambition démesurée devait être égalée, elle ne le serait sans doute que par l'ampleur de notre folie. Implacables fatalités que l'ascendance et le sang. »
- CHAP. 1 ::~ ...nous avons choisi de nous damner avec application.
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D'aussi loin que je m'en souvienne, mère a toujours brillé par ses excès. Tantôt effacée et rêveuse, à peine plus encombrante qu'une ombre; tantôt effroyablement bruyante, exubérante et volubile, se plaignant de tout et de tous. Elle excellait dans le rôle de martyre mais représentait bien souvent le pire des bourreau, trop souvent dévorée par la jalousie que sa psychose était seule à nourrir. Splendide, elle avait l'art et la manière de s'imposer, bien que sa beauté trompeuse ait tout du pire des venins. Ainsi, à l'ombre des regards envieux, respectueux ou seulement méprisants, se développaient peu à peu les symptômes de la démence.
C’est à ce charme pernicieux qu’à succombé Alejandro, mon père, il y a vingt ans, victime consentante des langoureuses promesses de cette libertine, comme bien d’autres avant lui. Sans doute n’avait-il pas prévu d’y être lié plus de quelques délicieuses heures. Toujours est-il que, bien différents des liens prétendument amoureux qu'il entretenait avec sa fiancée de l'époque, ce furent les hurlements stridents d'un nouveau-né qui l'enchaînèrent, pour le reste de sa vie, à son erreur d'une nuit. Amertume et ressentiment eurent tôt fait de consumer jusqu’à l’agonie la passion qu’aurait pu partager le nouveau couple.
Pas du même monde? Fervents défenseurs de valeurs contradictoires? Hélas! C’était loin d’être leur cas. Leur situation en était même l'exact opposé. Pour leur malheur, ils avaient grandit ensemble, partagé éducation comme famille, et avaient été proches -trop proches. Tels des frère et s?ur de c?ur, puis amants -rien de moins- alors que le sang les désignait comme cousins. Mère, dans sa folie, réclama pourtant que l'enfant fût reconnue. Elle était de ces femmes impulsives qui s'accrochaient à leurs idées, aussi déplacées soit elles, au détriment des autres s'il le fallait, et n'hésita pas une seconde à briser, par ses exigences, l'avenir brillant qui s'offrait à mon père.
Il avait été le prodige, la fierté de sa famille; il devenait désormais leur honte et, son fils et futur héritier, l'expression de leur déshonneur. Juan Angelo, l'enfant maudit. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Le père, la mère et leur rejeton auraient vécu cachés aux yeux de tous, à peine acceptés par leur propre entourage, et se serait peu à peu fait oublier.
La superbe femme qu’était Oriana ne pouvait cependant pas accepter simplement la situation. Elle aimait que les regards glissent sur ses formes sulfureuses, quelques soient les arrières pensées et les médisances qui devaient la suivre. Pour cette raison, elle réclama un grand mariage, concrétisant ses désirs égoïstes. On le lui refusa, elle en tomba malade. Sa santé se dégrada de façon si fulgurante, aidée par ses crises de fureur, qu'on finit par céder à ce 'caprice'; une somme considérable fut versée au prêtre de l’?glise que fréquentait la famille, et elle fut à la fois la plus ravissante et la plus haïe des jeunes épouses.
Comble de l’outrage, père avait eu l'audace et l'indécence d'accepter avec une fascination déplacée la malédiction qui frappait ses ancêtres: la sorcellerie. Comme si la morale de ses proches, profondément attachés à la religion, n’avait été suffisamment mise à mal jusque là, il fallut que fût dévoilée au grand jour l’étendue de ses talents. Car les Torres étaient sorciers. Ils ne le voyaient pas comme un don ou un privilège, loin de là. Nul ne savait laquelle des générations avait marqué la rupture définitive avec le monde magique; toujours était-il qu'à leurs yeux, la magie tenait moins du géni que du sacrilège. Lui, s’était pourtant attelé, dès l'adolescence, à exercer ses capacités jusqu'à les maîtriser au mieux… affront inacceptable.
Oriana et lui furent dénoncés au prêtre. Ce dernier exigea l'immolation, à laquelle les Torres ne purent se résoudre, puis l’enfermement pour hérésie. Les condamnés, à peine âgés de plus d'une vingtaine d’années, fuirent leur Colombie natale pour échapper à la sentence, emportant avec eux une large part de l’héritage familiale, sans le moindre remord.
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Légitimement mariés, les Torres firent leur entrée dans la société Française avec aisance, soucieux toutefois de garder leurs secrets à l'abri d’oreilles indiscrètes. Ambitieux, père mit à profit l’argent et les biens dérobés à sa famille, ne tardant pas à les faire fructifier. Il n’avait plus un regard pour sa jeune épouse, écoeuré à la seule vue des alliances qui les liaient l'un à l'autre, et cette dernière, loin de s'en plaindre au départ, s'empressa de profiter de la situation pour batifoler ailleurs. Cependant, la profonde indifférence qu’il affichait face à ses écarts réguliers finit par lui déplaire. Elle était invisible à ses yeux et ne pouvait le concevoir.
Ce fut lorsque les journées d’absence de père se prolongèrent jusqu’à l’aube qu’elle se douta de la supercherie. Mère n’était pas aveugle, il avait forcément quelqu'un d'autre. Pas une fois elle ne se questionna sur les raisons qui auraient pu pousser son mari à aimer une autre femme. Pas plus qu’elle ne remit en cause son propre comportement, ses propres trahisons. Elle se contenta au départ de simples allusions. Puis les sous-entendus se firent menace. Leurs échanges froids devinrent disputes, et il lui avoua ne l’avoir jamais aimée. Elle l’avait attiré, quelques instants seulement, et il avait accepté les noces par faiblesse. Leur vie commune était un fiasco définitif, et c'était elle, Oriana, la responsable de ses échecs. Elle avait ruiné toutes ses chances de devenir un homme important.
La rage folle que déclenchèrent, chez ma mère, les reproches d’Alejandro, fut mémorable. Elle n’eut de cesse, durant les semaines suivantes, de rechercher la femme qui était parvenue à conquérir -son cousin et- époux; et pour son malheur, cette dernière eut à subir les revers de la frustration d’une Oriana bafouée, blessée au plus profond de son orgueil... et bien plus encore. Car bien qu’elle n’ait jamais accepté de l’avouer, ma mère avait aimé son mari plus que tout.
Merlin sait qu’elle n'a rien de tendre, lorsqu'elle se laisse entraîner par l'envie de vengeance. Cette part de mon récit m’oblige à expliquer plus clairement ce sur quoi j'ai évité, jusque là, de m’étaler… la Tare. La folie de ma mère n’est pas l’exception de la famille –sans doute est-ce, d'ailleurs, la raison pour laquelle chacun cédait à ses caprices, aussi dérangeants soient-ils… ils la ‘comprenaient’, en quelque sorte.
Il y a eu plusieurs cas de ce genre parmi nos ancêtres. Selon certain, ce serait du au fait que nous avons renié depuis trop longtemps notre véritable nature, brimé des pouvoirs que nous aurions du revendiquer, rompu avec notre véritable univers, notre monde. Renié notre nature de sorciers. D’autres nous disent simplement maudits. Qui sait ce dont pourraient avoir été coupables ceux d’entre nous qui ont choisi de nous condamner à vivre parmi les moldus? Ils avaient sans doute touché de trop près à la magie noire, au point d’être incapable d’en assumer les conséquences... et de choisir la fuite.
De ces deux suppositions, aucune n’a jamais été réellement justifiée. Toujours est-il que les troubles sont indéniables et que peu d'entre nous ont été épargnés... depuis bien des années. C’est donc sans surprise qu’il a fallut, par la suite, que père engage d'urgence des démarches en vue d'une nouvelle 'disparition'. J’ai entendu dire par ma vieille nourrice, présente à l’époque pour s’occuper de Juan Angelo, qu’il avait menacé de dénoncer ma mère, mais que rien n’y avait fait. Elle s’était attaqué à l’amante de son époux sans état d'âme, avec une hargne et un acharnement effrayants. Au point de la défigurer. C’était selon elle la moindre des choses à faire, puisque 'la beauté de cette catin était probablement la seule raison de l’attirance qu’éprouvait Alejandro pour elle'. Père avait ensuite tenté de se défaire d'Oriana; elle, l'avait menacé de révéler au grand jour leur lien de parenté, où qu'il choisisse d'aller par la suite, et de le poursuivre à jamais.
Ils avaient donc tous deux fait leurs valises à la hâte, récupéré, le fils dont ils s’occupaient à peine, la nourrice, qui en savait déjà trop pour qu'ils se permettent de l'oublier, ainsi que –surtout- l’argent gagné et le reste de leur biens. Et, protégés par la solide façade de jeune famille unie que leur offrait ce nouveau départ, ils s'étaient, enfin, incrusté parmi l'aristocratie Anglaise, à Londres où je vis le jour.
Dernière édition par Raquel Torres le Dim 11 Oct - 21:02, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Raquel Torres || Locuste (ended).
CHAP. 2 :: ~ Locuste ou la Dame de Pique; et Tantale le maudit.
Mon rôle de narratrice évolue ici, pour devenir celui de principal personnage. Après l'aménagement à Londres, mère récompensa son époux pour sa loyauté et son silence, en lui offrant son corps pour la deuxième fois depuis le début de leur vie commune. De cette étreinte leur naquit une fille -moi-, âgée d'un ans de moins que leur jeune héritier. Les différences physiques entre nous se révélèrent très tôt: j'étais aussi brune que mes deux parents, alors que lui était né très -très- blond, et le demeurait résolument. C'était étrange -il était le seul, depuis des générations, à posséder ce trait. Tout sorcier, d'après mon père, qui avait pris soin de se renseigner à son arrivée, passait pas trois étapes décisives au cours de ses jeunes années. La découverte de ses pouvoirs, l'obtention de sa baguette, puis son entrée au sein d'une Ecole de magie. En tant que Torres, nous en traverserions quatre, ayant à notre actif le passage ? première crise de folie ? dont étaient épargnés tous les autres. Ce fut mon cas. Mais pour une quelconque raison -obscure à l'époque-, Juan Angelo en fut épargné. Il y avait quelque chose d'étrange dans sa façon d'évoluer; une incongruité sur laquelle mes parents peinaient à mettre un nom. Cependant, il était, d'apparence, calme et obéissant, ce qui suffisait à les apaiser.
A vrai dire, il fallait avouer que nous n'étions pas la principale préoccupation de père. Plongé dans les affaires, il était souvent absent et nous voyait rarement. Ses égards pour Oriana n'étaient guère plus prononcés -elle geignait bien trop à son goût et, lorsqu'elle se faisait trop entendre, il posait sur elle un regard ennuyé et lui réclamait quelques instants de répit d'un ton placide vibrant de désintérêt. Puis il disparaissait de nouveau.
Elle finit par comprendre ce qu'il refusait d'avouer -du moins supposa-t-elle qu'elle avait visé juste-, soupçonnant que l'altération de son corps, due à ses grossesses, avaient été suffisantes pour écoeurer de façon définitive cet homme qui ne ressentait déjà, pour elle, que mépris. Ce fut , je crois, à ce moment qu'elle abandonna entièrement son rôle de 'mère'. Entraînée par la bonne humeur et les sorties régulières de ses nouvelles fréquentations, elle se fit de moins en moins visible au domicile familial, trop occupée à s'amuser. Elevée dans un presque luxe, elle avait cependant de trop grands goûts pour fréquenter le bas peuple, et s'appliquait à sélectionner les soirées réservées au gratin de la société. Si Alejandro vit ces nouvelles habitudes d'un très mauvais oeil, il ne le fit jamais remarquer, et en tira son profit en se faisant, grâce à elle, quelques connaissances bien placées. L'épouse encombrante qu'elle était, acquit enfin une utilité -celle de lui permettre d'accéder à ce monde qu'il enviait tant, et le charisme naturel de mon père se chargea du reste. Il semblait sûr de lui et de sa réussite prochaine, et mettait tout à oeuvre pour parvenir à ses fins. Je l'admirais, je crois; tant et si bien que, ne supportant pas l'indifférence qu'il semblait vouloir me témoigner, je n'eus de cesse de me comporter de façon irréprochable à ses yeux. Il me fallait voir une trace d'affection à mon égard dans le moindre des gestes qu'il m'adressait -aussi infime puisse-t-elle être. Je n'agissais que dans le but de le voir se rengorger de fierté, et l'entendre faire mon éloge était la meilleure des récompenses. Mais ces occasions étaient rares : c'est bien connu, père est un éternel insatisfait. Un jour, je lui apparaissait parfaite ; le lendemain, je ne représentais rien de plus que la pire des calamités.
Il jugea donc très vite crucial de parfaire mon éducation, blâmant constamment mère pour ses absences répétées ; mais il me parlait, dorénavant, plus que jamais auparavant, et je ne pu que bénir la passion de maman pour les futilités. C'était une pression constante que de suivre ses ordres à la lettre. Cesser de me comporter comme la gamine que 'je n'étais plus', adopter une attitude conforme celle qu'il attendait de moi, ne pas m'adresser aux servantes -et aux elfes encore moins- comme à des égales ; me maîtriser, constamment, pour ne plus être une 'proie facile'. Il était ambitieux -peut-être trop-, et rêvait de pouvoir. Il fallait que je vois les choses à sa façon, mais surtout, que je parvienne à convaincre mon frère de faire de même. Car aussi facile à vivre qu'il soit, Juan Angelo n'était en rien intéressé par les activités de notre géniteur. Au fil du temps, les efforts devinrent automatisme; je n'eus bientôt plus à forcer pour me conformer à mon rôle. Et parce que j'étais la première à être dupe, les autres ne pouvaient qu'y croire.
Il y a des revers qui sont inévitables. L'aigreur qu'entraîne la solitude en fait partie ; l'amertume des rêves bridés trop tôt également. Ma carapace n'était pas sans faille. J'exigeais une affection et une tendresse exclusives. Aussi l'intérêt de mon père pour Juan -il était son unique fils, destiné à la succession- me mettait-il dans des rages folles. Cet incapable était absolument inutile! Comment une grand homme tel que père pouvait-il seulement accepter de le considérer comme quelqu'un? Le comble du ridicule était que j'aimais énormément mon frère, et qu'il me le rendait bien. Il n'avait de cesse de m'obliger à être moi-même lorsque nous étions seuls. Ainsi, en l'absence de nos parents, nous nous inventions la famille parfaite, éblouissante de normalité, que nous aurions rêvé d'avoir. Seulement la Tare s'était penchée trop tôt sur mon berceau pour que je puisse espérer être épargnée par ses conséquences néfastes. J'étais instable, lunatique, capable de me montrer aussi pénible que mon fantôme de figure maternelle... voir plus. Ce qui était, en soit, un véritable exploit.
Ainsi, mon propre corps fut le premier à me trahir. Au départ, ce n'étaient que des questions sans importance. Avais-je réellement reposé ma plume à sa place ? Fermé la porte de ma chambre ? Rangé un livre juste après l'avoir lu ? Je me sentais obligée de vérifier, mais une fois le dos tourné, le doute réapparaissait. Alors je m'assurait encore et encore d'avoir tout fait correctement, me répétant que c'était tout à fait normal. Le perfectionnisme est une qualité...
Ou pas. Peu à peu, il s'était avéré que non, mon obsession pour l'ordre n'avait rien de 'parfaitement normal'. Il fallait que tout soit symétrique, que rien ne dépasse -sans quoi, j'étais mal à l'aise. C'était un rituel inévitable. Je voyais bien que ma façon d'agir n'avait souvent pas de sens, et n'éprouvais aucun plaisir à agir ainsi ; mais c'était l'unique moyen de calmer mon anxiété. Il me fallait tout vérifier, une douzaine de fois au moins ; et que l'un de mes parents ou Juan me fasse la moindre remarque à ce sujet mettait à mal ma sacro-sainte maîtrise de moi. Paradoxalement à la dévotion illimité que je leur vouais, j'éprouvais le besoin de les faire taire, eux qui régissaient ma vie depuis toujours au point de m'en rendre malade. Le diagnostique de Weller, notre médicomage de famille confirma nos doutes : troubles obsessionnels compulsifs. ? Névrose ?, avait craché mon père avec agacement, sans pour autant sembler surpris. N'était-ce pas notre lot à tous? Mais Weller ne pouvait comprendre. Il était étranger à tout ça, inconscient du poids que je portais sur les épaules. J'étais le fruit d'un inceste, l'incarnation d'un pécher. Le médicomage s'empressa donc de nier, affirmant que les chances de voir les symptômes se résorber étaient immenses, Père avait répliqué que si je tenais de mes ancêtres, et de ma mère en particulier, celles de les voir empirer étaient plus grandes encore... Et il n'avait eu que trop raison.
Lorsque l'aigreur et la déception eurent raison de l'affection qu'il me démontrait, je du me chercher un nouveau modèle; il n'était pas question de m'imposer, ma simple vue tendant à l'insupporter. Même s'il aimait à mimer l'assurance, j'avais autant hérité de mère que de lui. Il m'avait laissé apercevoir cette facette de sa personnalité -sa paranoïa, au moins égale à celle de mère. Il ne cessait de jeter des regards méfiants -et mauvais- à tous ceux qui l'entouraient, persuadé qu'une multitude de complots se mettaient en place à son insu. Nous étions tous de potentiels traîtres, nous en voulions tous à son argent, et notre unique but était de le supplanter. Juan Angelo, désormais, était le seul à incarner l'espoir d'Alejandro de voir l'un de ses enfants épargné par la fatalité dont nous avions tous hérité. A ses yeux, il était même la seul membre de cette fichue famille, en qui il pouvait avoir un tant soit peu de confiance. Et j'en perdais mon importance. Ma rancoeur à l'égard de mon frère prit alors des proportions exagérées. Oubliés, les instants privilégiés que nous passions autrefois ensemble. J'étais folle; je n'avais donc plus ma place dans sa famille de rêve, n'est-ce pas? Je m'éloignai de lui, de ses cheveux trop blonds, de ses prunelles couleurs azure qui représentaient notre unique ressemblance.
Il me fallut me rabattre sur mère. Nous étions en réalité plus semblables que je n'aurais jamais pu le souhaiter, il me faudrait faire avec. J'étais cependant, selon elle, la responsable directe de l'échec qu'avait été pour elle sa vie à Londres. Elle ne rêvait plus que d'évasion, des lumières éblouissantes de New-York, des cocktails autrement plus réjouissants que ceux organisés dans la pluvieuse Angleterre -elle ne supportait pas ce temps, et le faisait savoir à tout va, irascible. Je ne sais quelle étrange idée lui traversa l'esprit pour que son comportement vis-à-vis de moi change du tout au tout, du jour au lendemain... mais à l'un de ses retours, elle décida que chacun de ses après-midi à écumer les boutiques du Londres sorcier, se solderait par une avalanche de cadeaux qui me seraient destinés. Etait-ce pour elle moyen de se pardonner de m'avoir détestée? Je n'ai jamais cherché à le savoir. Elle dilapidait l'argent de père, et j'en profitais. Que demander de mieux? De folle, je gagnais quelques grades, devenant en plus une petite peste capricieuse, à l'image même de celle qui m'avait donné le jour. Père ne m'en voulut que plus, bien qu'au final, je n'y accordai guère d'importance.
Mon admission à l'Ecole fut un véritable soulagement. J'avais peu de nouvelles de ma mère, ne recevant en guise de lettres que ses offrandes réclamant ma clémence; de père, pas un mot. Quant à Juan Angelo, j'avais enfin la possibilité de l'égaler, lui qui m'avait encore devancée en entrant au château un an avant moi. Je n'étais pas à proprement parler courageuse, mais ma dévotion pour ceux que j'appréciais -pour peu qu'elle ne soit pas entachée par une jalousie maladive- et mon impulsivité proche de l'inconscience, me menèrent droit chez les rouge et or.
Evidemment, me retrouver, tout à coup, entourée d'élèves généreux et pétris de bon sentiments me fit d'abord horreur, et il me fallut quelques temps avant de trouver des énergumènes dignes de moi. Bientôt, je finis par comprendre qu'il était toutefois préférable de garder quelques-uns de ces bons samaritains de mon côté, savait-on jamais... et étrangement, je finis par me plaire parmi eux. Je me pris très tôt de passion pour les potions. Contre tout attente cette matière, pour laquelle la précision était de mise au cours des manipulations, devint mon principal talent : face à un chaudron, des mesures, une étape délicate, il n'y avait plus ni doutes ni tremblements. Juste une concentration sans faille, et la possibilité, enfin, de bénéficier d'une tranquillité totale. Famille, Tare, et secrets quelle que soit leur nature, étaient relégués au second plan. Et Merlin, que j'aimais cette impression de normalité.
La réputation que nous avait forgée ma mère m'avait malgré tout précédée, et me suivit dès mon arrivée à Poudlard, tout comme ce fut le cas pour mon frère. Nous avions le sang chaud, dans la famille, et toute situation était propice à des scènes de colères disproportionnées -du moins était-ce véridique en ce qui me concernait. J'avais ainsi acquis, aux yeux des malheureux qui subissaient mes sautes d'humeurs, l'amusant surnom de Queen of spades. J'étais la carte maîtresse, et m'apprivoiser au point de parvenir à me posséder, un défi. Paradoxalement, mon caractère trop prononcé, me rendant prompte à la vengeance, faisait de moi un atout qui se transformait trop facilement en ennemi de taille. Le Manipulateur devenait le dupé, au point qu'au bout du compte j'en vienne à tenir les rennes du jeu. Mais plus encore, j'étais l'épine dans la chair, le délicieux poison; la tentation suprême. Et je me distillait dans les veines de mes victimes à une vitesse fulgurante, pour mieux les prendre de cours. Ceci, associé à ma passion pour les potions, me valut d'être appelée Locuste. L'empoisonneuse.
Un nouveau rebondissement, dans ma vie personnelle, me détourna de la douceur de l'oubli dans lequel m'avaient plongée mes premières années à Poudlard. J'avais alors 16 ans. Tantale, lui, fêtait enfin sa majorité, et nos parents semblaient étrangement en froid. Ce n'était pas l'indifférence habituelle, c'était pire. Comme l'annonce d'une tempête dévastatrice, alors même qu'ils s'obligeaient encore à contenir, chacun, leur fureur. Les regards qu'ils échangeaient n'étaient ni complice, ni joyeux. Ils étaient assassins. Je me souviens avoir échangé un regard anxieux avec Juan; le premier depuis bien longtemps. Cette situation ne durerait pourtant pas bien longtemps... malheureusement pour nous. Ou pour lui, plutôt... mon frère.
Après nous avoir tous réunis au salon -mère mis à part; elle avait refusé de venir, préférant rester dans sa chambre, d'où nous parvenaient des hurlements suspects-, il jeta sur la table basse de notre salle de séjour une liasse de document, ordonnant d'un ton brusque à Juan Angelo de regarder ce dont il s'agissait. Visiblement, il s'agissait du principal concerné. Il s'y mit avec un sérieux tout à fait louable étant donné la façon dont cet ordre lui avait été donné... mais je ne compris que les choses étaient encore pires que je l'avais imaginé que lorsque je le vis pâlir. Il se décomposait à vue d'oeil, regardant les parchemins qu'il avait en main d'un air étrangement vide. Presque nauséeux, il les parcouru une fois, puis deux, relevant les yeux quelques secondes à peine en direction de père, les rabaissant sur les lignes d'encre qui signaient ce qui semblait être sa fin, ses lèvres s'entrouvrant sur des exclamations étouffées. Je ne tins pas plus longtemps : curieuse et terriblement nerveuse, je m'empressai de lui arracher des main l'objet de leur silence, notant vaguement au passage les traits excessivement crispés de mon père... les mains tremblantes, je ne pu retenir un hoquet de surprise en me rendant compte de la nature de ce que je tenais en main. C'étaient des analyses. Les feuilles échouèrent à mes pieds lorsque je me relevai d'un bond, exigeant de façon hystériques des explications. Pour lui, Juan Angelo, qui demeurait résolument silencieux, incapable de prononcer un mot. Mon audace eut le mérite de sortir père, au moins, de son mutisme. Mais en voyant la fureur déformer ses traits, je me rendis compte de l'énormité de mon erreur. Les mots dégringolèrent de ses lèvres avec la puissance d'une avalanche, tous plus blessants les uns que les autres. Ils ne m'étaient pas directement adressés, même si père me fixait, moi, droit dans les yeux en laissant exploser sa colère. Ils visaient Juan et, avec une précision inégalable, atteignaient leurs cible en plein coeur.
Les conséquences de notre 'malédiction' avaient été épargnées à mon aîné. De nous, il n'avait pas hérité de grand chose -seulement le bleu des iris de mère-, et d'Alejandro... absolument rien. La suite résonna lentement dans mon esprit et me cloua sur place. Juan avait glissé du fauteuil s'était laissé tomber devant, agenouillé. Ses phalanges se crispaient sur la toile de son pantalon, et je pouvais presque sentir le poids des larmes qu'il empêchait de couler. Il restait digne, autant que possible, et son visage se clos pour ne plus laisser transparaître la moindre émotion. La haine de mon père irradiait la pièce, rendant irrespirable l'atmosphère qui nous entourait. Les cris de mère, nous parvenant de l'étage du-dessus, étaient assourdissants. Pourtant, plus rien n'exista lorsque Juan releva les yeux sur moi. Il me défiait de dire quoique ce soit; de le renier comme venait de le faire Alejandro. Il était le fils d'un autre; et c'était pourtant à cause de sa naissance que notre mère avait obtenu de devenir l'épouse de papa. J'étais née par sa faute, parce que lui était un enfant normal, et que son existence avait rendu la mienne possible. C'était une trahison; inconsciente certes, mais une trahison tout de même... et de taille. Mais j'en voulais à mère. Pas à lui. Oriana, qui avait ruiné nos vies par égoïsme. Je m'écroulai à mon tour, songeant à tout ce qu'impliquait cette nouvelle inattendue, et me traînai misérablement jusqu'à Juan, pour me blottir contre lui. Il restait le même... celui qui m'avait aimée, aidée, et que j'avais rejeté. Je ne pouvais pas l'abandonner une fois de plus. De toutes façons, l'ironie du sort voulait qu'il ne me reste plus que lui.
Je ne vis pas s'écraser autour de nous la précieuse verrerie qu'avait amassée mère durant les dernières années. La baguette de mon père s'élevait à intermittence, menaçante, faisant exploser tout ce qui se trouvait à portée. Mais nos yeux demeuraient aveugles.
Suite à cette soirée, ce terrible anniversaire, Juan et moi nous sommes plus que jamais rapprochés. Si j'étais Locuste, il incarnait Tantale, le damné, et la demeure familiale représentait son Tartare. Mes souvenirs de ce qui s'était passé directement après demeurent vagues; je sais seulement que père a sommé Oriana de lui rendre sa liberté. Elle n'a pas pu l'accepter. Un nouvel accès de rage la poussa à s'en prendre à son époux, et suite aux quelques blessures qu'elle parvint à lui infliger, il parvint à se débarrasser d'elle en la faisant enfermer dans un institut, à la charge de psychomages compétents. En lui faisant endosser la responsabilité des dégâts de notre demeure, en plus de celle des coups qu'elle lui avait portés, il n'eut plus à s'inquiéter qu'elle parle. Etant donné la gravité des secrets qu'elle menaçait de révéler, personne ne la croirait... n'avait-elle pas tout simplement perdu l'esprit, après tout?
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Mon rôle de narratrice évolue ici, pour devenir celui de principal personnage. Après l'aménagement à Londres, mère récompensa son époux pour sa loyauté et son silence, en lui offrant son corps pour la deuxième fois depuis le début de leur vie commune. De cette étreinte leur naquit une fille -moi-, âgée d'un ans de moins que leur jeune héritier. Les différences physiques entre nous se révélèrent très tôt: j'étais aussi brune que mes deux parents, alors que lui était né très -très- blond, et le demeurait résolument. C'était étrange -il était le seul, depuis des générations, à posséder ce trait. Tout sorcier, d'après mon père, qui avait pris soin de se renseigner à son arrivée, passait pas trois étapes décisives au cours de ses jeunes années. La découverte de ses pouvoirs, l'obtention de sa baguette, puis son entrée au sein d'une Ecole de magie. En tant que Torres, nous en traverserions quatre, ayant à notre actif le passage ? première crise de folie ? dont étaient épargnés tous les autres. Ce fut mon cas. Mais pour une quelconque raison -obscure à l'époque-, Juan Angelo en fut épargné. Il y avait quelque chose d'étrange dans sa façon d'évoluer; une incongruité sur laquelle mes parents peinaient à mettre un nom. Cependant, il était, d'apparence, calme et obéissant, ce qui suffisait à les apaiser.
A vrai dire, il fallait avouer que nous n'étions pas la principale préoccupation de père. Plongé dans les affaires, il était souvent absent et nous voyait rarement. Ses égards pour Oriana n'étaient guère plus prononcés -elle geignait bien trop à son goût et, lorsqu'elle se faisait trop entendre, il posait sur elle un regard ennuyé et lui réclamait quelques instants de répit d'un ton placide vibrant de désintérêt. Puis il disparaissait de nouveau.
Elle finit par comprendre ce qu'il refusait d'avouer -du moins supposa-t-elle qu'elle avait visé juste-, soupçonnant que l'altération de son corps, due à ses grossesses, avaient été suffisantes pour écoeurer de façon définitive cet homme qui ne ressentait déjà, pour elle, que mépris. Ce fut , je crois, à ce moment qu'elle abandonna entièrement son rôle de 'mère'. Entraînée par la bonne humeur et les sorties régulières de ses nouvelles fréquentations, elle se fit de moins en moins visible au domicile familial, trop occupée à s'amuser. Elevée dans un presque luxe, elle avait cependant de trop grands goûts pour fréquenter le bas peuple, et s'appliquait à sélectionner les soirées réservées au gratin de la société. Si Alejandro vit ces nouvelles habitudes d'un très mauvais oeil, il ne le fit jamais remarquer, et en tira son profit en se faisant, grâce à elle, quelques connaissances bien placées. L'épouse encombrante qu'elle était, acquit enfin une utilité -celle de lui permettre d'accéder à ce monde qu'il enviait tant, et le charisme naturel de mon père se chargea du reste. Il semblait sûr de lui et de sa réussite prochaine, et mettait tout à oeuvre pour parvenir à ses fins. Je l'admirais, je crois; tant et si bien que, ne supportant pas l'indifférence qu'il semblait vouloir me témoigner, je n'eus de cesse de me comporter de façon irréprochable à ses yeux. Il me fallait voir une trace d'affection à mon égard dans le moindre des gestes qu'il m'adressait -aussi infime puisse-t-elle être. Je n'agissais que dans le but de le voir se rengorger de fierté, et l'entendre faire mon éloge était la meilleure des récompenses. Mais ces occasions étaient rares : c'est bien connu, père est un éternel insatisfait. Un jour, je lui apparaissait parfaite ; le lendemain, je ne représentais rien de plus que la pire des calamités.
Il jugea donc très vite crucial de parfaire mon éducation, blâmant constamment mère pour ses absences répétées ; mais il me parlait, dorénavant, plus que jamais auparavant, et je ne pu que bénir la passion de maman pour les futilités. C'était une pression constante que de suivre ses ordres à la lettre. Cesser de me comporter comme la gamine que 'je n'étais plus', adopter une attitude conforme celle qu'il attendait de moi, ne pas m'adresser aux servantes -et aux elfes encore moins- comme à des égales ; me maîtriser, constamment, pour ne plus être une 'proie facile'. Il était ambitieux -peut-être trop-, et rêvait de pouvoir. Il fallait que je vois les choses à sa façon, mais surtout, que je parvienne à convaincre mon frère de faire de même. Car aussi facile à vivre qu'il soit, Juan Angelo n'était en rien intéressé par les activités de notre géniteur. Au fil du temps, les efforts devinrent automatisme; je n'eus bientôt plus à forcer pour me conformer à mon rôle. Et parce que j'étais la première à être dupe, les autres ne pouvaient qu'y croire.
Il y a des revers qui sont inévitables. L'aigreur qu'entraîne la solitude en fait partie ; l'amertume des rêves bridés trop tôt également. Ma carapace n'était pas sans faille. J'exigeais une affection et une tendresse exclusives. Aussi l'intérêt de mon père pour Juan -il était son unique fils, destiné à la succession- me mettait-il dans des rages folles. Cet incapable était absolument inutile! Comment une grand homme tel que père pouvait-il seulement accepter de le considérer comme quelqu'un? Le comble du ridicule était que j'aimais énormément mon frère, et qu'il me le rendait bien. Il n'avait de cesse de m'obliger à être moi-même lorsque nous étions seuls. Ainsi, en l'absence de nos parents, nous nous inventions la famille parfaite, éblouissante de normalité, que nous aurions rêvé d'avoir. Seulement la Tare s'était penchée trop tôt sur mon berceau pour que je puisse espérer être épargnée par ses conséquences néfastes. J'étais instable, lunatique, capable de me montrer aussi pénible que mon fantôme de figure maternelle... voir plus. Ce qui était, en soit, un véritable exploit.
Ainsi, mon propre corps fut le premier à me trahir. Au départ, ce n'étaient que des questions sans importance. Avais-je réellement reposé ma plume à sa place ? Fermé la porte de ma chambre ? Rangé un livre juste après l'avoir lu ? Je me sentais obligée de vérifier, mais une fois le dos tourné, le doute réapparaissait. Alors je m'assurait encore et encore d'avoir tout fait correctement, me répétant que c'était tout à fait normal. Le perfectionnisme est une qualité...
Ou pas. Peu à peu, il s'était avéré que non, mon obsession pour l'ordre n'avait rien de 'parfaitement normal'. Il fallait que tout soit symétrique, que rien ne dépasse -sans quoi, j'étais mal à l'aise. C'était un rituel inévitable. Je voyais bien que ma façon d'agir n'avait souvent pas de sens, et n'éprouvais aucun plaisir à agir ainsi ; mais c'était l'unique moyen de calmer mon anxiété. Il me fallait tout vérifier, une douzaine de fois au moins ; et que l'un de mes parents ou Juan me fasse la moindre remarque à ce sujet mettait à mal ma sacro-sainte maîtrise de moi. Paradoxalement à la dévotion illimité que je leur vouais, j'éprouvais le besoin de les faire taire, eux qui régissaient ma vie depuis toujours au point de m'en rendre malade. Le diagnostique de Weller, notre médicomage de famille confirma nos doutes : troubles obsessionnels compulsifs. ? Névrose ?, avait craché mon père avec agacement, sans pour autant sembler surpris. N'était-ce pas notre lot à tous? Mais Weller ne pouvait comprendre. Il était étranger à tout ça, inconscient du poids que je portais sur les épaules. J'étais le fruit d'un inceste, l'incarnation d'un pécher. Le médicomage s'empressa donc de nier, affirmant que les chances de voir les symptômes se résorber étaient immenses, Père avait répliqué que si je tenais de mes ancêtres, et de ma mère en particulier, celles de les voir empirer étaient plus grandes encore... Et il n'avait eu que trop raison.
Lorsque l'aigreur et la déception eurent raison de l'affection qu'il me démontrait, je du me chercher un nouveau modèle; il n'était pas question de m'imposer, ma simple vue tendant à l'insupporter. Même s'il aimait à mimer l'assurance, j'avais autant hérité de mère que de lui. Il m'avait laissé apercevoir cette facette de sa personnalité -sa paranoïa, au moins égale à celle de mère. Il ne cessait de jeter des regards méfiants -et mauvais- à tous ceux qui l'entouraient, persuadé qu'une multitude de complots se mettaient en place à son insu. Nous étions tous de potentiels traîtres, nous en voulions tous à son argent, et notre unique but était de le supplanter. Juan Angelo, désormais, était le seul à incarner l'espoir d'Alejandro de voir l'un de ses enfants épargné par la fatalité dont nous avions tous hérité. A ses yeux, il était même la seul membre de cette fichue famille, en qui il pouvait avoir un tant soit peu de confiance. Et j'en perdais mon importance. Ma rancoeur à l'égard de mon frère prit alors des proportions exagérées. Oubliés, les instants privilégiés que nous passions autrefois ensemble. J'étais folle; je n'avais donc plus ma place dans sa famille de rêve, n'est-ce pas? Je m'éloignai de lui, de ses cheveux trop blonds, de ses prunelles couleurs azure qui représentaient notre unique ressemblance.
Il me fallut me rabattre sur mère. Nous étions en réalité plus semblables que je n'aurais jamais pu le souhaiter, il me faudrait faire avec. J'étais cependant, selon elle, la responsable directe de l'échec qu'avait été pour elle sa vie à Londres. Elle ne rêvait plus que d'évasion, des lumières éblouissantes de New-York, des cocktails autrement plus réjouissants que ceux organisés dans la pluvieuse Angleterre -elle ne supportait pas ce temps, et le faisait savoir à tout va, irascible. Je ne sais quelle étrange idée lui traversa l'esprit pour que son comportement vis-à-vis de moi change du tout au tout, du jour au lendemain... mais à l'un de ses retours, elle décida que chacun de ses après-midi à écumer les boutiques du Londres sorcier, se solderait par une avalanche de cadeaux qui me seraient destinés. Etait-ce pour elle moyen de se pardonner de m'avoir détestée? Je n'ai jamais cherché à le savoir. Elle dilapidait l'argent de père, et j'en profitais. Que demander de mieux? De folle, je gagnais quelques grades, devenant en plus une petite peste capricieuse, à l'image même de celle qui m'avait donné le jour. Père ne m'en voulut que plus, bien qu'au final, je n'y accordai guère d'importance.
Mon admission à l'Ecole fut un véritable soulagement. J'avais peu de nouvelles de ma mère, ne recevant en guise de lettres que ses offrandes réclamant ma clémence; de père, pas un mot. Quant à Juan Angelo, j'avais enfin la possibilité de l'égaler, lui qui m'avait encore devancée en entrant au château un an avant moi. Je n'étais pas à proprement parler courageuse, mais ma dévotion pour ceux que j'appréciais -pour peu qu'elle ne soit pas entachée par une jalousie maladive- et mon impulsivité proche de l'inconscience, me menèrent droit chez les rouge et or.
Evidemment, me retrouver, tout à coup, entourée d'élèves généreux et pétris de bon sentiments me fit d'abord horreur, et il me fallut quelques temps avant de trouver des énergumènes dignes de moi. Bientôt, je finis par comprendre qu'il était toutefois préférable de garder quelques-uns de ces bons samaritains de mon côté, savait-on jamais... et étrangement, je finis par me plaire parmi eux. Je me pris très tôt de passion pour les potions. Contre tout attente cette matière, pour laquelle la précision était de mise au cours des manipulations, devint mon principal talent : face à un chaudron, des mesures, une étape délicate, il n'y avait plus ni doutes ni tremblements. Juste une concentration sans faille, et la possibilité, enfin, de bénéficier d'une tranquillité totale. Famille, Tare, et secrets quelle que soit leur nature, étaient relégués au second plan. Et Merlin, que j'aimais cette impression de normalité.
La réputation que nous avait forgée ma mère m'avait malgré tout précédée, et me suivit dès mon arrivée à Poudlard, tout comme ce fut le cas pour mon frère. Nous avions le sang chaud, dans la famille, et toute situation était propice à des scènes de colères disproportionnées -du moins était-ce véridique en ce qui me concernait. J'avais ainsi acquis, aux yeux des malheureux qui subissaient mes sautes d'humeurs, l'amusant surnom de Queen of spades. J'étais la carte maîtresse, et m'apprivoiser au point de parvenir à me posséder, un défi. Paradoxalement, mon caractère trop prononcé, me rendant prompte à la vengeance, faisait de moi un atout qui se transformait trop facilement en ennemi de taille. Le Manipulateur devenait le dupé, au point qu'au bout du compte j'en vienne à tenir les rennes du jeu. Mais plus encore, j'étais l'épine dans la chair, le délicieux poison; la tentation suprême. Et je me distillait dans les veines de mes victimes à une vitesse fulgurante, pour mieux les prendre de cours. Ceci, associé à ma passion pour les potions, me valut d'être appelée Locuste. L'empoisonneuse.
Un nouveau rebondissement, dans ma vie personnelle, me détourna de la douceur de l'oubli dans lequel m'avaient plongée mes premières années à Poudlard. J'avais alors 16 ans. Tantale, lui, fêtait enfin sa majorité, et nos parents semblaient étrangement en froid. Ce n'était pas l'indifférence habituelle, c'était pire. Comme l'annonce d'une tempête dévastatrice, alors même qu'ils s'obligeaient encore à contenir, chacun, leur fureur. Les regards qu'ils échangeaient n'étaient ni complice, ni joyeux. Ils étaient assassins. Je me souviens avoir échangé un regard anxieux avec Juan; le premier depuis bien longtemps. Cette situation ne durerait pourtant pas bien longtemps... malheureusement pour nous. Ou pour lui, plutôt... mon frère.
Après nous avoir tous réunis au salon -mère mis à part; elle avait refusé de venir, préférant rester dans sa chambre, d'où nous parvenaient des hurlements suspects-, il jeta sur la table basse de notre salle de séjour une liasse de document, ordonnant d'un ton brusque à Juan Angelo de regarder ce dont il s'agissait. Visiblement, il s'agissait du principal concerné. Il s'y mit avec un sérieux tout à fait louable étant donné la façon dont cet ordre lui avait été donné... mais je ne compris que les choses étaient encore pires que je l'avais imaginé que lorsque je le vis pâlir. Il se décomposait à vue d'oeil, regardant les parchemins qu'il avait en main d'un air étrangement vide. Presque nauséeux, il les parcouru une fois, puis deux, relevant les yeux quelques secondes à peine en direction de père, les rabaissant sur les lignes d'encre qui signaient ce qui semblait être sa fin, ses lèvres s'entrouvrant sur des exclamations étouffées. Je ne tins pas plus longtemps : curieuse et terriblement nerveuse, je m'empressai de lui arracher des main l'objet de leur silence, notant vaguement au passage les traits excessivement crispés de mon père... les mains tremblantes, je ne pu retenir un hoquet de surprise en me rendant compte de la nature de ce que je tenais en main. C'étaient des analyses. Les feuilles échouèrent à mes pieds lorsque je me relevai d'un bond, exigeant de façon hystériques des explications. Pour lui, Juan Angelo, qui demeurait résolument silencieux, incapable de prononcer un mot. Mon audace eut le mérite de sortir père, au moins, de son mutisme. Mais en voyant la fureur déformer ses traits, je me rendis compte de l'énormité de mon erreur. Les mots dégringolèrent de ses lèvres avec la puissance d'une avalanche, tous plus blessants les uns que les autres. Ils ne m'étaient pas directement adressés, même si père me fixait, moi, droit dans les yeux en laissant exploser sa colère. Ils visaient Juan et, avec une précision inégalable, atteignaient leurs cible en plein coeur.
Les conséquences de notre 'malédiction' avaient été épargnées à mon aîné. De nous, il n'avait pas hérité de grand chose -seulement le bleu des iris de mère-, et d'Alejandro... absolument rien. La suite résonna lentement dans mon esprit et me cloua sur place. Juan avait glissé du fauteuil s'était laissé tomber devant, agenouillé. Ses phalanges se crispaient sur la toile de son pantalon, et je pouvais presque sentir le poids des larmes qu'il empêchait de couler. Il restait digne, autant que possible, et son visage se clos pour ne plus laisser transparaître la moindre émotion. La haine de mon père irradiait la pièce, rendant irrespirable l'atmosphère qui nous entourait. Les cris de mère, nous parvenant de l'étage du-dessus, étaient assourdissants. Pourtant, plus rien n'exista lorsque Juan releva les yeux sur moi. Il me défiait de dire quoique ce soit; de le renier comme venait de le faire Alejandro. Il était le fils d'un autre; et c'était pourtant à cause de sa naissance que notre mère avait obtenu de devenir l'épouse de papa. J'étais née par sa faute, parce que lui était un enfant normal, et que son existence avait rendu la mienne possible. C'était une trahison; inconsciente certes, mais une trahison tout de même... et de taille. Mais j'en voulais à mère. Pas à lui. Oriana, qui avait ruiné nos vies par égoïsme. Je m'écroulai à mon tour, songeant à tout ce qu'impliquait cette nouvelle inattendue, et me traînai misérablement jusqu'à Juan, pour me blottir contre lui. Il restait le même... celui qui m'avait aimée, aidée, et que j'avais rejeté. Je ne pouvais pas l'abandonner une fois de plus. De toutes façons, l'ironie du sort voulait qu'il ne me reste plus que lui.
Je ne vis pas s'écraser autour de nous la précieuse verrerie qu'avait amassée mère durant les dernières années. La baguette de mon père s'élevait à intermittence, menaçante, faisant exploser tout ce qui se trouvait à portée. Mais nos yeux demeuraient aveugles.
Suite à cette soirée, ce terrible anniversaire, Juan et moi nous sommes plus que jamais rapprochés. Si j'étais Locuste, il incarnait Tantale, le damné, et la demeure familiale représentait son Tartare. Mes souvenirs de ce qui s'était passé directement après demeurent vagues; je sais seulement que père a sommé Oriana de lui rendre sa liberté. Elle n'a pas pu l'accepter. Un nouvel accès de rage la poussa à s'en prendre à son époux, et suite aux quelques blessures qu'elle parvint à lui infliger, il parvint à se débarrasser d'elle en la faisant enfermer dans un institut, à la charge de psychomages compétents. En lui faisant endosser la responsabilité des dégâts de notre demeure, en plus de celle des coups qu'elle lui avait portés, il n'eut plus à s'inquiéter qu'elle parle. Etant donné la gravité des secrets qu'elle menaçait de révéler, personne ne la croirait... n'avait-elle pas tout simplement perdu l'esprit, après tout?
Invité- Invité
Re: Raquel Torres || Locuste (ended).
C'est parfait ! *.*
L'histoire est vraiment géniale ! J'adore !!
Juste un détail, on est en 2002 (après le retour dans le passé).
Sinon, validé !
L'histoire est vraiment géniale ! J'adore !!
Juste un détail, on est en 2002 (après le retour dans le passé).
Sinon, validé !
Invité- Invité
Re: Raquel Torres || Locuste (ended).
- Aaaaah j'suis nuuuulle! J'en suis restée au 2020 moi --'
Bref. Merci <33
Invité- Invité
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