Coralie Dennell

TranchesDeVie

Ils disent de Nous

Que nous sommes des dégénérés. La consanguinité fit des ravages dans ma famille, la folie nous guette tous, mais qu’importe, instaurée par mes arrières grands-parents, les Dennell épousent des Dennell, c’est ainsi. Mère ressemble à Père, tout comme je ressemble à ma grande-tante Pernille, nos tares sont intérieures et voilà bien longtemps que le quand dira-t-on ne nous atteint plus. Mère est mon univers, Père est mon plus fervent supporter. Et oui, être une saloperie avec autrui ne signifie pas que je suis incapable de bons sentiments. Mes parents eurent la meilleure part de moi. Je fus élevée selon des préceptes visionnaires mais traditionnels à la fois. Mère m’enseigna les bases de la vie, Père m’apprit à voir au-delà de celle-ci. Ils disent de nous que nous sommes fous et foutrement dangereux. C’est un peu vrai. Cependant, une chose est certaine, dans cette bâtisse ancestrale où je suis née, je ris de tout et m’amuse d’un rien.

Père m’enseigne que l’anarchie est notre devenir, il dit que la Société est corrompue et entachée par nos pêchés. Père est ascète, il aime laisser croire qu’il ne possède rien alors que nous sommes à l’abri du besoin sur plusieurs générations grâce aux placements avisés de quelques aïeuls bien pensants. Père fomente donc, il est persuadé qu’une Révolution approche et orgueilleux comme il l’est, il souhaite être aux premières loges de ce qui se trame. C’est un homme affectueux avec sa famille… Avec autrui, il est mon modèle à suivre… Ne s’attacher à personne de l’extérieur car ils pourraient nous asservir et nous rendre sots, voilà ce que Père pense des Autres, entendez par là ceux qui ne portent pas le même nom de famille que nous.

Mère est une artiste suicidaire. Depuis toute petite, j’ai appris à reconnaître les signes de sa psychose latente. Père, nos domestiques et moi ne la quittons jamais des yeux bien longtemps de peur qu’elle attente à ses jours. Elle est inventive mais fort heureusement, elle est de constitution solide car sauter régulièrement du toit de notre demeure ne lui laisse aucune séquelle. Outre ses névroses cycliques et imprévisibles, Mère peint des natures mortes… Entendez par là qu’elle ne peint que des cadavres… D’animaux bien entendu, nous ne sommes pas des barbares ! -Nous ne clamerons pas haut et fort que pour les Dennell, les Elfes de maison et les Moldus font partis du règne animal, mais le cœur y est- Bien entendu, les enterrements sont pour Mère une source de joie et il n’y a pas de plus beau spectacle que de la voir se pencher sur un cercueil pour en croquer le macchabée.

Et vous, que diriez-vous de nous ?

On dit de Moi

Me laisser m’envoler à Poudlard fut une expérience traumatisante pour Père. Paranoïaque à l’excès, ce fut Mère qui à force de patience et de tentatives de suicide ingénieuses le fit fléchir. Autant vous dire que chacun de mes retours chez nous est source de conflits. Il commence toujours son inspection en me reniflant sous toutes les coutures… Je me fâche très souvent car s’entendre dire que l’on pue le Moldu n’a rien d’agréable. Ceci est la pire phobie de Père : Que je puisse côtoyer ce qu’il juge inférieur à ma splendeur… Sitôt rassuré, il redevient le plus heureux des hommes et ma la plus charmante des jeunes filles. Poudlard donc… Qu’en dire ? Rien de Bien… Je suis pour l’enseignement indubitablement supérieur que l’on fait entrer dans mon crâne, je suis contre ce gigantesque melting pot censé nous ouvrir l’esprit. J’ai quant à moi les yeux grands ouverts depuis belle lurette et cette tendance à accueillir chaque chien errant du quartier me file la gerbe. Tout cela pour dire que l’école n’est en aucun cas le reflet de mon véritable foyer. J’y vivote donc, réglant mes comptes avec cette Société que Père déteste autant que moi.

Je manie à la perfection l’hypocrisie et il est bien rare que les adultes présents ne m’apprécient pas… Les élèves ne m’intéressent pas, à trop me baisser pour tenter de me mettre à leur niveau et c’est le lumbago assuré ! J’ai donc passé mes cinq premières années à apprendre, me hissant ainsi dans le classement de tête de ma Maison. Ah Serpentard… Voici bien l’unique chose dont je puisse me rengorger dans ce bled paumé envahi de bouseux ! Ma Maison est mon unique refuge mais je prends bien soin de vérifier l’arbre généalogique de chacun de mes interlocuteurs, sait-on jamais. On dit que je suis un stéréotype ambulant… On dit que mon apparence d’angelot ne reflète en rien la noirceur qui m’habite… On dit aussi que je trempe dans diverses activités illicites… Je ne rétorquerai qu’une simple chose à ces détracteurs qui n’ont rien d’autre à foutre de leur journée : Prouvez le !

Pour le reste, je profite à fond du Système… Plutôt pas mal, j’éclaircis davantage ma blondeur au gré de mes envies, il m’arrive également d’être brune, de taille moyenne, une morphologie agréable, je ne suis pas du genre narcissique mais j’aime que l’on me pense frivole et superficielle. Ce genre de filles est bien souvent sous-estimée, et j’adore que l’on me mésestime. Ainsi donc ce que l’on dit de moi est fort simple et plutôt vrai : Serpentard jusqu’au bout des ongles !

Je dis de Vous

Du haut de mon nuage voluptueux où ma conscience m’enseigne que je suis unique et infiniment supérieure à chaque cloporte que je croise, j’atterris parfois. Je suis diaphane, lointaine mais néanmoins bien trop méfiante pour me laisser poignarder dans le dos. Depuis trois ans, c’est donc moi qui poignarde voyez-vous… Comment ? C’est fort simple, que je vous explique un peu ma principale activité extrascolaire. Mon Cercle est un exutoire constant à ma frustration d’être coincée entre ces quatre murs. Je nous appelle ’Au Toupet’, rapport à mes quelques origines françaises… Nous sommes cinq ou six en moyenne et nous n’acceptons ni les années inférieures à la nôtre, ni nos condisciples mâles. Serpentards, triées sur le volet par mes soins, nous sommes Sœurs de Médisances, de Mode, d’Art et surtout sources de Conflits. Unies dans la débrouille et surtout dans les emmerdes que nous aimons créer, nous sommes discrètes car seul nos dortoirs sont le repère de nos conciliabules… Un élève à séduire, une rivale à évincer, un sang-de-bourbe à dégommer ? Nous fomentons patiemment chaque nouveaux plans… Solidaires, nous sommes Némésis si l’on s’en prend à l’une d’entre nous… Nous louons également nos services car il n’y a pas de petits profits… Notre Maison est un gage de qualité, nos âges respectifs et notre curiosité insatiable envers la Magie Noire font de nous de véritables maquerelles du Savoir, du Génie et de la modestie, cela va sans dire. Potions, filtres, sortilèges, passez commande et nous verrons ce que l’on peut faire pour vous, moyennant finance évidemment.

Mon Cercle occupe mes nuits, mes journées sont insipides tout comme mon environnement. Cette année, je suis Préfète… Bien entendu, je suis une grande enfant, me filer un nouveau jouet équivaut à coller un bébé face au gros bouton rouge enclenchant le nucléaire… En bref, avoir la confiance des adultes est fichtrement jouissif, de plus avoir accès à différents endroits de l’école sans être inquiétée est tout aussi bénéfique pour le Cercle… Mes Sœurs et moi prenons beaucoup de plaisir à mon statut. Pour ma part, je considère cette promotion comme normale car après tout, qui à part moi pourrait être digne de représenter notre Maison au mieux ? Personne.

Pour le reste, je me pense opportuniste avant tout et mon intérêt passera toujours avant celui de la Communauté. Vous voici prévenus.