Sauve-moi - tabatah -

Quatre jours mon amour pas de lettre de toi
Le jour n'existe plus le soleil s'est noyé
La caserne est changée en maison de l'effroi
Et je suis triste ainsi qu'un cheval convoyé

Que t'est-il arrivé souffres-tu ma chérie
Pleures-tu Tu m'avais bien promis de m'écrire
Lance ta lettre obus de ton artillerie
Qui doit me redonner la vie et le sourire

Huit fois déjà le vaguemestre a répondu
« Pas de lettre pour vous » Et j'ai presque pleuré
Et je cherche au quartier ce joli chien perdu
Que nous vîmes ensemble ô mon cœur adoré

En souvenir de toi longtemps je le caresse
Je crois qu'il se souvient du jour où nous le vîmes
Car il me lèche et me regarde avec tristesse
Et c'est le seul ami que je connaisse à Nîmes

Sans nouvelles de toi je suis désespéré
Que fais-tu Je voudrais une lettre demain
Le jour s'est assombri qu'il devienne doré
Et tristement ma Lou je te baise la main

Poèmes à Lou, XXIII, Apollinaire

Apollinaire décrit avec perfection mes sentiments. Mais cela fait bien plus que quatre jours, ma dame. Bien plus que quatre jours où j'étouffe comme un poisson hors de l'eau. Tes mots me manquent et me retirent le souffle. Je tremble, que dois-je écrire pour te convaincre de me répondre ? Moi, ton soldat à tout jamais, ignore les mots qui te feront pencher. Je cherche un semblant de poésie, où je te retrouverai. Un lyrisme, une empreinte que tu aurais laissée. T'aurais-je chagriné ? Qu'ai-je fait pour me retrouver face à un mur glacé montant jusqu'aux cieux ?
Ma lumière, tu n'es plus là. Les ténèbres m'envahissent, elle est revenue, sans toi pour me protéger. Sauve-moi.

Mon cœur brisé,
Je suis à toi,
Tout à toi.

Skiletz

PS : J’avais commencé une autre lettre. Faute de temps, je n’ai pas pu la finir. Peut-être suis-je le fautif ? C’est moi qui ne t’ai pas répondu, en fait. Mais, tu aurais pu m’appeler…

Amour,
Sais-tu comme ça fait du bien d’avoir quelqu’un qui espère une réponse, qui attend une réplique, sans cesse, et toujours ? On se sent bien, aussi bien qu’un soldat de guerre ayant marché durant dix jours avec, à ses pieds, des bottines trois pointures trop grandes et inconfortables, ayant enfin trouvé un lit confortable pour s’abandonner à un somme éternel.

Ne m’abandonne pas, comme tu n’abandonneras pas ton fils, ni tes amis, ni aucune des personnes que tu aimes, de l’haut-delà, si tel est ton destin. Tu l’acceptes tellement, malgré ta peur. J’admire cette force, mais je regrette l’espoir qui s’éteint progressivement. J’espère encore que tu découvriras les joies de toute une vie, entière et remplie, j’espère encore que tu savoureras chaque instant, chaque heure jusqu’à voir ton enfant aller à Hogwarts, à son tour, et constater que ton cercueil n’est toujours pas taillé.
Il y a une seconde vie, après la mort. J’en suis persuadé, car les fantômes ayant eu peur de la mort errent à jamais et ceux ayant encore des choses à accomplir restent encore un peu sur Terre pour terminer leurs affaires et partir en paix. Ils ont alors l’esprit libre, la certitude d’avoir des personnes qui s’occuperont efficacement du reste et n’auront aucun problème pour s’en sortir dans le futur. Et si ils rencontrent de trop gros problèmes, les morts leurs susurrent à l’oreille des conseils, et des encouragements. Et c’est repartit pour un come-back digne de ce nom, encore plus fort qu’avant la chute.

Nous sommes alors deux anges, qui veillent l’un sur l’autre. Nous sommes deux messagers, deux protecteurs, qui se sont trouvés et qui ne s’abandonneront jamais.
Il y a un signe chinois qui illustre parfaitement notre situation : le signe Homme (人). Tu vois, les deux quarts de cercle sont deux êtres humains. Ils sont arasés, mais ils ont aucun arbre, ni rocher, sur lequel s’appuyer. Alors l’un s’appuie sur l’autre, dos contre dos, et se reposent enfin. C’est ainsi que mon père m’a dit qu’il y a toujours deux êtres humains sur Terre, deux âmes sœurs, qui se sentent, se cherchent, se trouvent et se soutiennent, à la vie à la mort.
Si ces croyances sont des égarements, égare-toi encore, ma chérie. Continue dans ta lancée, et raconte-nous le plus beau des contes de fée. Je continue où tu nous as laissé.
Notre ange gardien nous a pris sous son aile, et nous a fait asseoir à côté. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés. On devait se mettre deux par deux, et sous son aile, il y avait des milliers de bancs alignés sur toute la longueur de l’aile. Mais la personne qui était à ma gauche était déjà prise, et toi, celle qui était à ta droite avait déjà sa paire. Et nous nous sommes vus. Nous nous sommes souris. Et nous nous sommes tenus la main. C’est ici l’histoire de toute une vie. De nos vies.

Tu mérites aussi ton bonheur. Et ce bonheur, tu ne l’auras pas lorsque tu seras aux cieux, mais quand tu auras encore les deux pieds sur Terre