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We are stone ♦ ft. Jaylen

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Message par Invité Jeu 10 Juin - 11:52


We are stone ♦ ft. Jaylen Jacks5 We are stone ♦ ft. Jaylen 34829w2

La musique pulsait autour de moi, frénétique et insistante, m'enveloppant comme un cocon de bruits étranges et hypnotiques. Quelques rires avinés, le tintement de bouteilles. Des corps frôlant le mien, s'agitant spasmodiquement au rythme d'une chanson de drum and bass qui m'était familière. Le monde autour de moi ? Je n'en avais cure : je n'étais pas là pour lui ce soir, mais bel et bien pour oublier. M'amuser. Je déraillais totalement depuis plusieurs semaines, m'acharnant avec une application soignée à foutre ma vie en l'air. Vivre ? Ou mourir, cela m'était égal. Ceux à qui je faisais ainsi du mal ? Rien à secouer. Comme toutes ces fêtes typiques des ados moldus étaient différentes de ce que je connaissais : les réceptions propres et soignées entre familles de sang, les sourires hypocrites et crispés aux enfants de lignées égales ou supérieures à la mienne. Il y avait longtemps que j'avais envoyé au diable toutes les convenances de mon rang, mais une partie de moi y demeurait indéniablement attachée. Celle qui, au fond de moi, me criait que tout le savoir magique transmis par mon sang m'élevait au-dessus de cette horde de ratés et de médiocres.

Les sons et les couleurs se mélangent dans ma tête. Mes doigts s'envolent à la poursuite de lumières scintillant autour de moi, mais n'attrapent que le vent ; tout ça est encore le fruit de mon imagination délirante ... ou de mon cerveau camé. Conservant un visage étonnamment neutre, ne laissant filer ni expression ni humeur, j'ondulais et me déhanchais en oscillant de la tête au centre de la salle qui avait accueilli la soirée - laquelle était-ce, je ne m'en souvenais déjà plus tant ce souvenir s'était égaré loin dans les méandres de mon esprit - attirant sur moi les regards pleins de convoitise de bellâtres et de faux princes charmants dont je n'avais que faire. Ils ne me connaissaient pas, et la plupart ne méritaient pas même au fond un regard de ma part. Peu de mes condisciples savaient de toute manière me décoder. Pourtant, il arrivait parfois que des gens comme Jaylen, que j’apercevais justement au loin se roulant un join près des membres de son groupe, y parviennent. Ils étaient rares, précieux et je leur vouais une considération toute particulière, tout autant qu’une haine brûlante – parce que je ne connaissais que ça, et que la seule idée qu’ils aient pu me percer à jour me terrorisait. Ils percutaient mon univers bien ordonné de junkie sans illusions avec une violence effarante, brisant ma carapace d’un seul élan et, finalement, se crashant dans ma vie comme autant de météores que mon bouclier n’avait pas réussi à désintégrer. Mais cela restait très rare – d’ailleurs, cela n’était arrivé qu’avec Jaylen. Et j’espérais assez vivement que cela ne se reproduirait pas : la simple perspective que quelqu’un d’autre que ce camé perpétuellement défoncé avec lequel je ne risquais pas grand-chose – puisqu’il aurait fallu pour cela qu’il ne soit pas totalement démonté H24 - puisse pénétrer dans ma tête et se comporter comme s’il lisait la moindre de mes pensées était immensément flippante. Moi qui avais toujours été considérée comme une personne complexe à l’esprit impénétrable et passablement difficile à décoder, je n’escomptais pas que cette image change.

Certains bien sûr, comme Johnny et Maaira tentaient tant bien que mal de m’approcher, de m’apprivoiser ; j’avais hélas la fâcheuse tendance, et qui ne datait pas d’hier, de mordre les mains qui se voulaient amies et, a contrario, ronronner devant celles qui me battaient. Les gens que j’aurais du aimer, je les haїssais ; et ceux que je détestais pour de bon, je les traitais comme de vieux amis. Une culpabilité malsaine m’envahit, fruit de toute l’amertume et de la douleur éprouvées ces dernières semaines, de la colère, de la tristesse et de la solitude qui me gagnaient. Un sentiment de culpabilité oppressante qui pesait sur mes épaules comme un sinistre poids. Je ne voulais pas me l’avouer, mais Johnny me manquait. Je me sentais fautive, abjecte, seule responsable des malheurs qui me survenaient. Je ne supportais plus tout ça. Merlin, j’avais fait en sorte que la seule personne qui se souciait encore réellement un tant soit peu de ma personne me haïsse autant que si j’avais empesté la bouse de dragon, au point même d'avoir du mal à se contenir en ma présence. Mais je n’avais pu faire autrement : comme la sombre idiote que j’étais au fond, j’avais paniqué face à la perspective d'être aimée de façon simple et évidente, pour ce que j’étais réellement, pour moi-même et non l'image de puissance, d’influence, de punk-glam et de popularité que je renvoyais aux autres, et avais réagi par la seule émotion que je connaissais vraiment et croyais pouvoir maîtriser en toutes circonstances : la haine.

J’avais besoin de me changer les idées. De me vider la tête, et rapidement. Accélérant mon pas sur l’espace dégagé qui servait de piste de danse, j’ondoyais comme un serpent au rythme de la musique, balançant doucement mon corps au rythme des sons qui m’entouraient. Je repoussais violemment loin de moi Bradford dont les mains venaient de s’ancrer à mes hanches comme deux menottes étroitement possessives – je paierai plus tard pour ce rejet, je n’en doutais pas – volais la bouteille d’Ogen’s Firewhisky à Paris qui passait par là et fermais les yeux, savourant la tiédeur se répandant dans tout mon être au fur et à mesure que la boisson brûlante descendait mon oesophage, gagnant finalement mon estomac. Tout mon corps me parut soudain entrer en éruption. La brusque chaleur qui me monta à la tête me fit vaciller. Repoussant d’un geste vague les mains qui se tendaient pour me soutenir ou au contraire, me faire avaler une nouvelle gorgée d’alcool, j’avançais d’un pas incertain et chancelant en direction des Blackbirds et me plantais devant Jay, ignorant totalement les autres musiciens et leurs groupies. « Forêt. Maintenant. » lançais-je d’un ton sans réplique. Il connaissait le code : nous avions atterri tant de fois dans la Forêt interdite, bien que passablement stone et décalqués, qu’il ne pouvait que le connaître sur le bout des doigts. « Raclure. » ajoutais-je pour faire bonne mesure devant Connor, qui nous observait attentivement. N’attendant aucune réponse, je m’emparais du poignet de Jaylen et l’entraînais à ma suite à travers la Salle sur Demande sous les regards perplexes des autres membres du groupe.

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Message par Jaylen Killam Ven 17 Sep - 19:56

C’est juste… le pied total. Enfin je crois. Le monde vacille sur ses bases délicieusement instables, et j’éclate d’un rire à la fois fou et d’une sincérité désarmante. Parce qu’il y a de rares moments comme ça où je me sens totalement en phase avec moi-même : ma guitare en main, ou les veines gonflées de substances répréhensibles. Et ce soir, c’est ce deuxième choix qui m’offre ma liberté. En parlant de « produits douteux », d’ailleurs, je me rappelle tout à coup du Smirnoff qui m’attend un peu plus loin et je frémis d’impatience. Déjà, le corps qui adhère au mien me dérange, et je repousse la gamine d’un geste empressé en me tirant de la piste. Elle était mignonne pourtant ; de grands yeux et une bouche adorable, il me semble… mais elle a à peine disparu de ma vue que ses traits s’effacent, ne me laissant que le souvenir brumeux de ses hanches ancrées aux miennes le temps d’une danse. Qu’importe : ma véritable maîtresse porte un autre nom. Elle est aussi bien plus intense, bien plus irrésistible, et elle me connaît assez bien pour me faire décoller en dix secondes chrono. Au point que je ressente cruellement le manque d’elle alors que je ne l’ai quittée qu’il y a quelques minutes.

Je crois que je souris comme un con, mais je sens à peine le sol sous mes pieds et mon allure n’a pas d’importance. Ni mes yeux injectés de sang, ni les cernes qui me creusent les joues, ni ma dégaine tout sauf classieuse : je ne me suis jamais senti aussi moi depuis longtemps. Depuis la dernière fête ayant précédé celle-ci, en fait.
Les baffles résonnent d’une musique qui m’est familière et pourtant totalement inconnue – mais à vrai dire, je crois que je serais même incapable de me rappeler mon propre prénom si on me le demandait là, maintenant. Et pour moi, c’est bien ça l’affranchissement de tout : avec la perte de la lucidité vient celle des souvenirs, regrets ou autres sentiments trop oppressants. Je me sens léger comme jamais auparavant – enfin, ça c’était avant le haut-le-cœur qui vient de me secouer les tripes. J’ai peut-être englouti trop de… je ne sais plus. Je ne sais même plus depuis quand dure cette soirée. Mais il fait encore nuit noire à l’extérieur ; le soleil ne semble pas près à nous indiquer de si tôt une direction plus sage, et je ne suis pas de ceux qui s’en iront avant la fin. Certainement pas.

Quelques instants plus tard, breuvage en main, j’observe la piste de loin, l’esprit plongé dans un monde onirique. L’euphorie ambiante est grisante, revigorante, et je vide mon verre d’une traite en sentant une main me glisser quelque chose dans la poche. Je ne tourne pas la tête, pas plus que je ne cherche l’émissaire : la musique à fond la caisse, l’espace clos inondé par la fumée des cigarettes – entre autre – et autres les stupéfiants qui passent d’une main à l’autre sont une normalité dans ce genre d’endroits. Comme toujours, j’essaye d’ignorer que Kerr n’est pas loin, qu’il ravale son amertume à l’idée de me voir toucher à « ces merdes ». Mais même cette pensée me semble distante, enfouie quelque part loin dans ma mémoire, insaisissable. J’aurai bien le temps d’y penser demain.

Elle se détache de la foule, avec son air d’intouchable carrément surfait, et je ne sais pas ce qui, de ses doigts pâles qui foulent le vide pour atteindre je ne sais quel idéal, m’empêche de me détourner d’elle. Sadie. Mais je la perds en un éclair, alors qu’elle se fond dans le décor aussi brusquement qu’elle m’était apparu. Dans mon délire de camé, je me demande si elle était bel et bien là ou s’il ne s’agissait que d’une vague illusion, réminiscence d’une autre nuit qui se serait superposée à celle-ci.

« Forêt. Maintenant. »

Je prends un instant avant de me rendre compte que c’est bien sa voix qui vient de claquer, autoritaire, et cligne des yeux en me demandant combien de temps s’est traitreusement égrainé depuis que je l’ai aperçu de loin. Dans mes mains tremblantes, un verre d’absinthe que je ne me rappelle pas avoir entamé. Je ne pense pas tout de suite à me redresser – j’ai le cœur au bord des lèvres, et il me semble que je moindre mouvement risquerait de me jeter au sol à plat ventre. Ma vision floue me laisse malgré tout entrevoir mes Blackbirds, dont les froncements de sourcils tentent vainement de percer le brouillard de mes sens.

« Raclure. »
« Pétasse. » - je lâche, et c'est plus une habitude que le fruit d'une quelconque réflexion.

Une vague impression d’urgence, l’impression d’oublier quelque chose m’étreint brièvement ; mais déjà, j’oublie l’occasion qu’on nous avait laissée, ce soir, de jouer clandestinement quelques morceaux histoire que les autres n’oublient pas notre musique. Faudra pas que je m’étonne demain, si les autres ont des envies de meurtre à mon égard, parce que j’ai pas la force de me dégager de la poigne de Sadie. Pas envie non plus, même si je m’en voudrai également à mort dans quelques heures.

La porte de la Salle sur Demande se ferme précautionneusement derrière nous, étouffant immédiatement les bruits de fête, et le silence m’assourdi plus sûrement que le tapage dans lequel j’ai baigné toute la soirée. Mes pas me guident sans que j’y réfléchisse, automatisme dû à l’habitude. Forêt Interdite. Bien sûr. Je ne marche pas droit, et une envie d’éclater bêtement de rire en plein milieu des couloirs du château « endormi » me surprend. Je pouffe – comme un con, faut bien le dire – et me retiens à un mur dans une vaine tentative de marcher droit.

« T’as l’air bien pressée poupée. Mais j’connais le deal. On va flirter, tu vas m’allumer comme la sale garce que t’es, et je me réveillerai demain avec ton corps contre le mien sans pour autant qu'tu m'ais laissé y goûter. »

Ma voix est pâteuse, et je m'étonne d'avoir été capable de prononcer une phrase compréhensible malgré mon état. Mais je crois que je m’éveille à moitié à la simple pensée de cet étrange rituel qui se perpétue entre nous de soirées en soirées. J’ai beau me la jouer blasé, c’est quand même dingue combien je me sentirais incapable de me passer de ça.
Il fait un peu froid dehors ; tout juste assez pour m’engourdir un peu plus, et je me rapproche d’elle. Je m’accroche à sa chaleur. Les nez dans ses cheveux, les lèvres contre son cou gracile, je lutte contre un vertige sans parvenir à retrouver mon équilibre.
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Message par Invité Sam 23 Oct - 13:03

Le monde tourne sur son axe comme une boule à neige secouée en tous sens, les formes floues et indistinctes se mélangent les unes aux autres en un maelström de couleurs chaotiques et chatoyantes. Les portraits le long des couloirs, les Grands Escaliers magiques nous brinqueballant d'un côté et d'un autre risquant dangereusement de nous faire rendre le contenu de nos estomacs avinés comme sur des montagnes russes, jusqu'aux pierres constituant les murs tournoient sur eux-mêmes : le haut est en bas, la droite est à gauche. Le moindre élément ne cesse de changer de dimension voire de texture, et j'aime ça. Salazar, j'ai l'impression de marcher dans de la chantilly tellement je suis peu consciente ... Pour dire combien je suis défractée : à cet instant j'oublie jusqu'au danger pourtant évident d'être repérée hors de ma salle commune à je ne sais même plus quelle heure de la nuit - et vu comment nous braillons tous deux comme des soudards sans même nous en rendre compte, on aura de la chance d'atteindre les portes du château sans encombre. Une chance de cocus, ouais. Des étincelles dansent devant mes yeux, des portraits aux couleurs pastels me lancent des coups d'œil égrillards et prennent soudain des tailles improbables : Poudlard en technicolor ... un rire dément m'échappe tandis que je sors ma baguette pour en faire sortir un arc-en-ciel et des gerbes de couleurs ondulant devant mes yeux exorbités. J'oublie tous mes problèmes, le visage de Johnny s'efface dans un flou artistique tandis que je cours comme une gamine après Jaylen en un ensemble de gestes incohérents. J'oublie que demain je me demanderai avec angoisse si quiconque m'a vue avec ce camé en train de me bidonner comme la parfaite siphonnée que je suis au fond, j'oublie que dans quelques heures à peine il faudra se réveiller dans le froid et l'humidité quelque part au beau milieu de la forêt interdite et se traîner en cours, parce que les deux pauvres cons que nous sommes auront été trop défoncés pour rentrer. On se soutiendra en titubant pour retourner au château avec le vague espoir qu'un prof ne fasse pas le pied de grue devant les escaliers, fermement décidé à nous coller en retenue - quoi que, même éviscérer un tonneau de crapauds cornus pourrait être drôle si c'est avec Jaylen. « Pétasse ». Ouais, peut-être bien ; comme s’il le pensait vraiment – ou comme si j’en avais réellement quelque chose à foutre.

Je m'arrête quelques secondes avant de reprendre ma course, il me semble avoir entendu de la musique : mais ce n'est jamais qu'une hallucination auditive, le souvenir de la guitare de Jay résonnant dans un coin de ma tête de tarée.

« T’as l’air bien pressée poupée. Mais j’connais le deal. On va flirter, tu vas m’allumer comme la sale garce que t’es, et je me réveillerai demain avec ton corps contre le mien sans pour autant qu'tu m'aies laissé y goûter. » « Comme si tu pouvais t’en passer, pauvre toxico que tu es. Pas non plus comme si tu crevais d’envie d’y goûter, d’ailleurs. » je réplique avec mépris et assurance. Et c’est peut-être bien ça qui me rend si accro à nos pseudo rendez-vous nocturnes : l’absence de sexe, malgré la tension. Il joue l’indifférent, le désabusé mais qu’il n’espère pas me tromper : je sais bien au fond ce qu’il en est. Est-ce que j’vaux mieux que le toxico en question ? J’n’en suis plus très sûre.

Tout flotte autour de moi, toute sensation est si fugace et intense que les moindres contacts et heurts avec la peau du Serpentard me font autant de bien que mal. Je suis vaseuse : défoncée, c'est clair - mais perdre tout contrôle est si bon que je pourrais m'y noyer. Je me fous de ma réputation, d'être trouvée hirsute et totalement débraillée en retournant à Hogwarts le lendemain - mon visage barbouillé de boue, mon teint cave, mes cheveux emmêlés et des feuilles mortes jonchant ma crinière brune. Reste à espérer pour l'instant que la nuit nous couvre et c'est bien la première fois que je souhaite à mes chers enseignants une bonne nuit tandis que je m'enivre ailleurs. Le froid des couloirs glace mon épiderme hypersensible, faisant courir mille frissons sur ma nuque et mes bras : mais j’ai beau être gelée, tout mon corps est en ébullition.

Faisant apparaître d’un coup de baguette mon blouson en cuir sur mes épaules, je retrouve avec soulagement cette chaleur qui m’envahit, la sensation de froid en moins tandis que mes vieilles boots dérapent sur les marches des escaliers du Hall. Déjà la vue des immenses portes principales me tire un ricanement ravi tandis que j’anticipe avec envie la fuite vers la forêt fameusement interdite – pas à mon sens en vertu d’une quelconque créature dangereuse, mais plutôt pour son sol jonché de nos seringues et quelques « médicaments » égarés là. Nos deux corps de paumés cognent avec violence contre l’épais bois de chêne : je devrais avoir mal – peut-être même me suis-je démise une épaule au passage – mais n’éprouve qu’une douce sensation d’engourdissement. Le vent glacé me fouette le visage tandis que nous écartons les battants, l’odeur de musc et résine des arbres emplit mes narines et j’inspire avec délice pendant que la Forêt prend des teintes pastels rose et jaune. J’ai toujours aimé la nature – attachée à la végétation, au cadre somptueux de Hogwarts. Étrange je l’accorde pour tous ceux qui connaissent ou croient connaître un tant soit peu ma réputation et ma nature je-m’en-foutiste, cynique et insoucieuse de tout – en apparence du moins. J’accorde de l’importance pourtant à ce bois qui abrite tant de mes bons souvenirs : à la moindre sensation, au moindre parfum transmis par l’air et les végétaux qui m’environnent … à tout ce que je trouve digne d’être éprouvé et admiré.

Il se raccroche à moi, maladroitement : l’univers tourne encore plus vite, je sens de très loin mes bras l’agripper machinalement avec la force de l’habitude pour le faire tenir debout – ou est-ce pour, moi, m’empêcher de tomber ? Sa chaleur contre moi me stabilise, point d’ancrage de quelques secondes, je me tiens à ses bras, à la tourmente de ses yeux bleus troubles et embrumés. Ses lèvres dans ma gorge me tirent un frisson violent, c’est presque avec une espèce de désespoir que je me colle à lui avec force. On a l’air con, plantés l’un contre l’autre à s’étreindre comme des condamnés. J’ignore combien de temps s’est écoulé quand nous sommes un peu raffermis sur nos pieds, je me décide enfin à m’extraire de ses mains qui m’immobilisent et le lance en avant, tourne sur moi-même avec un tournis mortel tout en poursuivant Jaylen à travers tout le Parc : enfin je finis par le rattraper, pour tomber joyeusement avec lui dans l’herbe humide. Le sentiment de la chute ne m’atteint même pas, toute occupée que je suis à sombrer dans un épais matelas d’herbe fluo en guimauve. Tête accolée à la sienne, je lève une main vacillante pour pointer dans le ciel un bouquet d’images incertaines : « Regarde … des hippogriffes roses en tutus. » À peine consciente de l’incohérence de mes paroles, j’éclate d’un rire fou et incontrôlable dans le silence solennel du Parc de Poudlard puis me tortille en tous sens pour chatouiller Jaylen, tout comme l’herbe humide titille agréablement mon cou comme une multitude de petites fourmis indiscrètes. Me redressant soudain brutalement, je m’empare de la main du Serpentard et me relève aussi sec, l’entraînant à nouveau dans cette ronde psychédélique qui habite ma tête avec une seule direction encore claire dans mon esprit sérieusement embrumé : les arbres. Nous glissons entre les troncs en une espèce de valse sans direction ni règles avant que je ne me laisse tomber sans douceur dans les feuilles rousses humides de rosée, l’entraînant à ma suite par nos mains toujours entrelacées, crochetées l’une à l’autre comme à une bouée de secours. L’impression un peu absurde de dériver à tout moment dans le néant de mon esprit si je lâche la main de cet ahuri abruti à peu près autant que moi par les trips.

Mes sensations s’étendent soudain à l’infini : mes yeux plongés dans les étoiles d’une netteté extraordinaire au-dessus de nous, la texture rêche des feuilles sous mes doigts galvanise mon sens du toucher, les petits bruits des insectes et les pas des animaux sauvages tout autour de nous résonnent bruyamment avec une clarté assommante – tout mon être se règle avec la nature comme une mélodie bien ordonnée. J’éprouve l’étrange impression d’être à ma place tout d’un coup, entre la noirceur insondable de la forêt, cette bizarre mélopée qui résonne dans ma tête et ce drogué de gratteux. Je ferme les yeux quelques secondes pour me concentrer plus intensément sur la musique imaginaire alliée aux sons des bestioles toutes plus bizarres les unes que les autres qui nous entourent ; d’aucuns auraient peur, mais je me sens au contraire anormalement plus en confiance que jamais. Déjà je m’envole dans un état second vers la lune qui me sourit gaillardement avec un air complice et son cortège d’étoiles-demoiselles blondes scintillantes en robes de Marilyn. Les pilules ingurgitées trois quarts d’heure plus tôt font tranquillement leur effet : ma tête tourne, mes lèvres commencent à s’engourdir à moins qu’il ne s’agisse de la bonne vingtaine de verres avalés ? Je ne peux déjà plus me rendre compte de quoi que ce soit tandis que je marche lentement, m’élevant vers le plafond étoilé et les branches des arbres qui semblent se tordre et changer de forme. Un sourire continuel étirant mes lèvres, je me tourne vers Jaylen pour plonger mes yeux dans les siens – à peine consciente de ce qu’un tel geste implique que je sois en réalité demeurée solidement fixée au sol. Je n’ai pas forcément envie de parler, et il me connait bien. Salazar, ce putain de junkie est le seul à me connaître si bien qu’il suffit d’un regard dans mes yeux pour comprendre ce que j’ai en tête – sans pour autant me la prendre, c’est ça le foutu miracle. S’il est le seul à pouvoir faire ça, alors qu’il le fasse.

J’oscille de la tête langoureusement, les paupières mi-closes. J’ai envie … j’ai envie de quelque chose d’irraisonné. Ouais, c’est ça : une bêtise. Une inconséquence – que je regretterais plus tard peut-être, mais qui dans le moment m’importe peu : mieux, me parait salutaire pour extraire de ma tête toute cette merde qui pourrit mon trip inégalable. Ah, et chiottes … j’suis perdue de toute façon, lâchée par tous ceux qui m’ont toujours défendue et à qui j’avais voué un semblant d’amour. Dire que je les aime encore au fond, bordel ce que j’peux être naïve. Putain d’amour, aussi … Laissant échapper un soupir, je cale finalement ma joue contre l’épaule de Jay – j’aurais du en être dégoûtée puisque toute mon éducation me le crie, mais n’en ai simplement rien à carrer. Let’s fuck education. Est-ce que mes salopards de parents m’ont jamais appris quelque chose d’utile ? Ont-ils jamais été bons à autre chose qu’à me faire des reproches parce que je n’étais pas la parfaite petite jeune fille de sang pur correcte, polie et bien élevée ? Pourquoi faire attention à l’avis de gens qui me laissent au fond du gouffre ? C’est foutrement absurde.

« Love, love, love - je chantonne en riant, à quoi c’est bon ? Absolument rien » je conclus hargneusement.


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Message par Jaylen Killam Lun 25 Oct - 23:43

Spoiler:

Je suis surpris de voir disparaître les murs oppressants du château. Ils s’effacent, peu à peu réduits à l’état de souvenirs rendus flous par les substances qui me altèrent mes sens. Ce qui les remplace, c’est un vide infini ; un espace qui me semble entièrement ouvert, où se fondent verdure et ombres brunâtres. Mais cette simili liberté n’est que le reflet de ma propre volonté, une image fragile qui n’existe que dans ma tête. Si je poussais plus loin l’exploration, je verrais peut-être de nouveau les barrières à laquelle se heurte mon « affranchissement », les hauts grillages qui me maintiennent à l’écart de l’accomplissement de mes envies. Mais ce soir je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez, pas plus loin que le sourire béat à la con qui me déchire le visage, pas plus loin que le regard de Sadie, rendu flou par les verres enchaînés un instant plus tôt.

Une nouvelle nuit s’étend sur mon univers. Mon empire de débauche. À celle-ci succédera un matin tortueux et, pourtant, j’ai la vague impression que le temps pourrait se suspendre là sans jamais reprendre sa course. Mon crépuscule est lumineux : son fond sombre est éclaboussé par des tâches colorées dénuées de sens, de substance, mais je ne fais de toute façon plus la différence entre rêve et réalité. Je ne veux pas revoir l’aurore et toucher de nouveau le sol. Rien ne me transporte plus que cette étrange sensation de ne marcher sur rien, de flotter entre terre et ciel sans qu’aucune attache, aucune obligation n’ait d’emprise sur mon corps. Je n'ai pas d'avenir, pas d’espoir, mais j’en ai pas grand-chose à foutre au fond. Mes jours ne prennent pas en compte les lendemains, et mes nuits ne sont que pires, excuses toutes trouvées pour échapper au monde, à ses conneries, sa folie.

Elle me heurte à intervalles irréguliers, la compagne de mes nuits. Mais je ne la sens pas tout à fait ; du moins, je ne ressens pas son contact comme à chaque fois. La texture de sa peau n’a plus vraiment d’importance – cest la sensation de nos heurts qui me transporte ; collision légère qui me semble pourtant intense, ébranlant à chaque fois les parcelles de raison qu’il me reste. Elle rit. Clairement défoncée, complètement à jeter, et joyeuse avec ça. Ses mèches brunes créent un contraste clair/obscur avec sa peau diaphane, sublimé par la coke qui me distille l’âme, et je l’arrête une seconde pour me laisser le temps de profaner sa beauté. Je ne sais pas si elle est inaccessible, ou si elle ne m’a échappé qu’au dernier instant – toujours est-il que je n’ai que le temps d’effleurer les pointes un peu rêches de sa chevelure sombre avant qu’elle ne se relance dans cette course dénuée de sens. Une course aux rêves bercée d’hallucinations. C’est à ce moment seulement que ses mots de tout à l’heure prennent forme.

« Comme si tu pouvais t’en passer, pauvre toxico que tu es. »

Tellement pas. Je salue cette vérité sans m’en vexer ou m’en émouvoir. C’est vrai : je ne pourrais pas me passer de ces rencontres qui grignotent sans façon, sans répit, les miettes de mon existence qui en valent encore la peine. Je ne pourrais pas me passer de cet échappatoire, un moyen comme un autre – ou pire que les autres – d’oublier, de tuer tout ce qui me déplait. J’envoyer chier l’autorité et les cours, ma mère, ses connards d’amants et les miens, mon père qui l’a foutue en cloque pour que dalle il y à près de vingt ans.

Pas non plus comme si tu crevais d’envie d’y goûter, d’ailleurs. »

Peut-être que si. Peut-être que sous les couches de faux-semblants et d’indifférence, je meurs bel et bien d’envie de la brûler encore et encore sur l’hôtel de mon propre plaisir égoïste, de la salir de mes désirs de toxico irrattrapable, d’entacher profondément son allure de fille trop bien pour une telle vie. Mais peut-être que non. Peut-être que tout ça suffit à me satisfaire : elle et moi enlacés à contempler les nuages de nos yeux vides de sagesse, pleins de nos divagations idiotes. Je suis ce joyeux drille qui avance pas à pas, jours après jours, d’un pas vacillant teinté d’alcool. Je suis ce fêtard invétéré dont l’avenir est incertain ou mieux : inexistant.

Quelque chose m’effraie ; quelque chose que j’avais fait semblant de ne pas distinguer jusque là. La sensation fugace que les choses ont changé, sans que je ne m’y attende. Qu’un nouvel élément s’est tapé l’incruste dans ma vie de merde pour l’embellir à mon insu, pour accroître ma dépendance tout en me raccrochant à cette Terre qui tourne et tourne encore en dépit de mes états d’âme. Avant même de m’en rendre compte, je suis devenu plus que la loque inconsistante dont l’Ecstasy aura la peau, les Magic Cig’s et Marlboro les poumons et le Firewhisky le foie ; cet incapable qui multiplie les amants d’un soir sans intégrer le concept de « couple » ou de « fidélité » ; qui utilise et qui jette.
Ce « quelque chose » dont le nom m’échappe me transcende le cœur et soudain, c’est un visage qui se découpe sur la toile éclatante de couleurs peinte à même ma rétine. Il me fascine. Je tends la main pour le frôler, certain qu’il n’est pas si loin qu’il le semble, mais le tableau mirifique de son corps se dissipe pour ne plus laisser que des nuages qui…

« Regarde … des hippogriffes roses en tutus. »

Ouais, ça doit être ça : une illusion de plus, qui m’aura percuté de plein fouet. On s’est écroulés ensemble, roulant dans une pelouse trop verte pour avoir été taillée et arrosée par une main moldue, et je crois que l’angle que forme mon bras est étrange – je le trouverais sans doute un poil douloureux si la notion de douleur ne me semblait pas si lointaine. Un souci de plus que je laisse à demain. Je coule un regard vitreux en direction de Sadie ou, du moins, celle qui « a été » Reine dans un autre temps, une autre vie. Là, tout de suite, elle n’a rien de cynique et de méprisant : preuve en est sa façon de se vautrer par terre comme la dernière des gueuses avec moi pour prince, alors que je n’ai clairement rien de charmant. Mais ce n’est pas comme si l’escapade n’en valait pas la peine. Bordel, oui, elle en vaut la peine.

Je pointe une forme d’un index, au bout de mon bras tendu, mais ne suis pas certain de bien viser ce que je cherche à montrer.

« Ton troupeau va se faire bouffer par mon Nundu. R’garde, il a déjà un des tutus dans les dents. »

Elle m’assaille tout à coup de chatouilles que je tente de lui rendre – sans succès. Mes doigts son mous et se trainent sur sa peau sans guère lui arracher plus que des frissons, engourdis par froid et alcool. Ma tête part en arrière alors qu’elle, son support de fortune, s’écarte brusquement, et je ne songe pas à me retenir. Je m’étale sur le dos, déjà près à passer la nuit là à m’abreuver des effluves qu’elle a laissées derrière elle : mélange subtil de parfum et d’inévitable transpiration, de whisky et de fumée. Son rire résonne toujours dans l’immensité du Par et à mes oreilles qui bourdonnent, et elle a tôt fait de m’entraîner une fois de plus à sa suite. Je grogne, pour la forme, mais le couvert des arbres m’apparaît comme un refuge plus sûr ; rassurant, aussi. Le vent siffle entre les feuilles sèches et me frigorifie, sensation bienvenue qui apaise le feu qui me tort les entrailles. Elle se glisse telle une nymphe dans ce décor sylvestre, sa main accrochée à la mienne telle une serre impitoyable à laquelle je ne permets pas non plus de s’éloigner. Et nous revoilà au sol, moi sur les genoux, les paumes pommées dans l’humus humide.

Sur ces lèvres traine un sourire qui recèle de son envie de faire une connerie, une de plus ; sourire qui disparaît bientôt contre mon épaule. Et comme ça, sans prévenir, elle met un mot sur cette « chose » incongrue qui polluait mes pensées déjantées à l’instant.

« Love, love, love. À quoi c’est bon ? Absolument rien. »

Mais sa hargne m’échappe, laissant dominer un sentiment de plénitude, et je me rends compte que je l’ai lâchée quelque part – en même temps que mon désespoir. Amour. Je m’étais cru à l’abri de ça, et pourtant. Je lui donne un léger coup d’épaule.

« Et toi ? Et moi ? On n’est pas bons à grand-chose non plus. »

Je me penche vers elle, en équilibre précaire, et louche pour la voir à peu près clairement – tellement que nos nez se frôlent avant que je ne parvienne à mieux distinguer ses traits.

« Peine de cœur, princesse ? »

La supposition me semble tellement incongrue que je n’y crois pas trop. Ce n’est qu’une moquerie, à vrai dire, et je suis loin de me douter que sa morosité puisse être en lien avec ses chevaliers servants, j’ai nommé les deux C. – pour « Carter&Connor », ou les deux « Calamités de service ».

« T’auras qu’à siffler tes précieux toutous pour qu’ils viennent te venger. Ou alors ils sont de moins en moins portés à défendre l’honneur de leur Dame ? »

Je m’efforce de prononcer les mots clairement ; ma langue est pâteuse et pourtant je n’ai jamais eu l’impression d’être aussi lucide. « Lucide » à ma façon, du moins, soit carrément hors des normes établies pour le commun des mortels. Mais c’est une sensation étrange. L’espace d’une seconde, je vois et perçois trop clairement ce qui m’entoure, au point d’avoir la nausée de ces détails qui me font tourner la tête. L’instant d’après, le tout se perd dans une brume cotonneuse dont je parviens à peine – ou pas du tout – à déchirer le voile épais. Je me laisse tomber sur les fesses et me sers de mes bras tendus en arrière en guise d’appui, dos à elle. Ma tête se cale dans le creux de son épaule, lui laissant la possibilité d’imiter le geste. Mais le but est surtout de trouver un appui décent pour ma tête trop lourde de pensées éparses, de raisonnements complexes à la structure bancale. Belle hérésie.

« Tu crois qu’je pourrais découper nos noms dans le ciel ? »

Un zeste de lucidité me pousse à douter de ma bonne idée, mais je la repousse fermement. « Nos » noms. Celui de Kerr, que j’emporte partout avec moi ? Ou ceux de Sadie et moi ? Ou les trois à la fois, comme pour lier les segments épars de ce qui compose mes nuits ? Ni une ni deux, j’agrippe ma baguette et la pointe vers la voûte qui nous surplombe, distinguable à travers l’interstice séparant deux feuilles jumelles. Je jette un « diffindo » vaseux en oubliant de viser. Des bouts de bois dégringolent jusqu’à nous, vestiges des branches atteintes par le sort tandis que ma cible première demeure obstinément intacte. Mes réflexes émoussés me poussent à me protéger le visage de mon avant-bras, un peu trop tard toutefois pour me servir à grand-chose.

« Merde. J’crois que j’ai scalpé une de tes bestioles de tout à l’heure, et maintenant elle se venge en me retombant dessus. »

Parce que bien sûr, je suis persuadé d’avoir fait les choses correctement et d’avoir atteint quelque chose bieeeen au-delà des branches feuillues qui s’étendent à quelques mètres au-dessus de nos têtes de pioches.
Jaylen Killam
Jaylen Killam

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Message par Invité Lun 1 Nov - 22:33

Mes yeux divaguent dans l'obscurité tandis que la réalité et moi perdons contact, des années-lumières séparant la dimension des autres et la mienne qui se change par intermittences en univers lovecraftien. Aïe. Manquerait plus que le calamar géant daigne quitter son antre aquatique et on aurait Cthulu à domicile avec ma vue de shootée. Le froid de cette nuit humide commence seulement à pénétrer mon corps et c'est avec la douce conscience d'avoir chaud pour bien quelques heures encore que je sens le sachet d'Elléborine se froisser dans la poche de mon blouson en cuir. Je l'en extirpe machinalement, mes doigts tremblants peinant à farfouiller pour l'atteindre. L'espace d'un instant, mon esprit s'égare vers les quelques bestioles diverses et variées ayant avalés nos jolies petites pills égarées là durant nos errances : ont-ils vu des papillons arc-en-ciel toxiques et des arbres d'un violet peu naturel ? Je me bidonne de rire en y songeant jusqu'à moi-même constater l'air un peu louche de la végétation autour. C'est mauve, ça bouge et ça ondule avec un air pas très magique et ça me regarde avec un œil torve – à moins que ça soit Jaylen, ça. La profondeur insondable des bois qui nous entourent imprime en moi une sensation de liberté et de délivrance, loin des murs oppressants du château : bon sang, j'ai beau donner le change, c'est encore étalée sur l'humus à l'odeur chargée de fragrances naturelles que je me sens le mieux – en harmonie. Loin du paraître et des leçons de bienséance infligés par mon rang et mon éducation commune avec les autres jean-foutre au sang pur. Nous ne sommes qu'à l'orée des bois encore, mais j'ai déjà l'impression d'avoir laissé un monde derrière moi – un monde bien différent de la sauvagerie naturelle et la vérité brutale de tout ce qui nous entoure. Univers d'apparences et de superficiel, de mensonges et de masques. L'espace infini qui s'étend autour de nous en est si différent, tellement immense que nous pourrions nous y perdre – dans un genre différent d'égarement. Nous pourrions nous échapper là tout d'suite, je pense soudain : mais où irions-nous ? Deux pauvres têtes brûlées désespérément dépendants des autres malgré les illusions et chérissant trop leurs propres névroses pour si bien en faire bon débarras. Nos névroses et nos imperfections, c'est nous : elles ont pris le pas sur ce que nous étions vraiment à la base, se sont emparées de nous ; sans elles nous ne sommes rien, c'est là toute la tristesse de notre condition. C'est vraiment dingue ce que je suis consciente des choses là tout de suite … Ce n'est pas que je ne le sache pas pertinemment d'habitude, je suis juste plus habile à me le cacher en étant sobre.

La puissance de la nuit m'aspire à nouveau dans sa ronde, empire d'impossibles devenus possibles et de vœux magiques totalement réalisables uniquement parce qu'en cet instant nous nous sentons semblables à elle : libres de tout et surpuissants. Décadence et dépravation, voilà nos seuls maîtres-mots, nos seules règles de conduite tellement plus faciles à endosser que tout ce que l'on voudrait faire de nous : des gens biens … qu'est-ce que ça veut dire ? Salopards d'hypocrites … Je flotte dans un nuage doré au-dessus de la surface des hommes et des gens ordinaires dans une bulle flottant à une vitesse supersonique qui fait « vooooh ! » et m'emporte à une vitesse improbable parmi les galaxies. Tout est sans fond et indéfini, sans couleurs tellement elles valsent autour de moi à la manière de ces manèges moldus qui vont trop vite. Une vieille sensation remonte dans ma gorge comme un gaz hilarant barbotant dans du Coca mal digéré. Tout est spatial, aérien : je plane, l'impression de marcher puis de rebondir sur des cumulus roses comme sur un trampoline. L'instant suivant je danse la samba avec des gobelins en agitant des maracas, marquant un rythme heurté qui ne résonne que dans ma tête. Tout tourne et s'échappe et fout le camp dans tous les sens autour de moi comme ces lumières imaginaires que j'étais seule à voir tout à l'heure. Les teintes et les nuances s'enchaînent dans l'herbe et le feuillage des arbres, transformant la forêt en un macrocosme de dimensions et de coloris juxtaposés. Sensation brève et éphémère que je ne reverrais pas la lumière du jour : la lueur de l'aurore fantasque et magnifique. Un gémissement craintif m'échappe rapidement.

C'est l'expérience de ma vie, la dope du siècle – comme sans doute la fois précédente, je médite confusément – et ce n'est qu'avec Jaylen que je peux la vivre. Parce que rien ne peut être mieux que cette cuite gigantesque et surhumaine transcendant ma pauvre mortalité et le monde des vivants, moldus ou sorciers. Parce qu'il n'y a que lui pour goûter les bras grands ouverts pour l'étreindre cette mortelle extase sans nom qui nous assaille et que d'autres craignent tant, tellement ils ignorent où elle pourrait les emporter. Moi je ne le sais pas non plus et je n'en ai cure – qu'elle m'emporte, c'est tout ce qui compte. J'observe Jay, sa peau grise presque translucide et ses traits tirés formant dans la nuit une tâche plus claire tel le fantôme d'un vieux phare désaffecté. Quelque chose d'ultime me transperce, le sentiment poignant mais transcendant d'une espèce de dernière fois. Un désespoir géant ou au contraire, un espoir trop grand.

Nous dansons avec le diable sur le fil d'un funambule, titubant à chaque pas avec en-dessous la Mort pour la chute et son sourire amical qui nous tend les bras. Mais la preuve que nous ne sommes pas encore prêts à gaspiller nos derniers moments de jeunesse que nous brûlons à une vitesse effrayante : nous pourrions nous enfoncer plus profondément encore dans cette bien-aimée forêt et jouer une partie de cartes avec Dame faucheuse par une petite rencontre avec l'un de ses émissaires cachés dans les profondeurs des bois. On les dit nombreux : loups-garous, acromantules et autres charmantes bébêtes – en ce qui me concerne je n'en crois rien, mais la plupart des gens superstitieux et craintifs ont cette tendance à redouter l'inconnu. Nous … disons qu'on s'en fout. Ma provocation à Jaylen laisse une trace dans l'air, cet instant d'hésitation et cette question perpétuellement en suspens : mais non, je ne le désire pas. Lui, seule barrière subsistant entre moi et le gouffre et je n'en veux pas : parce que des tréfonds éthyliques de ma jeunesse désillusionnée en constante recherche de sensations fortes, je me refuse à être l'énième carte brûlée dans son jeu de perversion. Je suis le Joker, celle dont le camp et les goûts contraires balancent constamment : lui le Bouffon vert, le seul pour lequel je tiens à rester une exception : noircie jusqu'aux racines de l'âme et pourtant toujours intouchable.

Est-ce que nous prenons en compte les autres dans ce jeu étourdissant qu'il n'appartient qu'à nous de mener ? Parfois – rarement. Est-ce que je pense à mes deux chevaliers ? À ce débile de jaune amoureux de moi – le pauvre … - dont j'ai volontairement causé la haine et ma propre perte au passage ? Constamment et pas le moins du monde : tout est de leur faute et je ne veux pas parler d'eux, bien que j'en ai un cruel besoin. Ce n'est pas juste ; on croirait qu'avec une telle éducation et semblables parents ils auraient fait de mon cœur un diamant froid et indestructible issu de la matière la plus solide qui soit – mais non : il est tendre, vulnérable et sa décomposition graduelle est d'une lenteur affolante. Et en vérité j'ai beau me cacher à loisir la réalité, il n'en reste pas moins que je les aime avec fureur. Merlin, j'avais été stupide de faire ça ... un philtre de haine, je n'avais pas trouvé mieux pour anéantir les sentiments de Salinger envers moi alors que je ne demandais, au fond, qu'à les recevoir avec gratitude - j'étais simplement trop orgueilleuse pour accepter de l'admettre seulement. Un pressentiment m'étreint violemment depuis le début de notre escapade forestière : la sensation que les temps ne sont plus les mêmes ; que nous ne sommes plus les mêmes. Même les fêtards invétérés et faussement insouciants qui se croyaient tellement malins et invincibles derrière leurs prods et leurs bouteilles connaissent l'amour : parce qu'en réalité même les plus cruels monstres peuvent être aimés - avec un désespoir et une profondeur qui leur fait peur souvent. Comment décrire autrement mon cas ? J'avais fui à toute allure et pris mes jambes à mon cou face à la perspective d'être aimée pour moi-même, de cet amour trop grand que je ne pouvais contrôler et dont j'étais loin de me sentir digne. Je me sens juste ... malade.

Je jette un oeil vaseux à Jay et l'envie tout à coup, lui que je me figure avoir pour socle intangible son groupe, ses potes ; une raison de vivre qui lui permette de prendre son pied. Qu'ai-je à moi qui me possède à ce point et dont je sois relativement sûre de la stabilité ? Les anciens piliers de mon existence se sont délités au fil de l'année écoulée et désormais, il me semble ne détenir plus pour me raccrocher un tant soit peu à la vie que ces fêtes sans raison, sans motif. Je me sens empêtrée dans un chambardement trop grand pour moi et qui me perdra : mes ambitions dévorantes et démesurées me feront mal terminer, j'en ai conscience et de toute manière c'est comme si tous ceux qui m'entouraient considéraient mon avenir comme tout tracé ; j'effectuerais une brillante carrière au Ministère sous la houlette de ce fêlé de Clyde Andrews, mènerais avec brio et d'une main de fer la fortune familiale très probablement après avoir éliminé mon imbécile de frère de mon chemin - l'héritier mâle, c'était à lui que devait normalement revenir le patrimoine de nos ancêtres - assassinerais des nés-moldus selon mon bon plaisir et entretiendrais une liaison douteuse avec Carter. C'était bien là d'ailleurs le seul élément stable de mon futur : quand Connor avait disparu, Carter lui demeurerait à mes côtés. Le prince de sa Reine ...

Mes yeux ont suivi distraitement le doigt de Jaylen pointant le ciel comme une bizarre flèche au milieu de la nuit striant les ténèbres, tandis que mon regard dessine les contours de ma constellation d'hippogriffes. Merde, voilà qu'on se mêle d'astronomie - on est pas rendus !

« Ton troupeau va se faire bouffer par mon Nundu. R’garde, il a déjà un des tutus dans les dents. »

Des clous !

« Y'a pas d'Nundus en Angleterre, je m'entends répliquer avec une voix rauque que je tente - en vain - de rendre savante, ils sont rares et tous en Afrique. »

Et qu'en sais-je au juste d'abord ? Eh bien, disons simplement qu'à l'image de la plupart des foyers sorciers j'ai lu avec intérêt et plusieurs fois Les créatures fantastiques par Newt Scamander ; un ouvrage de référence particulièrement chez les familles pure blood - un tel talent de la part d'un sorcier, voilà qui faisait honneur à notre race ! Savait-on seulement si l'auteur n'était pas un né-moldu ? Rien ne nous le garantissait, toute cette adoration était donc totalement sans fondement bien que je n'étais pas sans savoir que ma chère mère aurait adoré avoir un Basilic dans notre joli jardin - dommage que ces bêtes ne répondent qu'aux Fourchelangs, n'est-ce pas ? Son coup d'épaule après que je me sois collée à lui en vaine recherche d'affection m'ébranle légèrement, me renvoyant contre la terre humide avant que je ne me redresse partiellement pour m'agripper à lui. Salazar, j'ignore quel insecte magique me pique mais je sais une chose, je dois être déchue bien bas pour choisir ce déchet humain comme confident - pour avoir si intensément besoin de lui en cet instant. Pour vouloir être quelqu'un au moins à ses yeux. Parce qu'il est le seul dont je puisse attendre de la compréhension plutôt que des discours dégoulinant de fiel et de romantisme.

« Et toi ? Et moi ? On n’est pas bons à grand-chose non plus. » Je sais quelque part qu'il a en partie raison : ma panique incohérente, ma retraite précipitée dès lors qu'il s'agit d'aimer ou d'être aimée ; de placer ma confiance en quiconque d'autre que Carter Danes et cette espèce de cocaïné de Jay : tout ça ne tient pas debout. « On vaut toujours mieux qu'ça. » je réplique avec une évidente mauvaise foi. Ses yeux qui disent merde à l'autre et son air ahuri, son nez qui chatouille le mien réveillent mon hilarité tandis que levant le menton je mordille l'extrémité du nez en question avant de frotter mes narines contre les siennes de gauche à droite en un maladroit baiser d'esquimau. Qu'il est rare de me voir si affectueuse, si naturelle, si ... attendrissante. Touchante, bien que ce terme ne me convienne guère d'ordinaire.

« Peine de coeur princesse ? » Aussitôt je lui colle maladroitement une tape sur la joue. « Pour ça faut en avoir un, mendiant. » Mon ton hautain et dédaigneux habituellement d'usage sonne faux ce coup-ci après mon geste précédent, signe évident d'une affection qu'il sait malgré l'absence de mots.

« T’auras qu’à siffler tes précieux toutous pour qu’ils viennent te venger. Ou alors ils sont de moins en moins portés à défendre l’honneur de leur Dame ? » « Ce ne sont que des ingrats ... ils préfèrent les jupons de paysannes. Et puis c'est pas juste eux ... y'a l'autre qui a bu un philtre de Haine aussi - c'est moi qui l'ai fait. » Je tente de m'expliquer maladroitement, pas bien sûre que mes mots fassent sens dans l'esprit de mon condisciple - ils n'en font déjà pas dans le mien, alors pour ce qui est de l'autre là ... Ma voix s'est faite à la fois penaude et fière malgré tout d'avoir réussi à concocter une potion aussi difficile, digne vu son succès éclatant de Demetri et Raquel Torres. Il s'étale contre moi maladroitement et je me recroqueville péniblement sur le flanc, son dos appuyant vaguement douloureusement contre ma hanche squelettique. Je m'empare de ses doigts et gratte machinalement sa peau sèche et qui pèle au bout de ses phalanges de guitariste - dire que j'ai toujours rêvé de faire ça, ça me fascine parce que c'est un fantasme idiot.

« Tu crois qu’je pourrais découper nos noms dans le ciel ? »

Je lève à peine la tête pour distinguer ses yeux de shooté brillant dans l'obscurité de cette nuit froide et intemporelle qui n'appartient qu'à nous. Je ne tente pas de perdre mon regard dans cette immensité bleutée qu'il contemple, je sais que je m'y égarerai - pire que je pourrais m'aveugler sur ces espèces de points scintillants : des lucioles, je tente de me convaincre. Un genre de vers accroché sur cette espèce de toile bleu marine. Une branche pointue frappe ma joue quand l'ahuri qui m'accompagne tente de jeter un sortilège de découpe malhabilement exécuté sur les branchages qui nous surplombent. Mon coude replié jusqu'ici sous ma tête lourde heurte ses côtes en un geste de protestation pas très convaincu.

« Laisse tomber moi j'écrirai l'mien dans l'histoire, c'mieux. » j'affirme avec conviction, certaine de mon fait. On me l'a prédit, et mon ambition dévorante ne connaît aucune limite - paraît que plus tard je tuerais cette gamine débile là, la Poufsouffle ... Tassel. Van Tassel il me semble.

« Merde. J’crois que j’ai scalpé une de tes bestioles de tout à l’heure, et maintenant elle se venge en me retombant dessus. » « T'es qu'un idiot, c'est ton félon d'félin qui crache des boules de poils. » je réponds en ricanant, totalement convaincue que là-haut une saleté d'chat s'amuse à nous régurgiter son pelage sur le visage. La vérité ? Okay, mon propre patronus n'est rien de plus que l'un de ces gros chats, précisément : un léopard des neiges. Alors oui, je peux bien me moquer - mais c'est tellement plus amusant de laisser Jaylen dans l'ignorance de ce petit détail.


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