There's definitely something wrong with you. { ft. Gemma }

Du haut de ses talons de quatre centimètres, Leslie traversa le couloir du sixième étage la tête haute, ses yeux fixés bien droits devant elle. Si elle s'attardait à regarder sur les côtés, elle avait la désagréable impression que tout le monde la regardait de travers et déjà qu'elle avait du mal à se concentrer sur sa démarche qu'elle voulait fluide et assurée, ce n'était assurément pas le bon plan que de se laisser perturber par quelques accès de paranoïa. Être perchée sur quatre centimètres était déjà assez perturbant comme ça ! Car oui, les talons, aussi courts soient-ils, ne font pas vraiment partie des apparats habituels de la préfète en chef. En règle générale, ceux-ci dorment au fond de son armoire et n'en sortent qu'en de rarissimes occasions, cachés avec une robe noire bien trop courte pour être décente et un tube de rouge à lèvres rouge criard jamais utilisé, entre autres. Pourquoi ? Parce que Leslie ne se sent pas à l'aise lorsqu'elle porte quoi que ce soit d'un tant soit peu sexy - et oui, les talons de quatre centimètres, ça compte. Elle a l'impression d'être dévisagée, que l'école entière murmure à son sujet, bref, ce n'est pas son genre, voyez... Alors, si je vous disais qu'en plus aujourd'hui elle portait un chignon haut incroyablement serré et qu'elle avait noirci ses paupières dont le bleu de ses iris semblait irradier ? Là, vous devez sans aucun doute penser que ce jour est une occasion très spéciale pour que Leslie aie tant tenu à se faire belle, en soit venue à se donner des airs de femme fatale... Et vous avez tapé dans le mile ! Car aujourd'hui est précisément le jour où Leslie Jeffers investit le dortoir des Gryffondors après l'incident ayant ravagé la tour nord.
Cela vous étonne qu'une telle formalité aie donné lieu à tant de préparation ? Détrompez-vous. Le dortoir des rouge et or est l'antre de sa grande rivale, une hystérique dérangée du ciboulot qui mériterait de finir sur le bucher, j'ai nommé Gemma Langley. Hors de question donc d'entrer en terrain hostile la tête basse, le teint pâlot et la gueule enfarinée. Malgré sa toute récente sortie de l'infirmerie, et que son corps porte encore les traces des gravas l'ayant meurtri lors de l'incident, Leslie se devait de montrer qu'elle ne comptait aucunement se laisser intimider; elle devait faire effet dès son entrée, d'où le regard charbonneux et les quelques centimètres supplémentaires pour gagner en stature. Que tous voient au premier regard qu'elle était inébranlable, ou du moins, qu'ils le croient ! Même si en réalité, au fond d'elle, elle n'en menait vraiment pas large... Il était capital que personne ne s'en aperçoive. Personne ! Et surtout pas Gemma Langley...

Leslie inspira profondément lorsqu'elle arriva devant la salle commune devant laquelle elle était arrivée bien trop vite à son goût. Stressée, elle serra fort contre elle son pavé de droit magique pour se donner du courage et, sans tergiverser deux heures au risque de finir par faire demi tour et de se ridiculiser, elle prit bien soin de redresser son menton lorsqu'elle passa la porte, digne. Dans un coin reculé de sa tête, une petite voix priait en toutes les langues pour que l'hystérique ne soit pas dans le coin; petite voix qui se tut bien vite, remplacée par une flopée de jurons que jamais elle n'aurait eu le cran de prononcer lorsque ses prunelles survolèrent sa silhouette impie. Heureusement, les subterfuges l'aidaient à faire bonne figure car elle n'était pas entièrement remise de ses blessures, et pour peu, ses jambes ne l'auraient plus tenu. Et je ne considère pas seulement les maux causés par la tour en partie effondrée sur sa tête -bien que son dos, passablement touché, soit encore un peu fragile... - Non, ces maux là avaient été soignés. C'était surtout les bleus à l'âme qui l'affaiblissaient. Car depuis quelques temps, Leslie était assaillie de doutes, semées par la bonne fée citée précédemment : Gemma, évidemment - geste accompli sans aucun doute par un immense altruisme de sa part, à n'en pas douter... S'il y avait bien un domaine dans lequel cette mijaurée excellait, c'était bien celui là : lui pourrir la vie ! Et lors de leur dernière entrevue privée, ça n'avait évidemment pas loupé. Dès lors que Gemma s'était insinuée dans sa tête, y calant quelques phrases dérangeantes qu'elle n'était pas prête d'oublier, sa vie qui avait retrouvé un semblant de stabilité après son infidélité avait recommencé à se déliter sous ses pieds. Et ce qu'elle craignait par dessus tout s'était produit : elle s'était disputée avec Raven. Coup dur pour son petit coeur qui depuis claudiquait légèrement, la peur de le perdre ne cessant de croître. Et le fait qu'ils aient été envoyés dans deux dortoirs différents lorsque les Serdaigle avaient été relogés n'arrangeait rien ! Bien que c'aurait pu être pire. Bien pire ! Si les rôles avaient été inversés et que Raven s'était retrouvé parmi les Gryffondors alors qu'elle rejoignait les Poufsouffles, là, c'était la syncope assuré... Toujours est-il, donc, que Leslie n'était pas dans les meilleures conditions pour affronter sa grande amie, mais puisque qu'elle était descendue dans l'arène, elle s'efforcerait de combattre en serrant les dents s'il le fallait. Mais, pour l'heure, elle choisit simplement d'ignorer la présence importune et, apercevant une chaise libre suffisamment isolée, elle s'y dirigea d'un pas leste sans plus de cérémonie. Une fois assise, elle posa son énorme livre sur ses genoux, sortit ses lunettes de vue qu'elle déposa sur son nez, et enfin, soulagée d'avoir réussi son entrée, elle s'autorisa à respirer alors qu'elle avait cessé d'ordonner à l'air d'entrer dans ses poumons depuis qu'elle avait passé la porte. Par peur de s'intoxiquer, dîtes-vous ? Oh, les mauvaises langues...

Chaque fois, ça me faisait un choc. Pas que cela soit moche, au contraire, mais j’étais encore constamment surprise lorsque mes yeux se posaient sur un miroir. Cette fois ci n’avait pas fais exception, et j’accusai encore le coup lorsque la porte de la salle de bain s’ouvrit à la volée. Une chance pour moi, ce n’était pas n’importe qui. Je tournai vers elle un visage qui se voulait rayonnant, mais elle ne fut pas dupe. J’avais beau faire mine d’aller bien, de ne pas être troublée, Julia voyait clair dans mon jeu. Je l’aimais et la détestais pour la facilité avec laquelle elle lisait en moi.

« Encore en train de te torturer, hein? »

Elle s’approcha et glissa une main dans mes cheveux sombres. Dans la glace, elle me regardait avec compréhension et il ne nous était pas utile de parler pour tomber d’accord. Elle regrettait mes cheveux d’or, je le savais, mais elle regrettait surtout l’époque où j’étais l’innocence incarnée, malgré les airs de chartrier que je me donnais. Tandis qu’elle me couvait d’un regard tendre, je savais ce qu’elle se disait, et je ne pus m’empêcher de grimacer.

« Les enfants grandissent trop vite, c’est ça? »

Elle sourit et ses yeux crépitèrent de malice. Oui, c’était très exactement ce qu’elle pensait, et elle était subjuguée par l’exactitude avec laquelle j’arrivais à deviner ses moindres pensées me concernant. Julia demeurait, dans bien des domaines, un mystère pour moi, mais je pouvais me vanter d’arriver au moins à la cerner en ce qui concernait notre amitié. D’un geste un peu brusque, que je savais volontairement sur jouée, elle attira ma tête vers elle et me serra sans vergogne tandis qu’elle continuait de nous regarder à travers le miroir.

« Ah ma jolie petite Gemma! »

Trop de marque d’affection me dérangeait, et je la repoussai en grommelant comme je savais si bien le faire. L’air offusqué, je la grondais du regard avant de me concentrer enfin sur ce que je m’apprêtais à faire avant son interruption. Saisissant ma brosse, je pris soin de ces cheveux bruns qui me surprenaient encore souvent. Julia me regarda simplement, sans un mot. Je soupirai en reposant la brosse, et en analysant les traits tirés et fatigués de mon visage.

« Je sais que tu ne dors pas beaucoup en ce moment, mais si ça peut te rassurer, ça te donne un air plus âgé. »

Elle me fit un clin d’œil tandis que je grognais. Elle avait décidément le don de lire dans mes pensées, et c’était assez désagréable. J’aurais voulu garder cette réflexion pour moi, mais il avait fallu qu’elle l’énonce à voix haute et me fasse passer pour une cinglée. Car oui, j’aimais le visage vieilli que me donnait la fatigue! Malheureusement, Raven n’était pas là pour le voir. Et pourtant, il s’en était fallu de peu. La tour des serdaigles avaient été particulièrement touchée par l’explosion, et ils avaient donc été répartis à travers les différents dortoirs pour le temps que durerait les restaurations. J’avais prié pour que Raven soit envoyé à Gryffondor, ça aurait pu signer la concrétisation de tous mes plans! Mais il avait été envoyé chez les blaireaux et, en compensation, nous autres lions nous tapions miss Parfaite, j’ai nommé Leslie la poufiasse. Le bon côté c’était qu’au moins ils étaient séparés, et je n’avais plus à me ronger les sang en les imaginant en train de roucouler en toute intimité.

« Leslie devrait bientôt arriver, je crois que tu aimerais être là pour l’accueillir … »

Julia suivait décidément le fil de mes pensées avec brio. Je ne m’attardai pas plus longtemps, je filai directement remettre ma trousse de toilette dans ma chambre, et descendais dans la salle commune, Julia sur le talons. Je savais que seul le spectacle l’intéressait, et qu’elle n’ouvrirait certainement pas la bouche, mais sa présence aurait au moins le mérite de me mettre en confiance. C’était chez moi ici de toute façon. Leslie arrivait sur mes terres, et je comptais bien lui offrir un accueil digne de ce nom.

Avec légèreté, je m’assis à une table libre et Julia prit place à mes côtés. Une autre lionne ne tarda pas à nous rejoindre, et vu le regard entendu qu’elle me concéda, je sus immédiatement qu’elle attendait la même chose que nous. Nous étions déjà en pleine conversation lorsque la Préfète en chef fit enfin son apparition. Je fus un instant soufflé par l’image qu’elle m’envoyais en pleine face. Je m’attendais à la voir entrer abattue dans mon fief, et je me retrouvais en présence d’une ennemie digne et correctement apprêtée pour la confrontation. Elle en avait sans doute fais un peu trop, se donnant un air solennel qui détonnait cruellement avec l’apparence des filles de Gryffondor. Et je connaissais suffisamment bien celles-ci pour savoir que l’une ou l’autre finirait bien par l’apostropher pour lui faire ravaler la suffisance avec laquelle elle donnait l’impression de toutes nous considérer. J’excluais volontairement les lions du calcul, car l’entrée de Leslie ne s’adressait qu’à nous … qu’à moi.
Elle ne chercha pas directement le conflit, mais elle l’avait déjà fais en s’accoutrant ainsi. Elle s’installa modestement à une table excentrée, mais je savais comme une intime conviction qu’elle ne resterait pas tranquille très longtemps. Mes yeux s’étaient reportés sur ma vis-à-vis lorsque des voix familières me surprirent.

« Jeffers. Tu crois vraiment que tu vas t’en sortir si facilement? Tu n’es pas en territoire conquis ici, comme tu sembles le penser…
- Et ton titre de préfète en chef ne nous intimide pas une seule seconde!
- Affrontes nous au lieu de te cacher comme tu le fais.
- Tu as beau être faible en ce moment, et tout le monde sait pourquoi espèce d’anorexique, nous ne te ferons aucun cadeau! »

Trois filles venaient de provoquer Leslie. Cela aurait dû m’amuser, ou au moins me faire plaisir, mais à vrai dire je me demandais simplement ce que la serdaigle trouverait à répliquer. C’était complètement stupide, mais je me surprenais à songer comme ce serait amusant de la voir leur rabattre le caquet sans la moindre clémence. Pourtant c’était ma rivale directe, il aurait été plus naturel que je voulusse la voir rouler dans la boue. Ma bouche se crispa tandis que mes camarades attaquaient à nouveau.

« Allons Jeffers, lève toi et regarde nous en face, si tu ne te casses pas la gueule à force de vouloir paraître féminine.
- On sait très bien pourquoi tu t’es habillée comme ça. Ta cible est d’une évidence risible. 
- Mais sache que si tu attaques l’une des nôtres, tu nous attaques toutes. »

Cette fois-ci, je ne pouvais pas rester assise et assister à la scène sans réagir. Mon regard alarmé se posa sur Julia, et ce fut l’air entendu qu’elle acquiesça à mes pensées. Je me levai de ma chaise si brusquement qu’elle serait tombée dans un grand fracas si Julia ne l’avait pas rattrapée rapidement. Sans un dernier regard pour mes camarades de table, je me dirigeai à pas lents mais résolus vers les trois filles qui importunaient mon ennemie. Elles ne furent pas surprises de me voir arriver, mais s’écartèrent pour me laisser l’occasion de régler mes comptes moi-même. La surprise n’apparut sur leurs visages que lorsqu’elles me virent les foudroyer d’un regard implacable. Elles, et non Leslie.

« Arrête tes conneries, elle m’attaque moi, pas vous. Cessez de jouer vos grandes sœurs en vous sentant concernées. Mes problèmes je les règle seule, je pensais pourtant que vous le saviez! »

Elles me servirent un florilège de yeux ronds et de bouches recroquevillées. Je sentais leur embarras autant que je voyais leur fierté s’émietter sous mes yeux. Elles s’éloignèrent, assez honteuses, et je savais que j’aurais besoin de m’expliquer auprès d’elles plus tard, sans quoi je risquais de perdre un soutien tout de même considérable et bien pratique. Mais pour l’heure, mon attention se porta sur Leslie. Et j’eus la délicatesse de la mettre au parfum.

« T’excites pas mijaurée, je ne t’ai pas défendu là, et si tu dis le contraire j’te décalque la tronche. Je les ai simplement empêchées de chercher des noises à mon ennemie. Mais ne pense pas pour autant être chez toi ici. »

Je lançai la tête en arrière en mettant les mains sur mes hanches. L’air digne et fier, j’ajoutai sans détour:

« Tu n’es pas la bienvenue. »

Leslie n'eut pas vraiment le temps de se réjouir du succès de son entreprise. A peine s'était-elle assise et avait-elle ouvert son imposant pavé de droit magique sur la table, qu'elle pensait isolée et donc la maintenant à l'écart de toute provocation, que les ennuis lui tombaient sur le coin du nez. Mais contre toute attente, ce ne fut pas son habituelle persécutrice qui entra la première dans l'arène, mais trois rouge et or anonymes à qui elle n'avait jamais adressé le moindre mot d'aussi loin qu'elle s'en souvienne. Elle les considéra du coin de l'oeil à peine une demi seconde, gardant le nez plongé dans un extrait de la Charte internationale du Secret magique de 1692 qu'elle relut plusieurs fois tandis qu'elles continuaient d'approcher d'un pas décidé. Sa main se cramponna machinalement à la table lorsque le venin commença à se déverser sur elle. « Jeffers. Tu crois vraiment que tu vas t’en sortir si facilement? Tu n’es pas en territoire conquis ici, comme tu sembles le penser… » Leslie pinça les lèvres mais ne releva même pas la tête ni ne fit le moindre geste pour leur témoigner un quelconque intérêt. Elle prétendait lire dans ses pensées ? Ben tiens ! « Et ton titre de préfète en chef ne nous intimide pas une seule seconde ! » Mais... Quoi ? Les intimider ? Mais pardon ! Elle ne leur avait même pas adressé un regard ! Ça tournait pas rond dans leurs têtes ou quoi ? Leslie, nageant en pleine incompréhension car estimant qu'elle n'avait absolument rien à se reprocher, ne leur accorda pas le moindre crédit et tourna la page de son livre - alors que, pour être tout à fait honnête, elle n'avait pas réussi à terminer de la lire, perturbée par les attaques mesquines de ces pestes - comme pour leur signifier qu'elle n'en avait que faire de leurs délires. La première, pas décidée à lâcher l'affaire, surenchérit. « Affrontes nous au lieu de te cacher comme tu le fais. » Et en quel honneur aurait-elle dû les affronter ? Elle n'avait rien à prouver ! Ses dents grincèrent alors que la troisième s'en mêlait et que Leslie craquait. « Tu as beau être faible en ce moment, et tout le monde sait pourquoi espèce d’anorexique, nous ne te ferons aucun cadeau ! » L'énonciation de son anorexie, qu'elle se refusait à accepter, fut le mot de trop. Sans toutefois daigner relever les yeux vers elle, comme pour leur faire comprendre qu'elle avait mieux à faire que de s'occuper d'elle, elle leur renvoya au visage un mépris qu'elle regretterait plus tard. « Sans blague, parce qu'en plus de se croire tout permis, les filles de Gryffondor seraient extralucides ? On en apprend tous les jours... » Et sur un soupir, un ton dur succéda au sarcasme. « Je n'ai aucun compte à vous rendre. Fichez moi la paix. » Mais évidemment, leur donner la réplique ne mit pas fin au conflit, bien au contraire. Comment avait-elle pu penser qu'elles seraient assez intelligentes pour s'effacer ? High hopes... « Allons Jeffers, lève toi et regarde nous en face, si tu ne te casses pas la gueule à force de vouloir paraître féminine. » Cette fois ci, Leslie leva les yeux au ciel et se renfonça dans sa chaise. Elle avait mal accusé le coup et son exaspération était de plus en plus difficile à cacher. La méchanceté gratuite lui avait toujours fait horreur. Tout comme le fait d'attaquer en bande. Quoi de plus déloyal, lâche, et pathétique ? « On sait très bien pourquoi tu t’es habillée comme ça. Ta cible est d’une évidence risible. » Ah oui ? Vous m'en direz tant ! Puisqu'elles savait tellement de choses, avait-elle vu venir la claque qu'elle allait se prendre la pimbêche si elle continuait ? Parce qu'à force la petite blonde calme et douce, qui se devait de montrer l'exemple, il est vrai, bah elle allait tout de même finir par leur renvoyer l'ascenseur. « Mais sache que si tu attaques l’une des nôtres, tu nous attaques toutes. » Ah, ça y est, enfin elles soulevaient les vraies raisons des torpilles qu'elles lui balançaient depuis quelques minutes ! C'était l'escadron de Gemma, le "comité d'accueil", évidemment, elle ne pouvait qu'être derrière tout ça... D'ailleurs, pourquoi ne venait-elle pas en personne, hein ? Elle jouait les planquées ? Pff. Pauvre fille...
Le nez de Leslie se fronça alors que, sans plus attendre, la nouvelle brune daignait se pointer, affublée de ses grands airs. Les autres s'écartèrent pour lui offrir une place de choix dans l'arène. Pas décidée à céder face à elle, Leslie tourna enfin la tête vers les désormais quatre rouge et or qui l'avaient assaillie, le menton haut et le regard rempli d'une animosité flagrante. Les yeux dans les yeux, elles se toisèrent quelques secondes avant que celle-ci ne change soudainement de cible à la surprise générale. « Arrête tes conneries, elle m’attaque moi, pas vous. Cessez de jouer vos grandes sœurs en vous sentant concernées. Mes problèmes je les règle seule, je pensais pourtant que vous le saviez ! » On put clairement lire la surprise dans les yeux de la préfète, tout comme dans ceux des lionnes qui, honteuses, repartirent la queue entre les jambes. Bouche bée, Leslie leva sur Gemma un regard qui signifiait toute son incompréhension et sa méfiance, ainsi qu'une once de reconnaissance. Était-elle venue l'aider pour l'amadouer ? Pour l'intimer à baisser sa garde ? Pour lui faire croire qu'elle se souciait d'elle et lui faire une crasse encore pire derrière ? La préfète en chef n'en doutait pas une seconde. Mais Gemma crut tout de même bon de se justifier. « T’excites pas mijaurée, je ne t’ai pas défendu là, et si tu dis le contraire j’te décalque la tronche. Je les ai simplement empêchées de chercher des noises à mon ennemie. Mais ne pense pas pour autant être chez toi ici. » Aaah, ça, déjà, ça ressemblait plus à la Gemma qu'elle connaissait. Toute surprise s'échappa de ses iris bleus alors que les choses reprenaient leur place : Gemma redevenait la baveuse agressive qu'elle avait toujours été et son regard posé sur elle se voilait à nouveau de haine et de dédain. Tel était et tel devait rester. Gemma n'était pas la bienvenue dans le compartiment dédié aux personnes pour qui elle avait de la considération de son cerveau, tout comme elle n'était pas la bienvenue chez les Gryffys, ce que Gemma crut pertinent de lui rappeler. « Tu n’es pas la bienvenue. » Sans déconner, elle avait pas-du-tout remarqué, nooon... « Tu as raison, je jure avec le décor ici... Je ne m'accorde pas aussi bien au tapis que toi avec le mobilier de la salle de retenue. » Sarcasme quand tu nous tiens. Et son copain le sourire hypocrite n'était pas bien loin ! « Et puis, toi, défendre autre chose que tes petites fesses ? Allons, tu es bien trop nombriliste pour que l'idée ne m'aie ne serait-ce qu'effleurée l'esprit... » Sourire hypocrite qui se changea en un rictus narquois, avant de se teinter d'animosité. Puisqu'elle avait pris la peine de se déplacer et d'écarter les indésirables, autant mettre les points sur le i maintenant pour que leur future cohabitation se déroule en toute clairvoyance. D'un regard circulaire profondément noir, Leslie parcourut des yeux les badauds alentours qui avaient tendu l'oreille tout le long et, démasqués, ils retournèrent vaquer à leurs occupations. Sur ce, elle replongea son regard, dur, dans celui de sa rivale, les sourcils hauts. « Tu crois vraiment que je suis dupe au point de ne pas voir clair dans ton jeu ? Tu envoies balader tes amies sous mes yeux, et tu penses que je vais trouver ça normal ? La poudre aux yeux ne prend pas sur moi, Gemma. » D'un geste sec, Leslie referma son livre sur la table. Gemma avait à présent toute son attention. C'était bien ce qu'elle souhaitait, non, avoir le monopole ? Mais Leslie ne pensait pas que cette raison pouvait suffire à justifier ses actes. Le fait qu'elle soit assez égocentrique pour ne pas supporter de voir quelqu'un d'autre qu'elle mettre à mal son ennemie jurée ne lui semblait pas assez crédible. Car oui, la paranoïa de Leslie était toujours présente, et même décuplée dans ce lieu profondément hostile, elle était donc intimement persuadée que son comportement cachait quelque chose. Et quelque chose de mauvais à n'en pas douter ! « Ne me prends pas pour une idiote. Il y a forcément des dessous malintentionnés à ce revirement, je le sais, tu le sais, très bien. Inutile de faire semblant d'être de mon côté. La comédie a assez duré. » Voilà qui avait le mérite d'être clair. C'était peut être un peu à côté de la plaque, mais au moins, l'autre savait à quoi s'en tenir, et surtout que jamais Leslie ne lui ferait confiance. Ni n'aurait besoin d'elle. Ni ne la considèrerait positivement. Et puis quoi encore ?! « Moi, je suis grande. Mes problèmes je les réglais déjà seule que tu ne savais pas encore marcher. Crée m'en autant que tu veux, je ne flancherais pas. » Et sur ces paroles déterminées, animées par la colère plus que par une réelle force de caractère, Leslie laissa trainer son regard translucide sur la silhouette de celle dont elle se désintéressait déjà.

Je ne pouvais pas être plus claire, ni me défendre mieux. Mon intention n’était en rien d’intercéder en faveur de Leslie, même si, d‘un point de vue extérieur, les choses devaient ressembler à ça. Quelle idée aussi de voler à sa rescousse! N’importe quelle ennemie un tant soit peu équilibrée l’aurait laissée se dépatouiller, voire même se serait amusée de la situation. Mais pour une raison qui m’échappait encore et que j’assimilais à une grandeur d’âme sans précédent, la situation m’avait interpellé. J’avais presque eu la boule au ventre en voyant Leslie se faire attaquer de façon aussi lâche. C’était peut-être de la jalousie, au fond, de voir d’autres filles me chiper le rôle qui me revenait de droit. Ou alors c’était de la déception, de constater comme des gryffondors, sensées être intègres et courageuses, se mettaient à plusieurs pour s’acharner contre une pauvre bougre qui ne leur avait rien demandé. Étais-je donc capable d’une telle empathie, même pour ma pire ennemie? Secouant vigoureusement la tête pour en chasser toute idée saugrenue, je fus bientôt totalement remise sur pieds par les propos de Leslie-la-pétasse 1ère du nom.

« Tu as raison, je jure avec le décor ici... Je ne m'accorde pas aussi bien au tapis que toi avec le mobilier de la salle de retenue. Et puis, toi, défendre autre chose que tes petites fesses ? Allons, tu es bien trop nombriliste pour que l'idée ne m'aie ne serait-ce qu'effleurée l'esprit... »

Mon sang ne fit qu’un tour et je dus serrer les poings pour me retenir de frapper là où ça faisait mal: en pleine figure! Elle n’avait décidément pas perdu sa suffisance ni même sa répartie cinglante. Quelque part en moi, un sourire rassuré menaça de surgir lorsqu’une petite lumière s‘alluma. Elle n’avait vraiment pas perdu de sa superbe. Pourtant j’étais mieux placée que quiconque pour savoir l’état dans lequel elle était encore quelques jours plus tôt. Rien ne semblait capable de la démolir, même pas des montagnes de gravats. Tant mieux. Elle n’en était qu’une ennemie plus digne de moi et la victoire serait encore plus jouissive.

« Tu crois vraiment que je suis dupe au point de ne pas voir clair dans ton jeu ? Tu envoies balader tes amies sous mes yeux, et tu penses que je vais trouver ça normal ? La poudre aux yeux ne prend pas sur moi, Gemma. »

Je haussai un sourcil dans le même temps où Leslie referma son livre d’un coup sec. La suspicion qui émanait de mon ennemie me poussait à me placer sur la défensive. J’étais chez moi ici, je n’avais en théorie rien à craindre. Je ne voyais pas non plus l’intérêt d’être directement agressive, je n’en avais pas besoin en ces lieux, entourée des miens. En revanche je comprenais la position dans laquelle se plaçait Leslie, et j’attendais de voir ce qu’elle allait bien trouver à me cracher au visage.

« Ne me prends pas pour une idiote. Il y a forcément des dessous malintentionnés à ce revirement, je le sais, tu le sais, très bien. Inutile de faire semblant d'être de mon côté. La comédie a assez duré. »

Un sourire amusé se peignit sur mes lèvres. La paranoïa de Leslie et la configuration des lieux me donnait un avantage conséquent. C’était grisant, et je ne pouvais me retenir d’exulter, tandis que je voyais Leslie s’enliser pas après pas. Qu’elle s’enfonce encore un peu, et je n’aurais plus qu’à la pousser pour m’assurer la victoire par K.O.

« Moi, je suis grande. Mes problèmes je les réglais déjà seule que tu ne savais pas encore marcher. Crée m'en autant que tu veux, je ne flancherais pas. »

Quel intéressant baroude d’honneur. Malheureusement inutile. Elle se sentait en danger, il n’y avait aucune autre explication pour qu’elle se montre aussi crétine. Je ricanai d’ailleurs ouvertement dès qu’elle eut terminé sa phrase. Le ridicule ne tuait pas, mais il allait décidément très bien au teint de mon ennemie et elle l’emporterait certainement dans la tombe.

« Allons, Leslie, pourquoi tant de soupçons? Je ne peux pas simplement vouloir t’aider, par bonté d’âme? »

J’en rajoutais, histoire de la faire mariner un peu. Quand elle comprendrait avec quelle facilité elle m’avait elle-même permis de me jouer d’elle, il serait déjà trop tard. Cela étira mon sourire, et ma moue angélique se fit très cynique. Mais c’était presque trop facile. J’appréciais n’importe quelle type de victoire, honnête ou pas, mais j’aurais bien du mal à me féliciter d’une telle victoire cette fois ci. Pourtant, il y a quelques semaines à peine, j’aurais sauté sur la moindre occasion de faire mordre la poussière à la macchabée. C’aurait été une véritable joie de faire craquer chacun de ses os -qui représentaient tout ce qui lui restait- pour la simple consécration de ma supériorité. Mais alors qu’elle était à ma merci, qu’elle s’enfonçait dans la paranoïa en m’offrant quasiment la victoire, je n’arrivais pas à lui asséner le coup de grâce. Merlin, que m’arrivait-il? Mes traits s’affaissèrent et mon visage passa bientôt de l’illumination à la désolation. Pesamment, je me laissai tomber sur la chaise en face de Leslie. Posant les coudes sur la table, je fis peser mon menton sur mes mains croisées, l’air profondément las.

« Tu n’es vraiment pas drôle comme fille. J’arrive à avoir pitié pour toi, t'imagines? »

Mes paroles accusaient le choc que je subissais. Je n’avais même plus envie de me battre! L’âme en peine, je m’affalais sur la table en prenant soin de tourner la tête vers le mur, et non vers le reste de la salle. Leurs regards, leurs jugements ne m’importaient pas vraiment. Je voulais simplement les ignorer, et je n’avais pas trouvé mieux pour ça que de ne pas les avoir dans mon champ de vision.

« Les victoires faciles ne m’intéressent plus » bougonnais-je dans ma manche. Je ne cherchais pas pour autant à lever le drapeau blanc, non, quelle horreur! Je trouvais simplement inutile de me chamailler avec elle pour le moment, alors que l’issue de la bataille était aussi évidente. « Je te laisses faire ta serdaigle, faire tes devoirs, des recherches, y mettre de la bonne volonté et tout, et de ton côté tu m’épargnes ta vilaine rengaine sceptique et franchement lassante à la longue. » Redressant un peu la tête pour la regarder, j’ajoutai avec une moue horrifiée «  Par pitié! »

Éloigner une meute de lionnes charognardes : check. Tenir tête à la lionne dominante : check. Consoler la lionne déçue : ... Non mais c'est quoi ce bordel ?!

« Allons, Leslie, pourquoi tant de soupçons? Je ne peux pas simplement vouloir t’aider, par bonté d’âme? » Leslie laissa un rire sarcastique répondre à ses minauderies. Inutile de gaspiller de l'énergie à chercher une réplique convenable pour répondre à un tel cinéma. De l'index, elle remonta ses lunettes qui avait glissé sur l'arrête de son nez sans plus la regarder. Elle s'était détournée d'elle avec l'intention de rouvrir son livre lors de ce qu'elle avait cru être la fin de leur mise au point, mais Gemma avait visiblement décidé de continuer à jouer les sainte-n'y-touche insupportables. Toujours est-il que Leslie ne lui ferait plus le plaisir de répliquer, bien qu'elle ne put réprimer un soupir exaspéré. Elle n'avait qu'à parler dans le vide si ça lui chantait ! Mais au lieu d'aller voir ailleurs si elle y était, Gemma s'affaissa sur la chaise à côté d'elle et soupira profondément en calant sa tête dans ses paumes, l'air profondément dépité. « Tu n’es vraiment pas drôle comme fille. J’arrive à avoir pitié pour toi, t'imagines? » Voilà que mademoiselle se lançait dans une imitation de ce ridicule petit canard moldu avec une coquille sur là tête, là, voyez ? La preuve que celle qui faisait surtout pitié, c'était elle, alors qu'elle la ramène pas trop ! La main de la préfète, plaquée sur la couverture de son livre de chevet, s'était recroquevillée, son poing s'étant serré en réponse à la provocation. Si ses ongles n'avaient pas été rongés, elle se les serait plantés dans la paume. Bien qu'elle avait décidé d'être inébranlable et de ne plus lui répondre, elle se retourna tout de même vivement vers elle pour la gratifier d'un regard plus noir que l'Enfer. Une seconde, elle souhaita que la scène soit transposée dans un western pour qu'il soit légal de lui exploser la tête en toute impunité - et avec une prime à la clé, c'est bien ce qu'on obtient quand on se débarrasse des pourris, non ..? Gemma s'affala sur la table et Leslie se fit la remarque en son for, pensive, que si elle se décalait légèrement, elle avait l'angle parfait pour lui briser la nuque... « Les victoires faciles ne m’intéressent plus. » Leslie haussa un sourcil sous le ton bougon de sa rivale. Jusque là, elle avait cru qu'elle se moquait foutrement d'elle avec son pathos de niaiseuse, mais à présent, elle avait l'impression étrange que la scène sonnait... Juste. Vraie. Comme si Gemma rendait les armes. ... Pff, n'importe quoi. Et son père c'était Merlin l'enchanteur, aussi, non ? ... Sceptique, Leslie dévisagea la Langley, toujours aussi maussade, scotchée. Un truc clochait sérieusement. Gemma n'était pas "normale" - oui bon elle l'avait toujours su, mais là c'était pire ! Contre toute attente, elle faillit esquisser un geste de réconfort - passer une main dans son dos - qu'elle réprima avec une grimace dégoûtée tandis que sa rivale reprenait le mélo. « Je te laisse faire ta serdaigle, faire tes devoirs, des recherches, y mettre de la bonne volonté et tout, et de ton côté tu m’épargnes ta vilaine rengaine sceptique et franchement lassante à la longue. » Aaah, d'accord, parce que si elle voulait avoir un semblant de tranquillité de temps à autres, fallait qu'elle signe aussi un contrat pour ça ? La lèvre de Leslie s'agita, secouée par un rictus antipathique, alors que Gemma relevait ses grands yeux vers elle, l'air presque suppliant. « Par pitié! » L'œil vif et pas le moins du monde compatissant, Leslie ne se fit par prier pour lui offrir à son tour son "aide" - version tout aussi discutable et factice que celle qu'elle lui avait offerte au début de leur échange. « Tu veux que j'abrège tes souffrances ? Si un grand coup de pavé de droit derrière la tête te tente, on peut s'arranger... » Un fin sourire cynique aux lèvres, elle tapota du bout des doigts sur le dit bouquin bien lourd en s'imaginant distraitement lui asséner violemment dans la tronche. Gemma avait décidément le chic pour réveiller le pire en elle... « Je n'ai pas l'intention d'à nouveau monnayer quoi que ce soit avec toi, même si tu me fais également pitié. » Son ton s'était fait dur alors qu'elle reprenait son sérieux, évoquant leur récent pacte dans la conciergerie qui lui avait laissé assez de séquelles et de regrets pour qu'elle rebelote une erreur de ce genre. « Ma tranquillité, tu vas me l'accorder parce que c'est ce que font les gens civilisés lorsqu'ils reçoivent des invités dans leur dortoir, pas sous conditions. Et si j'ai envie de te servir ma rengaine qui t'horripile tant, je ne me gênerais pas, parce que d'un, avec ta mémoire de poisson rouge, c'est le B.A.BA... Et de deux, maintenant que je sais à quel point c'est une torture pour toi, je ne vais pas me priver, attends ! Je commençais à manquer d'idées pour te pourrir la vie, ça en fait une de moins à trouver ! » Elle souligna le tout d'un sourire à mi mesquin, mi enjoué. Alors, elle était pas drôle, la Jeffers, hein ? Bon, peut être pas assez pour Gemma, vu que mademoiselle semblait difficile et ne pas trouver sa répartie à son goût... Mais en tous cas, Leslie était assez fière de son coup, et elle, intérieurement, ça la faisait rire. Et si l'autre elle n'était pas contente, autant qu'elle lui dicte ce qu'elle attendait qu'elle dise, après tout ! ... Comment ça, c'aurait été encore moins drôle ..? Ah bah oui, c'est vrai, dans ce cas, c'aurait été un monologue ! « Je suis déçue. T'aurait pu faire semblant de rigoler, j'ai fait un super effort humoristique là. En fait, c'est toi qu'est pas drôle... » Et elle secoua la tête, croisant ses bras sur sa poitrine et s'avachissant légèrement sur sa chaise, jouant la fausse dépitée - imitation grossière de la brunette. Un / Zéro, balle au centre !

Il fallait admettre que d’un point de vue parfaitement extérieur, je donnais l’impression de me rendre. Ce n’était pourtant absolument pas le cas. Mais, au mieux, il m’était ainsi possible d’endormir la vigilance de Leslie. Même si mon objectif premier restait le respect d’un combat à armes égales. Or, en l’occurrence, le combat était tout sauf égal. J’écrasais Leslie sous ma suprématie, et il n’y avait aucune gloire à ça. Mieux valait encore passer pour une dégonflée que d’être surprise à remporter une victoire en dehors de tout mérite, car cela ne me rendrait vraiment pas service. J’avais beau détester Leslie et la considérer comme la plus grande emmerdeuse que le monde ait jamais porté, cela ne m’empêchait pas de garder une certaine classe. Je n’étais pas à Gryffondor par hasard. Alors que cette pétasse de miss je-sais-tout-préfète-en-chef ne perdait pas une seule occasion de me planter des couteaux dans le dos. Pas étonnant, à comparer nos modus operandi, que Raven ait fini par la délaisser pour me désirer moi.

« Tu veux que j'abrège tes souffrances ? Si un grand coup de pavé de droit derrière la tête te tente, on peut s'arranger... »

Je relevai légèrement le menton et grimaçai pour lui prouver à quel point je trouvais sa proposition hilarante. Le sourire qui flottait sur ses lèvres me crispa légèrement. Je dus alors me contenir de toute la force de ma volonté, en me répétant des paroles sages et calmes, pour ne pas répliquer. Il fallait que je la laisse faire la maligne, c’était ça ou mon poing dans la tronche, ce qui provoquerait à coup sûr un attroupement qui ferait tout sauf jouer dans mon intérêt pacifiste.

« Je n'ai pas l'intention d'à nouveau monnayer quoi que ce soit avec toi, même si tu me fais également pitié. »

Le visage de Leslie était désormais des plus sérieux, à tel point que je ne pus m’empêcher de froncer les sourcil et de me redresser normalement sur ma chaise. Son allusion était claire. Le petit pacte que nous avions fais lui avait suffit, il n’était pas question, à son sens, d’en contracter un nouveau. J’étais plutôt d’accord sur le principe, j’avais d’ors et déjà beaucoup trop de liens obligationels avec Leslie, et ça me hérissait le poil. Nous avions un marché, et je l’avais extirpé des décombres lorsque la tour avait explosé, c’était beaucoup trop, même pour moi, et surtout lorsque cela concernait Leslie. Mais j’avais eu l’impression, sur le moment, que c’était ce que je devais faire. A aucun moment ma bonté d’âme n’avait joué, pour être honnête, je m’étais simplement sentie obligée. Et ça me dérangeait assez d’y penser, je n’avais pas l’intention de mettre quiconque dans la confidence et encore moins de le balancer sur le tapis ici et maintenant. Même si Leslie me sortait par les yeux, même si elle se montrait imbuvable, je resterais droite et stoïque, et je n’en viendrais sous aucun prétexte à brandir mon sauvetage comme moyen de lui rabattre le caquet. C’était une parade que je ne pouvais pas me permettre.

« Ma tranquillité, tu vas me l'accorder parce que c'est ce que font les gens civilisés lorsqu'ils reçoivent des invités dans leur dortoir, pas sous conditions. Et si j'ai envie de te servir ma rengaine qui t'horripile tant, je ne me gênerais pas, parce que d'un, avec ta mémoire de poisson rouge, c'est le B.A.BA... Et de deux, maintenant que je sais à quel point c'est une torture pour toi, je ne vais pas me priver, attends ! Je commençais à manquer d'idées pour te pourrir la vie, ça en fait une de moins à trouver ! »

Son sourire finit de planter le couteau dans la plaie. Quelle mégère! De un, ce n’était pas moi qui l’avais invité, que je sache! Et de deux, je n’avais pas une mémoire de poisson rouge, elle était simplement sélective. Était-ce de ma faute si je ne retenais pas tout le prêchi-prêcha de cette miss-je-sais-tout? Bon, oui, un peu. Mais elle n’avait qu’à pas radoter sans arrêt! Me rabâcher la même rengaine à longueur de temps ne servait strictement à rien. Même avec ma mémoire ultra sélective, j’avais fini par imprimer l’idée: elle ne me faisait pas confiance, toutes mes paroles étaient des insultes, et je ne pouvais pas faire d’acte de bonté sans arrière pensée mesquine. C’était clair, aussi limpide que possible. Alors, elle pouvait maintenant me prouver qu’elle n’était pas à Serdaigle par hasard et faire preuve d’intelligence en me lâchant avec ça.

« Je suis déçue. T'aurait pu faire semblant de rigoler, j'ai fait un super effort humoristique là. En fait, c'est toi qu'est pas drôle... »

Là-dessus, elle fit une tentative d’imitation que j’aurais été en droit de condamner sévèrement. Mais je savais bien que ce n’était pas le comportement à avoir. A vrai dire, je trouvais l’ironie de la situation plutôt bien sentie, et je devais reconnaître ça à Leslie. Alors, contre toute attente, un sourire excessivement fin mais amusé germa sur mes lèvres.

« Très drôle. »

Eh oui, il fallait donner le change. Je penchai légèrement la tête, observant Leslie avec une circonspection que je n’affichais pas souvent. En général, je ne prêtais pas une attention aussi méthodique aux gens qui m’entouraient. Leslie avait-elle finalement réussi à capter mon intérêt? Après les piques, la haine, et la jalousie, notre « relation » -même si je peinais à qualifier ce qui nous unissait ainsi, subissait-elle une évolution non désirée? Je l’avais sauvée après tout, ce devait être inévitable. Ou pas. Je préférais détester Leslie et la mettre hors d’elle, sans cesse redoubler d’ingéniosité pour l’énerver, c’était tellement plus simple.
Tandis que je réfléchissais tout en la regardant, une expression floue s’était peinte sur mon visage. Ce n’était pourtant pas le moment de laisser cette pétasse être spectatrice du moindre trouble de ma part!
Alors, posant les paumes à plat sur la table, un air féroce se dessina sur mes traits. Mes yeux se plantèrent dans les iris de la préfète en chef, et un sourire carnassier prit possession de mes lèvres.

« Rigoles, ma petite idiote, tant que tu le peux encore. Et fais ta maligne, vas-y, régales toi. Car un jour viendra, où tu ne pourras plus rien faire de tout ça. Un mot de ma part et tu seras réduite au silence, partagée entre des sentiments contradictoires qui t‘empêcheront de lever le petit doigt contre moi, alors même que je détruirais tout ce que tu t‘es donné un mal fou à construire. »

Des menaces en l’air, bien évidemment. Car ça reviendrait à avouer à Leslie que je l’avais sauvé, or je m’étais interdit de le faire. Mais Leslie l’ignorait, et il suffisait simplement qu’elle pense que j’avais quelque chose pour la faire tomber. En un sens, c’était effectivement le cas. Mon regard brillait, à tel point que n’importe qui m’aurait pris pour une folle furieuse en cet instant. D’autant que j’avais baissé la voix, donnant au tout une force effroyable. Et c’était vers Leslie que c’était dirigée. Je l’imaginais déjà me rire au nez, mais au fond, elle saurait qu’à nouveau, j’avais une longueur d’avance sur elle. Avec un peu de chance, et une bonne mise en scène, ça finirait par la ronger de l’intérieur, et elle ne serait dès lors plus un obstacle sur ma route.

Je repris subitement, sans crier gare, une expression plus calme et presque enjouée. Je croisai les mains sur la table et affichai à l’intention de mon ennemie un sourire enthousiasmé.

« Que dirais-tu, finalement, de lâcher tes bouquins, et que je te fasses faire le tour du propriétaire? Ce serait dommage que tu te perdes, ou que tu ne saches pas où aller, je m‘en voudrais. »

« Très drôle. » Et ben alors, elle boudait maintenant, la petite Gemma ? Roooh, n'était-ce pourtant pas ce qu'elle avait demandé, moins de rengaine et un peu plus de blaguounettes ? Allez, quoi, elle n'allait tout de même pas encore se plaindre ou décréter que finalement, elle préférait le scepticisme outrancier de la préfète ? Fallait savoir, hein, et également qu'elle pense à arrêter de jouer les girouettes, la rouge et or... Parce qu'à ce rythme, c'était peine perdue de réussir à lui plaire ! Non pas que le but de Leslie soit de lui faire plaisir, c'était même plutôt le strict opposé. Mais au fond, la guerre était gagnée bien trop facilement si Gemma rendait tout de suite les armes avant même qu'elles aient engagé le duel. Cela ne lui ressemblait vraiment pas. Mais si elle lâchait l'affaire, qu'elle le dise clairement ! C'est pourquoi Leslie avait œuvré finement pour la pousser à bout, s'amusant même plutôt bien à retourner chacune de ses paroles contre elle en lui prouvant qu'elle ne faisait que suivre ses directives et qu'elle n'avait qu'à s'en prendre à elle-même si cela ne lui plaisait pas. C'était bien plus marrant que de la torpiller à vue. C'était fin, agaçant, des petites piques en enfilade lancées de tous cotés. Bien plus efficace qu'un boulet de canon lancé de front qui aurait facilement pu être paré ! Oui, un boulet de canon, c'était bien trop facile et risible. Exactement comme allait le prouver celui que Gemma, qui avait visiblement perdu la main, décida de lui asséner. « Rigoles, ma petite idiote, tant que tu le peux encore. Et fais ta maligne, vas-y, régales toi. Car un jour viendra, où tu ne pourras plus rien faire de tout ça.. » Appuyant son pied par terre, Leslie recula sa chaise pour s'écarter de Gemma avec un air choqué. Elle avait qu'à lui postillonner dessus, aussi ! Mais même reculée, son venin l'atteignait tout de même. « Un mot de ma part et tu seras réduite au silence, partagée entre des sentiments contradictoires qui t‘empêcheront de lever le petit doigt contre moi, alors même que je détruirais tout ce que tu t‘es donné un mal fou à construire. » Leslie, une expression sur le visage située quelque part entre de la surprise et de la déception, regarda longuement son adversaire qui affichait un air féroce pourtant loin de lui faire peur. Elle l'avait habituée à tellement mieux que ça ! Des menaces plates, sans surprises, vues et revues, ça ne lui ressemblait pas. Tellement pas ! Et puis, elle n'arrêtait pas de se contredire, encore et encore. Ne venait-elle pas de souligner qu'elle en avait marre qu'elles campent perpétuellement sur les mêmes positions ? Ou peut être ne voyait-elle ce défaut agaçant que chez la préfète ? Pourtant, pour Leslie, l'effet était le même : c'était profondément affligeant que de l'écouter jouer les perroquets. Alors, arrête les frais, Gemma, tu fais fausse route. Prends ta boussole, retrouve le cap, et revient dans la bataille, chérie, ça va plus là. T'es plus toi même. T'es plus cette ennemie qui a du chien et qui file froid dans le dos. Ta tactique, c'est du réchauffé ! Alors que Leslie soupirait, longuement, blasée par cet échange creux, Gemma reprit subitement sur un tout autre ton, et, cette fois, elle réussit réellement à déstabiliser Leslie qui releva, perplexe, les yeux vers elle. La main qui était en train de se faufiler dans ses cheveux se stoppa net dans son mouvement. « Que dirais-tu, finalement, de lâcher tes bouquins, et que je te fasses faire le tour du propriétaire? Ce serait dommage que tu te perdes, ou que tu ne saches pas où aller, je m‘en voudrais. » Leslie hésitait entre rire et attaquer. Ce retournement de situation était complètement surréaliste ! Son hésitation ne dura pas longtemps. Après avoir lâché un rire jaune, elle posa deux prunelles sarcastiques sur son ennemie jurée. « Non mais t'es sérieuse, là ? Après ta jolie démonstration digne d'une schizophrène, tu comprendras que j'ai quelques réticences à envisager sérieusement ton offre. » Les sourcils relevés, affichant un profond scepticisme, Leslie détailla le visage de Gemma avec soin. Et le plus fou fut qu'elle ne découvrit aucun signe d'une quelconque mesquinerie. Alors elle était vraiment sérieuse ? Ne se laissant pourtant pas démonter, Leslie croisa ses bras sur sa poitrine avant d'étayer les raisons de son refus, ouvrant la danse avec une métaphore. « Tu me gifles puis tu me tends la main, et tu crois que je vais la prendre ? Franchement ? Surtout que question rengaine, tu te plains de la mienne, mais tes menaces de réduire ma vie à néant sont également lassantes, change de refrain ! Je te rappelle qu'on a déjà négocié ton "silence". » Et sur le mot silence, elle mima les guillemets avec ses doigts pour appuyer ses dires, ce qui eut aussi l'effet pas spécialement escompté de décupler le dédain qui couvait sous son air exaspéré. « T'as vraiment la mémoire qui flanche ma pauvre Gemma. Et avec en plus des penchants bipolaires, je serais toi, je me hâterais pour aller consulter. Conseil d'amie... » Non mais elle s'attendait à quoi, sans déconner ? A un oui franc et un gros câlin en remerciement ? Mais bien sûr ! Et même qu'après, elles allaient courir dans le parc de Poudlard main dans la main, cheveux aux quatre vents, à travers vol de papillons multicolores tandis que le soleil se coucherait sur la plaine... Ouh ouh, redescends sur Terre, Gemma, les super copines, c'est la porte à côté, t'as frappé au mauvais endroit, cocotte ! Alors qu'elle secouait la tête, encore hébétée par la proposition de la brunette, Leslie finit par rassembler ses esprits. Très sérieuse, elle reporta son regard sur celle-ci, une doute s'étant insinué dans son crâne. ... Son air enthousiasmé, là, il avait quand même paru plutôt sincère. ... Et puis, elle était dans un dortoir complètement inconnu avec la moitié des gens présents la détestant cordialement. ... Et Gemma lui avait tendu une perche pour enterrer la hache de guerre, ou plutôt, bien la planquer derrière son dos pour quelques instants. ... Et s'ils les voyaient ensemble, presque comme "réconciliés", même si ce n'était que du cinéma, les autres l'oublieraient peut être. ... Bon sang, elle aurait dû accepter ! Même si les dessous de cette proposition était sombre, elle pouvait l'utiliser à son avantage, elle aussi ! Il fallait qu'elle saisisse sa chance tant qu'il était encore temps ! « Alors c'était une vraie proposition, et non pas une blague ? Sans rire ? ... Pardon de douter de toi, encore, je sais, c'est rengaine ouais, mais avoue que c'est aussi plutôt légitime... D'accord. J'accepte que tu joues les guides pour moi. Oui, ce serait effectivement gentil, merci. » Elle avait réussi à se rattraper in extremis et espérait que sa réaction primaire pas très chaleureuse n'avait pas trop refroidi sa rivale. Pour détendre l'atmosphère, elle crut bon de relancer une pique pour remettre les choses à leur place. « Par contre, je préfère emporter mon livre. Non pas que je craigne qu'on me le vole, mais je préfère l'avoir en mains pour t'assommer s'il te vient l'envie de m'entraîner dans un de tes coups fourrés. » Et son livre sous le bras, elle se leva à la suite de sa guide de fortune, la tête haute et le dos droit, à nouveau perchée sur ses talons de quatre centimètres qui allongeait joliment sa silhouette.

Gemma et Leslie, visitant les quartiers des Gryffondor ensemble, qui l'eut crû ? C'était une première, et à tout moment, Leslie s'attendait à ce que quelque chose ne vienne entacher ce tableau étrangement... Sympathique. C'était décidément trop bizarre de se conduire "normalement", et presque "gentiment", avec celle à qui on avait toujours pourri la vie et qui nous le rendait bien ! Mais pourtant, c'était en train de se produire. Et malgré toute l'étrangeté de la chose, cela semblait fonctionner. Leslie laissa le soin à Gemma de lui emboîter le pas et la suivit, alors qu'elle traversait la salle commune. Pas très à l'aise, elle essayait de la suivre tout en restant à distance raisonnable et de ne pas se formaliser des regards braqués sur elles. Ce fut plus difficile lorsqu'elles durent passer sous le nez des trois pimbêches précédemment évincées qui s'arrêtèrent de parler, alignées - comme la brochette de pintades qu'elles étaient - derrière un canapé occupés par d'autres de leurs comparses qui les regardèrent elles aussi passer. Leslie n'avait pu empêcher ses entrailles de se nouer lorsque ses yeux étaient tombés dans ceux, mauvais, de celles-ci qui la dévisageaient. Trop occupée à éviter leurs regards et à garder le menton haut et une stature digne, Leslie ne vit donc pas le pied que l'une d'entre elles immisça sur sa route. Elle n'envisagea même pas cette éventualité. C'est pourquoi lorsqu'elle s'y entrava, elle n'eut pas la présence d'esprit de se rattraper à quoi que ce soit et chuta lourdement, son livre valdinguant à une dizaine de mètres d'elle. Lorsque son flanc toucha le sol, elle sentit un douleur sourde se réveiller qui lui coupa net la respiration. Si vive que ses oreilles se mirent à bourdonner. Ses côtes, blessées dans l'effondrement de la Tour Nord, avaient gardé un souvenir cuisant des gravas. Si rires il y eut, rires elle n'entendit pas. Elle plaqua simplement une main contre son ventre, pliée en deux, pas seulement de douleur mais surtout mortifiée par la honte.

Des menaces en l’air, encore? Avais-je fais très exactement ce que j’avais demandé à Leslie d’arrêter? Sans l’ombre d’un doute. Bien sûr, je ne voyais pas les choses du même œil. Autant les paroles de Leslie n’étaient qu’une rengaine perpétuelle et lassante, autant ma mise en garde était tout ce qu’il y avait de plus indiqué et sensé. Le problème, quand on a 15 ans, et encore plus lorsqu’on s’appelle Gemma Langley, c’est qu’on a tendance à suivre le précepte: fais ce que je dis mais pas ce que je fais. Et que Leslie puisse trouver ça affligeant me passait à des kilomètres au dessus du crâne. De mon côté, j’étais plutôt ravie de l’effet que j’imaginais avoir fais sur elle, même si je marchais sur une pente savonneuse.

D’où mon revirement de comportement. J’affichais un air des plus joviaux, comme si je parlais à une amie et non à ma pire ennemie. Je ne pensais pas à ce dernier état de fait en faisant ma proposition, car ça aurait cruellement manqué de crédibilité. J’étais sincère, même si cela ne revenait pas à planter la hache de guerre. Je décidai seulement de la mettre dans un coin, le temps où Leslie serait ici, dans une situation d’infériorité. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me saute dans les bras, et me jure son amitié, non, c’aurait été flippant et carrément vomitif. Mais je ne pensais pas non plus qu’elle adopterait cette attitude.

« Non mais t'es sérieuse, là ? Après ta jolie démonstration digne d'une schizophrène, tu comprendras que j'ai quelques réticences à envisager sérieusement ton offre. »

Elle était sceptique, et j’aurais du pouvoir le comprendre. Mais innocemment, je pensais qu’elle ne réfléchirait pas à ça et qu’elle accepterait simplement mon offre. Après tout, elle ne risquait rien, et il faudrait qu’elle finisse par comprendre que je n’étais pas du genre à lui planter la hache que j’avais mis de côté dans le dos, sur un simple coup de tête. Elle était sur mon territoire ici, et si j’avais voulu lui en faire baver, ce serait fais depuis longtemps et bien à la vue de tous, pas à l’occasion d’une visite des quartiers de Gryffondor.

« Tu me gifles puis tu me tends la main, et tu crois que je vais la prendre ? Franchement ? Surtout que question rengaine, tu te plains de la mienne, mais tes menaces de réduire ma vie à néant sont également lassantes, change de refrain ! Je te rappelle qu'on a déjà négocié ton "silence". »

Elle n’avait pas tort, mais une fois encore, je ne comprenais pas son entêtement. Mon sourire s’affaissa à mesure qu’elle parlait, et une moue revêche s’installa même sur mes traits lorsqu’elle termina sur notre négociation. Elle ne savait pas, bien sûr, que la menace dont je m’étais targuée était d’un autre ordre, et que nous n’avions pas négocié le moindre silence de ma part sur celle-ci, mais je me gardai bien de lui rabattre le caquet. Mon silence lui était de toute façon acquis, car je ne m’imaginais pas en parler à quiconque, même pas à Julia.

« T'as vraiment la mémoire qui flanche ma pauvre Gemma. Et avec en plus des penchants bipolaires, je serais toi, je me hâterais pour aller consulter. Conseil d'amie... »

Ben voyons! Là, ça devenait ridicule, et elle commençait à m’ennuyer. En parlant d’amie, justement, si elle en avait été une, ces paroles auraient pu me toucher, mais en l’occurrence je n’en avais strictement rien à faire. J’avais compris qu’elle refusait de donner suite à ma proposition, pas la peine d’en rajouter des tonnes. C’était à croire qu’elle prenait vraiment un plaisir hors norme à me critiquer et me rabrouer, sans s’inquiéter même de savoir si cela faisait mouche ou non. C’était un peu comme brasser du vent, Leslie se révélait très douée à ce petit jeu inutile.

Et alors que je songeais à m’en aller le plus simplement du monde, la conversation ne menant manifestement nulle part, Leslie reporta sur moi un regard des plus sérieux. Je haussai un sourcil, et ce fut à mon tour d’être sceptique. Qu’allait-elle encore ajouter? Surement une de ses piques sévères visant à clore définitivement la conversation, et à s’emparer de toute la gloire et de tout le mérite, alors même qu’elle était désormais seule à lutter.

« Alors c'était une vraie proposition, et non pas une blague ? Sans rire ? ... Pardon de douter de toi, encore, je sais, c'est rengaine ouais, mais avoue que c'est aussi plutôt légitime... D'accord. J'accepte que tu joues les guides pour moi. Oui, ce serait effectivement gentil, merci. »

Je ne pus empêcher mes yeux se s’écarquiller. D’abord, parce que Leslie, qui avait beau être à Serdaigle et tout le blabla, avait décidément bien du mal à percuter. Et ensuite, parce que son remerciement sonnait à mon oreille comme une insulte. Je n’avais pas besoin de son « merci », je m’en serais très bien gardée. Car il me donnait l’impression de faire une œuvre de charité, et me mettait face à l’improbable gentillesse avec laquelle je traitais Leslie. Ca n’était tellement pas mon genre, de la même façon que Leslie me remerciant semblait être une illusion. Une grimace s’immisça sur mes traits, sans que je ne cherche même à l’en déloger. Je me sentais comme souillée par la dernière phrase de mon ennemie, et ça me troublait plus que je n’aurais du le permettre.

« Par contre, je préfère emporter mon livre. Non pas que je craigne qu'on me le vole, mais je préfère l'avoir en mains pour t'assommer s'il te vient l'envie de m'entraîner dans un de tes coups fourrés. »

Ouf! Je n’aurais pas cru aimer autant recevoir une pique de Leslie en pleine face. Ca eut le mérite de détendre mon visage, et même de faire naître sur mes lèvres un petit sourire pincé, mais amusé.

« Que de bravoure, je suis soufflée. »

A mon tour d’ironiser, avant de me lever de ma chaise et d’offrir un sourire presque conspirateur à Leslie. Son livre, comme promis, sous le bras, la blondasse se leva à son tour. Je traversai alors la salle commune d’un pas étudié, n’infligeant pas à Leslie un rythme trop rapide qui risquerait de lui faire perdre pied de sur ses échasses et se ridiculiser en public. Je ne fis pas attention aux regards qui se tournaient sur nous, ne me préoccupant pas plus des pensées et suppositions qui devaient passer dans les têtes de linottes de mes camarades qui avaient précédemment attaqué la Préfète-en-chef. C'est pourquoi j’entendis, plus que je ne vis, Leslie se rétamer sur le sol. Je me retournai rapidement et, devant la scène, je portai une main à ma bouche, effarée.
Combien de fois n’avais-je pas rêvé d’un tel spectacle? La douleur que je sentis sur le visage de mon ennemie n’apparaissait pas même dans mes rêves les plus fous. Je n’aurais pu imaginer plus beau spectacle, tandis que les rires et moqueries fusaient de tous coins de la salle.

Je n’aurais pas pu imaginer plus beau spectacle, et pourtant aucun son ne sortir de ma gorge, ni aucune joie ne fit resplendir mon visage. Je restai un instant pétrifiée, tandis que Leslie se tenait les côtes, apparemment traumatisée. Je finis par réagir en lançant un regard noir autour de moi, avant de me précipiter vers l'empotée. Je m’agenouillai auprès d’elle, et la saisis solidement pour l’aider à se relever. Je n’eus aucun mal à le faire, cette gourde n’étant pas franchement la personne la plus lourde que j’ai rencontré. Sans porter la moindre attention à ceux qui nous entouraient, je passai le bras de Leslie autour de mon épaule et attrapai sa taille pour l’aider à marcher. Mon but: l’éloigner au maximum de tous ces gens mal intentionnés. Je n’aurais jamais cru qu’ils me feraient aussi honte. Oh, bien sûr, ils ne riaient pas tous à gorge déployée, mais la plupart trouvait que Leslie avait bien mérité ce qui lui arrivait. Ce qu’ils ignoraient, c’était qu’elle avait encore des séquelles de l’explosion de la Tour, et qu’elle souffrait certainement le martyr en ce moment. Je ne dis pas un mot sur toute la longueur pendant laquelle je la conduisis à l’écart. Je dus lui infliger la montée d’escaliers, et je lui imposai même un rythme soutenu. Car j’entendais désormais la rumeurs de conversations desquelles je voulais m’éloigner au plus vite. Arrivée à l’étage, j’ouvrais une porte sur ma droite et entrainai Leslie à l’intérieur de la pièce. Je la fis assoir sur une chaise calée contre le mur, à côté de la porte, avant de refermer celle-ci. Sans accorder le moindre regard à mon ennemie, je me dirigeai vers l’évier. J’avais trouvé plus utile de l’emmener dans une salle de bain plutôt que dans un dortoir. Ouvrant une porte sous l’évier, j’en sortis un gant de toilette que je rafraichis sous l’eau avant de revenir me planter devant Leslie de le lui tendre.

« Appliques ça sur tes côtes avant de penser à utiliser un sortilège, ça te fera du bien. »

Je croisai les bras et la fixai d’un regard imperturbable et impénétrable. Sans que mon visage ne trahisse la moindre expression, j’ajoutai presque brusquement:

« Et si tu me remercies encore une fois, j‘te renvois vers tes p‘tits copains à coup de pied dans le derrière. »

« Que de bravoure, je suis soufflée. » Même si elle le relevait avec une profonde ironie, naturelle puisqu'elles étaient vouer à se rabrouer et non à se complimenter, en parfaites petites ennemies, Gemma ne savait pas à quel point elle avait touché juste. Depuis qu'elle était entrée dans ce dortoir hostile, Leslie faisait bien preuve de plus de courage que la brune ne se l'imaginait. Il lui en avait d'abord fallu pour passer la porte, puis pour tenir tête à trois écervelées qui lui cherchaient des noises, et même pour finir par accepter - stratégiquement, certes - de visiter les dortoirs à ses côtés. Car elle était la dernière personne de qui elle aurait attendu ce service aux allures de coup de pouce. Et elle ne savait pas à quel point Leslie feintait pour cacher la peur et le malaise qui l'habitait à la vue de tous ces regards inquisiteurs. Et surtout, au sien. Elle ne savait pas combien elle luttait pour garder la tête haute. A quel point son cœur battait fort dans sa poitrine quand elle devait user de toute sa répartie et de toute son intelligence pour essayer d'avoir le dessus sur elle. Elle ne se rendait pas compte à quel point se battre contre elle, perpétuellement, pompait son énergie. Surtout qu'elle venait juste de se remettre de ses blessures avec l'effondrement de la tour dont le plafond avait eu la bonne idée de s'écrouler sur sa tête. Et si elle s'en était sortie sans trop de dégâts, laissée miraculeusement aux bons soins de l'infirmière elle ne savait pas trop comment, ce n'était que par force de caractère qu'elle tenait jusqu'ici le choc. Personne, d'ailleurs, ne savait qui l'avait sorti des décombres, tous s'accordaient à dire que ce devait être un de ses camarades qui devait se trouver au bon endroit au bon moment. Leslie, elle, avait cru voir une brunette qui portait vaguement les traits de Gemma, mais c'était complètement ridicule, hein !! Leslie, donc, faisait preuve d'une immense force de caractère pour ne pas flancher face à Gemma. Et cette force ne lui était pas naturelle. Elle évitait en général les ennuis et préférait faire preuve de mutisme et d'indifférence face à ceux-ci. Mais avec Gemma, elle ne pouvait pas, à cause de cette rancœur viscérale qui la poussait au crime à chaque fois qu'elle se retrouvait en sa présence, et tout ceci l'épuisait. Elle était toujours mal en point après leurs altercations. Mentalement affaiblie. Et le cacher était un autre de ses tours de force qu'elle s'imposait, digne. Il fallait qu'elle reste digne, tout le temps. Qu'elle s'arrache pour rester debout, droite, faire semblant de ne pas être touchée, blessée, malmenée. Mais, là, elle ne pouvait plus. Là, elle était au sol. Elle avait mal, se sentait mal. Mal au cœur et au corps. Mal d'être seule au milieu de l'arène, à la merci de tous. Mal de savoir que si elle ne se relevait pas, personne ne le ferait pour elle. Mais malgré cette douleur face à l'impuissance, cette douleur de s'avouer vaincue, elle ne pouvait pas se relever. Parce que ses forces avaient été mises au tapis, et Gemma pouvait bien les piétiner, que Leslie n'essayerait pas de l'en empêcher. Parce qu'elle n'en avait pas la force, simplement. Plus la force...

Cherchant à se recroqueviller sur elle-même pour que plus rien ne puisse l'atteindre, Leslie sentit des bras l'entourer et la soulever du sol. Elle n'eut d'autre choix que de se laisser faire, trop engourdie et étourdie encore par sa chute. Au début, elle se laissa traîner comme un poids mort avant d'enfin réagir et d'intimer à son corps d'avancer pour fuir le plus vite possible loin de tout ça. Elle n'eut pas un mot pour son "sauveur", même lorsqu'elle réalisa que celle-ci était Gemma et qu'elle se sentit mal à l'aise, elle n'essaya pas de se dégager et ne refuse pas son aide, oui, il n'y avait pas d'autres mots. Elle serra les dents tout le trajet, les côtés douloureuses et en réprimant de tout son être cette forte envie de pleurer qui l'étreignait. Franchement, en être réduite à se faire secourir par Gemma, c'était tout bonnement affreux ! Devoir lui être redevable, être obligé de revoir son jugement sur elle, être forcée de reconnaître qu'elle lui devait une fière chandelle. Pouah, quelle... Honte ! Presque aussi honteux que de s'être ridiculisée devant toute la salle commune ! Y'avait pas à dire, les dissonances cognitives, c'est la plaie. Lorsque la brune la déposa sur une chaise, sans cérémonie, Leslie grinça des dents mais ne se plaint pas. Elle ne râla pas non plus lorsque celle-ci claqua la porte de la salle de bain dans laquelle elles s'étaient réfugiées juste à côté de son oreille. Elle massa distraitement ses côtes sans regarder Gemma qui s'affairait. C'était décidément trop humiliant que d'en être réduite à ENCORE lui devoir des remerciements plutôt que des insultes. Gemma n'était pas une fille bien, d'accord ? C'était pas parce qu'elle avait agi bien une fois dans sa vie que sa vision devait changer ! Et pourtant... C'était bel et bien ce qui était en train de se produire dans la tête de Leslie qui se sentait complètement... Perdue. A la ramasse complet, même. « Appliques ça sur tes côtes avant de penser à utiliser un sortilège, ça te fera du bien. » Lui tendant un gant imbibé d'eau froide, Gemma arborait un air dur et froid. Déjà, y'avait du mieux. Manquait plus qu'elle joue à nouveau les gentilles et Leslie craquait nerveusement ! « Et si tu me remercies encore une fois, j‘te renvois vers tes p‘tits copains à coup de pied dans le derrière. » Bien. Elles étaient toujours ennemies, voilà qui était rassurant. Réaction illogique, vous dîtes ? Ah ça non ! Envisager une réconciliation avec la Langley, ça, c'était flippant ! Leslie s'exécuta, passant le gant sous ses vêtements pour l'appliquer sur ses côtés. En effet, le contact du froid l'apaisa, comme Gemma l'avait fait remarquer. Et c'était agaçant également de le reconnaitre. ... Si Leslie avait eu l'intention de la remercier ? C'est vrai que c'aurait été de circonstances, mais... C'aurait été plus douloureux que ses côtes, et elle avait assez mal comme ça ! Toujours silencieuse, Leslie reporta son attention sur son hématome et grimaça. Oui, elle avait déjà bien assez mal, croyez le... Elle releva cependant la tête vers la Gryffondor, se décidant à briser ce silence fort désagréable. « Tu crois qu'il est possible que j'ai des séquelles neurologiques ? Je crois que dans les cinq dernières minutes, j'ai eu de sérieuses hallucinations... » Et d'une petite raillerie pour faire état du ridicule et du surréalisme de la situation. Bah oui, hein, pardon mais fallait bien dire deux mots là dessus, elles allaient pas se regarder dans le blanc des yeux indéfiniment ! Un petit sourire caustique pointa sur les lèvres de Leslie qui intimait à ses neurones perturbées de reprendre du service. Elle avait fort besoin d'elles pour remettre leur inimitié sur pied. « Tiens, ça me donne une idée. On pourrait aller consulter ensemble, si le cœur t'en dis, pour nos problèmes respectifs. » Elle faillit rire mais ne put pas, ses côtes la rappelant à l'ordre. Cette scène était décidément trop... Bizarre. Vite, de la haine, des sarcasmes et une aura d'ondes meurtrières, s'il vous plaît !! « D'accord, tu m'as sorti d'un mauvais pas. Mais rappelons que c'est toi qui m'y a fourrée en montant un club anti-Jeffers avec tes Gryffondorettes, alors j'estime que je ne te suis pas redevable, que ce soit bien clair. » Oui, en vérité, c'était complètement faux et elle se sentait quand même en partie redevable. Mais elle déciderait elle même de ce que méritait Gemma de sa part en échange. C'était déjà assez désagréable en soit que de lui accorder quelque chose... Peut être la laisserait-elle tranquille pendant une semaine, après ça. Ou peut être deux. C'était certainement le mieux qu'elle pouvait faire..!

D’où me venait ce sérieux, cette débrouillardise et cette présence d’esprit hors du commun? Je méritais bien une récompense pour services rendus là, non? A moins que le service véritable aurait été de laisser Leslie gésir sur le sol, en proie aux charognards, et même peut-être de l’achever à coups de pied? Non, l’achever aurait été trop doux. Mais moins sans doute que de la subtiliser aux regards moqueurs et de l’enfermer là où elle pourrait souffler à loisir. Je n’avais pas vraiment réfléchi à ce que j’avais fais. C’était bien moi ça, agir d’abord, m’époumoner et m’agiter, et réfléchir ensuite une fois qu’il était trop tard. J’avais simplement vu une pauvre âme en difficulté, et je n’avais pas eu le cœur à la condamner. Je ne pensais pas qu’il s’agissait de gentillesse pure, non, je me défendais d’être gentille avec celle qui, comme Leslie, ne le méritait absolument pas. C’était plus un instinct égalitaire. Leslie ne méritait peut-être pas d’être sauvée, mais elle ne méritait pas plus d’être lapidée. Or c’était exactement ce qui l’aurait attendue si je l’avais laissé par terre au beau milieu de la salle commune. Les gryffondors n’étaient pas des bêtes, n’exagérons rien, mais ils avaient un sens du collectif, de l’amitié et de la famille, qui plaçait en très mauvaise posture l’ennemie d’une de leur proche, mon ennemie. Ils ne l’auraient pas lapidée au sens propre, bien sûr, mais elle aurait réellement passé un sale quart d’heure. Je ne pouvais pas laisser faire ça, et pas seulement par peur des représailles. Une autre voix s’était élevée en moi, me poussant à ne pas infliger ça à quiconque, même à mon ennemie.

« Tu crois qu'il est possible que j'ai des séquelles neurologiques ? Je crois que dans les cinq dernières minutes, j'ai eu de sérieuses hallucinations... »

Elle avait relevé la tête et son sarcasme me fit un bien fou. Ca m’aidait à gérer une situation dans laquelle je ne me serais jamais attendue à me retrouver. J’était à deux doigts de chialer, tant cette situation me paniquait et me plaçait à mille lieux de mes habitudes et de mon comportement normal.

« Tiens, ça me donne une idée. On pourrait aller consulter ensemble, si le cœur t'en dis, pour nos problèmes respectifs. »

Elle se moquait, mais je me surpris à penser que ça n’était pas une si mauvaise idée. J’avais réellement besoin d’un psy, car c’était la deuxième fois que je tirais Leslie d’une situation mortelle. Leslie. Mon ennemie. Celle qui sortait avec Raven. Le mec que j’aimais à en devenir folle. Peut-être que c’était ça, au fond, peut-être que je devenais dingue à force d’être en extase devant Raven! Et cette pimbêche, grognasse, blondasse, gourdasse, qui continuait à se mettre en travers de mon chemin et à laquelle moi, grosse abrutie, je continuais de dire amen à longueur de temps et que je sortais de guêpiers en tous genres! C’était définitif, j’avais besoin de consulter.

« Ou tu pourrais te faire interner, et me raconter comment c‘est. »
Je lui offris mon plus beau sourire, et le plus faux aussi, s’il était besoin de le préciser.

« D'accord, tu m'as sorti d'un mauvais pas. Mais rappelons que c'est toi qui m'y a fourrée en montant un club anti-Jeffers avec tes Gryffondorettes, alors j'estime que je ne te suis pas redevable, que ce soit bien clair. »

Un moue faussement vexée se peignit sur mon visage, avant que je ne redresse le menton en prenant un petit air entendu. Je mis mes mains sur les hanches et fusillai bientôt Leslie du regard, intransigeante:

« Evidemment! Pourquoi crois-tu que je t‘aurais sortie de ce traquenard? Qu‘on soit claires, c‘est uniquement pour éviter d‘avoir ta mort sur la conscience. Pas que ça me gênerait réellement, mais disons que ça ferait mauvais genre, et je ne suis pas sure que ça m‘aiderait à atteindre mes objectifs. »

Sous-entendu, Raven. Je lui souris à nouveau, tandis que de son côté, elle semblait toujours souffrir autant. Les piques avaient beau nous aider, toutes deux, à garder la face, il m’eétait impossible de me détourner totalement de la réalité. J’avais beau prétendre le contraire, je crois que, quelque part, je me faisais du soucis pour elle. Oh, loin de moi l’idée de la couver ou d’être aux petits soins pour elle, ce serait franchement ridicule, mais depuis que je l’avais sauvé, je ne pouvais empêcher un sentiment qui se rapprochait beaucoup de l’inquiétude de germer dans mon esprit. En la sauvant, j’étais un peu devenue responsable d’elle… même si l’idée me paraissait vraiment saugrenue. A coup sûr, c’était la meilleure solution pour se prendre la tête que d’avoir une telle pensée pour une ennemie. Mais c’était aussi et surtout plus fort que moi, et je ne me l’expliquais pas.

Je reculai d’un pas, et posai la paume sur le rebord de l’élément qui comprenait l’évier, pour y faire peser tout mon poids. De là, je pouvais avoir une vue d’ensemble sur Leslie, et elle ne me paraissait décidément pas en grande forme. Ce n’était pas seulement physique, mais aussi quelque chose dans son regard, qui me faisait parier sur une grande fatigue morale. Pas étonnant, avec les récents évènements, sans compter qu’elle devait sans arrêt lutter pour garder Raven, et se battre pour cela contre moi en priorité. Je ne lui rendais pas la vie facile, c’était le moins que je pouvais admettre. Et il était facile de me prêter un certain sadisme quelque part, à la sauver pour mieux la faire et la regarder souffrir. Je ne voulais pourtant pas totalement son mal. Evidemment, je n’avais aucune bonne intention à son égard, a priori. Mais les choses pouvaient changer, n’est-ce pas? C’était ce qui me semblait être en train de se produire. Je plissai les yeux pour concentrer davantage ma vision sur Leslie et, après un certain temps de silence, je finis par lâcher:

« Et dire que je pourrais profiter de la situation pour te mettre hors circuit. C‘est bête, mais ça ne me tente même pas. » Un léger rire s’échappa de ma gorge, avant que je n’ajoute en reprenant un sérieux lamenté: « Il faut vraiment que j‘aille consulter! »

Leslie ne s'expliquait toujours pas, à part en élucubrant des théories ahurissantes, ce qui avait bien pu pousser Gemma à intercéder en sa faveur, et ce, par deux fois consécutives. Quiconque lui aurait raconté qu'une telle chose se produirait un jour qu'elle aurait éclaté de rire, elle qui pourtant ne riait que très peu. Oui, elle aurait ri. Ri à s'en faire péter ses côtes fêlées. Et elle n'aurait pas été la seule qu'une telle blague aurait fait marrer, attendez donc un peu qu'elle raconte ça à Sha' et Tana : rires garantis ! A moins que quelques forces occultes n'en aie informé 'Tana avant elle... C'était bien le genre de trucs assez dingues pour mériter un avertissement de l'au delà, non ? Bon, d'accord, Leslie avait peut être tendance à un peu exagérer la situation. Après tout, on dit bien que la vie est pleine de surprises, et au fond, c'était pas non plus comme si Gemma lui avait déroulé le tapis rouge et avait accroché une banderole "Raven est à toi Leslie-chou, devenons amies", ça, c'aurait été monstrueusement improbable. Mais sans rire, le destin se foutait pas un peu d'elle à lui offrir Gemma comme alliée pour tenir bon dans ce dortoir impie toute la semaine à venir ? Franchement, obtenir du soutien de celle à cause de qui on avait justement besoin de soutien, c'était pas un peu barge ? Si, avouez le. Et fichtrement inexplicable. Gemma cherchait-elle avec tant d'avidité à lustrer son karma qu'elle était prête à aller jusqu'à porter secours à sa meilleure ennemie ? C'est qu'elle devait être sérieusement désespérée pour en arriver à de telles extrémités ! Et assurément, si son intention avait été telle, c'était certain qu'elle aurait forcément trouvé un autre moyen d'y parvenir que celui-ci... C'est pourquoi ce geste turlupinait autant Leslie dont les repères étaient passablement chamboulés. Heureusement, leur discussion, toute de sarcasmes, d'ironie et d'hypocrisie, aidait à recadrer le tout. « Ou tu pourrais te faire interner, et me raconter comment c‘est. » Le tout bordé d'un sourire ultra bright et ultra superficiel. Aaah, quelle bouffée d'oxygène que ce zeste de mesquinerie ! « Mmmh... Sans façon. Le blanc camisole, c'est pas ma couleur. J'ai le teint trop pâle et les cheveux trop clairs. Avec ton brun, par contre, ça devrait faire l'affaire. » Et elle lui renvoya un fin sourire, moins expansif que le sien tout de même mais tout aussi faux, avant de relancer sur un ton plus sérieux. Il fallait à présent faire table rase sur l'incident. Il était hors de question que Leslie lui soit redevable de quoi que ce soit et Gemma ne la contredit absolument pas. De toute façon, elle l'aurait contredit que Leslie n'aurait pas plié. Parce que, oui, c'était entièrement de la faute de Gemma si elle avait eu besoin d'aide, et que ce soit elle qui la lui aie apporté ne changeait rien à ce fait ! Enfin... Presque rien. Mais Leslie n'avait pas envie de formuler clairement dans son esprit ce que cela avait changé. « Évidemment ! Pourquoi crois-tu que je t‘aurais sortie de ce traquenard? Qu'on soit claires, c‘est uniquement pour éviter d‘avoir ta mort sur la conscience. Pas que ça me gênerait réellement, mais disons que ça ferait mauvais genre, et je ne suis pas sure que ça m‘aiderait à atteindre mes objectifs. » Alors c'était vraiment cette explication à demi vaseuse, la raison de son brusque changement d'attitude? Elle voulait juste se faire bien voir de Raven? C'était un peu tiré par les cheveux, quand même. Parce que, qu'est-ce qui lui disait qu'elle allait en parler à Raven, d'abord ? Bon, le bouche à oreille allait sans doute s'en charger à sa place, et il était vrai qu'elle n'allait certainement pas nier que tout ceci soit vrai... Mais quand même, c'était d'un calcul trop élaboré pour être du Gemma. Autrement dit, d'une fille assez bête pour se faire pincer par une préfète alors qu'elle est entrée frauduleusement dans la conciergerie, et j'en passe. Non, décidément, son revirement ne tenait pas debout. Elle aurait eu plus intérêt à ce qu'elle meure pour aller consoler Raven ensuite, plutôt que de se soucier de son sort. Gemma n'avait pas de tels états d'âme, à moins que Leslie ne l'aie salement sous estimé - ce qui était assez improbable également ! Gemma se recula, allant s'appuyer à l'évier, et Leslie s'en désintéressa un instant. Lui dire qu'elle n'y croyait pas une seconde n'arrangerait certainement pas le schmilblick, alors autant se taire. Tâtant ses côtes du bout des doigts, en contenant quelques petits tressaillements de douleur qui se lisaient sur son visage, elle réfléchissait au sort adéquat qui pourrait l'apaiser lorsque la plainte de Gemma fendit l'air. « Et dire que je pourrais profiter de la situation pour te mettre hors circuit. C‘est bête, mais ça ne me tente même pas. » Relevant la tête, la préfète lui jeta un regard interrogateur. Hors circuit ? Quel circuit ? La course à Raven ? Mais celle là, Leslie l'avait déjà gagnée, qu'allait-elle encore inventer là ? Et puis, comment comptait-elle s'y prendre pour la "court-circuiter", hein? Elle la tuant dans cette salle de bain après l'avoir "sauvé" ? Ah oui, très mâlin dîtes donc ! Et pourquoi n'avait-elle pas laissé le sale boulot aux autres tout à l'heure si là était son but, au lieu de s'embarrasser de le faire elle-même, et de risquer de s'y casser un ongle..? C'était ridicule. Décidément, Gemma avait vraiment besoin d'aller consulter... « Il faut vraiment que j‘aille consulter! » En écho, Gemma répéta les pensées de Leslie qui grimaça en se rendant compte qu'elles étaient sur la même longueur d'ondes. "Au secouuuurs, je suis d'accord avec Gemma, c'est l'apocalyyypse !" semblait dire son regard, les sourcils rabattus en arrière. Elle secoua la tête, atterrée, et lâcha un profond soupir. « ... Je t'avoue que je pensais exactement la même chose. » Et elle la regarda, à demi désespérée, ses yeux s'exprimant encore une fois à sa place semblant dire : "Je sais, c'est dur à entendre, autant que c'est dur à dire, d'ailleurs..." Poussant un autre soupir, Leslie posa une main sur son front en appuyant son coude contre le mur. Puis, soudainement, elle craqua et laissa libre cours à sa non compréhension frustrante. « Mon Dieu mais... Qu'est-ce qui va pas, sans déconner, Gemma ? T'y comprends quelque chose, toi ? Comment est-ce qu'on a pu en arriver là, à être... D'accord et, à ce que tu me... Donnes de quoi apaiser ma douleur, après m'avoir tirée de l'humiliation... Et avant ça, tu me proposais même de visiter vos quartiers, moi j'acceptais, et le pire, c'est que tu as tenu parole ! Regarde, j'ai visité les escaliers et la salle de bain ! » Et elle eut un genre de rire mêlé à un soupir résigné alors qu'elle posait ses iris bleutés sur la rouge et or. « ... Pincez moi, je rêve ! Ou je cauchemarde, je ne sais pas, en fait ! Peut être que je divague tout simplement après avoir pris un coup sur la tête... » A nouveau, un soupir dépassa ses lèvres alors qu'elle déposait sa tête contre le mur et sa main derrière sa nuque, l'autre tenant toujours ses côtes. Elle dévisageait Gemma, lasse, alors que pris d'un sursaut, elle se redressa subitement, la pointant du doigt comme une illuminée - ce qui n'était pas tout à fait faux puisqu'elle venait d'avoir une idée lumineuse. S'étant relevée brusquement, ses côtes l'avaient encore rappelée à l'ordre, et elle s'intima le plus grand calme pour continuer. « J'ai une idée, faisons un test. A part un sortilège de refroidissement, qui serait temporaire, j'ai besoin d'un emplâtre pour faire passer la douleur de mes côtes qui s'est réveillé. A base de feuilles séchées de Passiflore et de graisse de dragon à malaxer ensemble. Il faut ensuite enduire des compresses de cette mixture, avant d'appliquer. » Non, elle n'était pas en train de lui faire un cours de médicomagie pour étaler sa science. Elle lui expliquait juste en détail comment continuer de l'aider pour jauger sa réaction. « Je viens tout juste de sortir de l'infirmerie et je n'ai pas envie d'y retourner. ...Qu'est-ce que cela t'inspire ? » Sans rien perdre de son sérieux, Leslie garda ses prunelles plantées dans celle de Gemma sans ciller. Si la brunette lui proposait encore son aide, alors là, c'est qu'elles étaient bonnes à enfermer, y'avait pas d'autres explications possibles ! Et d'ailleurs, la préfète s'attendait évidemment à un refus, quoi d'autre ? Un début de négociation, peut être, à la limite. Elle aimait bien ça, Gemma, négocier, elle l'avait déjà prouvé... Mais un oui ? Pfff... Ha ha, hear me laughing !

« Il faut vraiment que j‘aille consulter!
-Je t'avoue que je pensais exactement la même chose. »

Que c’était désagréable à entendre. L’idée que Leslie puisse tomber d’accord avec moi, même sur un truc aussi bête, m’horripilait. Il fallait reconnaître que nous n’étions pas totalement d’accord. Après tout, j’effleurais l’éventualité d’un œil moqueur, et avec plus d’ironie que de sérieux. Alors qu’elle, c’était certain, elle voulait me voir avec une camisole sur le dos. Sa remarque un peu plus tôt en était la preuve. Elle ne rigolait pas quand elle disait que le blanc m’irait mieux au teint, ça prouvait sa motivation! Et puis, dans le même temps, elle remuait le couteau dans la plaie quant à la couleur de cheveux qu’elle m’avait imposé. C’était peut-être le moment de lui parler de l’éventualité de mettre un terme à ce sort inqualifiable.

Mais le soupir de Leslie me prit de court, et je ne pus que l’observer porter une main à son front et s’accouder au mur. Elle avait l’air un peu désespéré, et ça me tira un sourire presque malgré moi, c’était dire jusqu'à quelle profondeur abyssale j’étais tombée.

« Mon Dieu mais... Qu'est-ce qui va pas, sans déconner, Gemma ? T'y comprends quelque chose, toi ? Comment est-ce qu'on a pu en arriver là, à être... D'accord et, à ce que tu me... Donnes de quoi apaiser ma douleur, après m'avoir tirée de l'humiliation... Et avant ça, tu me proposais même de visiter vos quartiers, moi j'acceptais, et le pire, c'est que tu as tenu parole ! Regarde, j'ai visité les escaliers et la salle de bain ! »

Je levai un sourcil dubitatif sur la fin de sa réplique. L’humour me paraissait extrêmement malvenu, parce qu’au fond, elle avait raison… quelque chose clochait. Et la situation dans laquelle nous nous retrouvions là devait être aussi désagréable pour elle que pour moi.

« ... Pincez moi, je rêve ! Ou je cauchemarde, je ne sais pas, en fait ! Peut être que je divague tout simplement après avoir pris un coup sur la tête... »

Elle fit glisser sa tête contre le mur, et elle me parut encore plus désespérée, alors qu’un nouveau soupir s’était laissé entendre. J’aurais du être ravie de voir Leslie en aussi misérable, mais le sourire qui germait sur mes lèvres en la regardant était très faible, beaucoup trop faible. Pourquoi diable n’arrivais-je pas à exulter? J’avais pourtant un très joli cadeau sous les yeux. Mais la lassitude que Leslie affichait disparut subitement, tandis qu’elle se relevait d’un bond, et me pointait d’un doigt formaliste. Je me demandais bien ce qui lui était passé en tête, et ce qu’elle allait bien pouvoir me sortir. Toujours solidement appuyée sur le rebord du lavabo, je fixais mon ennemie d’un regard pleinement interrogateur.

« J'ai une idée, faisons un test. A part un sortilège de refroidissement, qui serait temporaire, j'ai besoin d'un emplâtre pour faire passer la douleur de mes côtes qui s'est réveillé. A base de feuilles séchées de Passiflore et de graisse de dragon à malaxer ensemble. Il faut ensuite enduire des compresses de cette mixture, avant d'appliquer. »

Ça y’est, Leslie était devenue folle. Depuis le temps que ça lui pendait au nez, ça ne m’étonnait même pas. Mes sourcils jusque là arqués reprirent leur position normale, et un air désolé s’abattit sur mes traits.

« Je viens tout juste de sortir de l'infirmerie et je n'ai pas envie d'y retourner. ...Qu'est-ce que cela t'inspire ? »

Je ne pus me retenir de m'esclaffer. Quelle question idiote! Ça m’inspirait tellement de choses, de sa folie à une peur panique, en passant par tout un tas d’explications parfaitement valable remettant en cause son intégrité mentale. Mais je n’étais pas certaine qu’elle attendait ce type de réponse. Que voulait-elle savoir au juste? Elle avait dis plus tôt que c’était un test. Alors elle essayait de me tester? Quelle pimbêche celle là! Comme si elle était en position de me faire subir le moindre test!

Je quittai mon appui de fortune pour m’avancer vers Leslie. Sans la moindre douceur, j’appuyais sur ses épaules pour la forcer à se rassoir, un regard implacable planté dans le sien. Et lorsqu’elle eut ses petites fesses osseuses posées sur la chaise, je n’en relâchai pas pour autant mon étreinte. J’agrippai toujours solidement ses épaules et mes lèvres se pincèrent sur un visage écœuré.

« Redescends sur terre blondasse. Tu veux vraiment éprouver ma générosité? Je savais que t‘étais une pétasse, mais j‘te sous-estimais encore faut croire. » Je soufflais un coup, c’était ça et me calmer ou lui cracher au visage. Après la gentillesse dont j’avais fais preuve la concernant, alors que rien, strictement rien, ne m’y obligeait, j’estimais mériter mieux qu’un test ridicule! « T‘es pas en état de me juger. Tu veux des soins sans avoir à retourner à l‘infirmerie? Essaye ça: demande le gentiment. » Mes lèvres s’étirèrent dans un sourire sans joie. Une sorte de rage assourdissante me vrillait les tempes, au point que j’aurais pu la foudroyer d’un regard, si j’en avais eu les facultés. Merlin, pourquoi la magie ne marchait-elle pas comme ça?!

« Toi et moi, nous sommes ennemies, c‘est acquis. Et l‘aide que j‘t‘apporte ces derniers temps est … bon, elle est inexplicable, disons le comme ça. Mais j‘t‘interdis de me tester encore, sale garce prétentieuse! »

Je dus franchement me contenir pour ne pas lui tordre le cou. Elle était si proche que ça ne m’aurait demandé aucun effort. Mais je ne pouvais pas me laisser aller à ce type de bas instinct. Je valais mieux que ça, moi. Je lâchai finalement ses épaules et lui tournai même le dos en retournant à mon lavabo. J’ouvris le robinet et mis mes mains en coupe dessous, histoire de me passer un peu d’eau sur le visage. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui m’avait pris tout à coup. C’était comme si je m’étais sentie insultée par la méfiance et le petit jeu de Leslie. Pourtant, elle n’était pas réputée pour me faire de cadeau, et encore moins pour se montrer aimable. C’était idiot, mais je m’étais attendue à mieux de sa part, après tout ce que j’avais fais pour elle.
Je relevai les yeux et m’observai un instant dans le miroir. Puis je portais la main à l’une de mes mèches de cheveux, la fixant d’un air indéchiffrable.

« Je crois que cette couleur fait de moi quelqu’un de réfléchi et intelligent. C'est effrayant. »

Je tournai à peine le regard vers elle, baissant plus la tête que je ne la tournai, en réalité. Puis j’ajoutai davantage à son intention:

« Avec tes intellos, t‘as pas l‘habitude de ça. Mais chez les rouges, on ne passe pas son temps à calculer le moindre comportement. On sait se montrer très retors et prévoyants pour mettre un ennemi en échec, mais c‘est toujours très officiel. Alors, si je me montre gentille, accepte le spontanément, ce n‘est pas un calcul ou un jeu. J‘aime simplement pas voir quelqu‘un dans le pétrin, même s‘il s‘agit de ma pire ennemie. »

Cette fois-ci, je pivotai complètement vers Leslie, laissant simplement une main glisser contre le rebord du lavabo. Un sourire fleurit sur mes lèvres lorsque je conclus:

« Et tu me faisais tellement pitié. »

Et elle s'esclaffa, de son rire de hyène dégénérée. Quelle autre réaction aurait-on pu attendre venant d'elle de toute façon ? Il était vrai qu'elle agissait bizarrement et était plutôt difficile à cerner ces temps, mais dans ce rire sardonique, Leslie retrouvait sa Gemma et ne ressentit pas le moindre étonnement. Elle en aurait presque soupiré de soulagement si, tout à coup, la situation ne s'était pas retournée contre elle. En retrouvant la Gemma de d'habitude, elle avait aussi retrouvé les ennuis de d'habitude et la violence de leur haine jusque là étrangement étouffée. Les choses revenaient à leur place, redevenaient logiques, mais finalement, Leslie se demanda furtivement si elle ne préférait pas être perturbée par sa gentillesse plutôt que malmenée par son égo de pimbêche lorsqu'elle fut sans ménagement forcée à se rasseoir et que, sa main capturant comme une serre d'aigle son épaule, Gemma la fusilla du regard. « Redescends sur terre blondasse. Tu veux vraiment éprouver ma générosité? Je savais que t‘étais une pétasse, mais j‘te sous-estimais encore faut croire. » Son ton était fumant, sa colère palpable, Leslie en resta toute hébétée, encore sous le coup du revirement, sans toutefois baisser les yeux. Grands ouverts, ils fixaient Gemma, figés dans une drôle d'expression. On pouvait y lire un éclat de satisfaction - puisque son test avait fort bien fonctionné - et un vague malaise, aussi. Car la main de Gemma qui la maintenait fermement assise lui faisait mal et Leslie se demandait ce qui avait bien pu déclencher une telle fureur. Elle s'était attendue à de la méchanceté, mais pas à ça. Cette attitude, là, c'était excessif ! Son incompréhension se changea rapidement en animosité - bah ouais, on avait bien compris que Gemma avait des tendances bipolaires, mais c'était pas la peine de prendre la mouche comme ça non plus ! Elle voulait quoi ? Lui démettre l'épaule ? Ses sourcils se froncèrent subitement alors que Gemma, redevenue elle-même, continuait de déverser son venin. « T‘es pas en état de me juger. Tu veux des soins sans avoir à retourner à l‘infirmerie? Essaye ça: demande le gentiment. Toi et moi, nous sommes ennemies, c‘est acquis. Et l‘aide que j‘t‘apporte ces derniers temps est … bon, elle est inexplicable, disons le comme ça. Mais j‘t‘interdis de me tester encore, sale garce prétentieuse ! » Le "sale garce prétentieuse" théâtral sur lequel elle clôtura sa tirade colérique résonna un instant dans le silence alors qu'elle se décidait enfin à la lâcher. Sans qu'elle ne comprenne réellement ce qui la poussait à sourire, le visage de Leslie s'éclaira alors que Gemma lui tournait le dos. Elle se sentait comme... Libérée d'un poids. Elle arrivait de nouveau à détester pleinement Gemma, à avoir envie de l'insulter, de la gifler, et ce sentiment étrange de stupeur mêlée à de la reconnaissance s'était évaporé. Complètement. Et ça lui faisait un bien fou, à un point que vous êtes loin d'imaginer ! Retrouver cette Gemma là, antipathique et irascible, jamais elle n'aurait cru que ça puisse être à ce point génial ! Leslie continua de jubiler intérieurement pendant que Gemma se passait de l'eau sur le visage et se contemplait dans le miroir, en grande narcissique, trifouillant ses cheveux à la manière des poufs de son espèce. Décidément, c'était trop bon que la Gemma d'antan soit de retour ! « Je crois que cette couleur fait de moi quelqu’un de réfléchi et intelligent. C'est effrayant. » « Je crois plutôt que tu prends tes rêves pour des réalités, comme d'habitude. » Le sarcasme de Leslie, à demi sifflé, à demi marmonné, avait fendu l'air sans qu'elle ne puisse le contenir. Il fut suivi d'un petit rire enjoué qu'elle tenta d'étouffer, pour ne point trahir l'état d'allégresse qui s'était emparé d'elle. Gemma se remit à déblatérer, sans s'en formaliser ni se retourner vers elle, alors que Leslie, une main devant sa bouche, était encore prise par son rire qui la dépassait. C'était certainement ses nerfs qui craquaient... « Avec tes intellos, t‘as pas l‘habitude de ça. Mais chez les rouges, on ne passe pas son temps à calculer le moindre comportement. On sait se montrer très retors et prévoyants pour mettre un ennemi en échec, mais c‘est toujours très officiel. Alors, si je me montre gentille, accepte le spontanément, ce n‘est pas un calcul ou un jeu. J‘aime simplement pas voir quelqu‘un dans le pétrin, même s‘il s‘agit de ma pire ennemie. » Leslie faillit rater la derrière phrase de sa rivale, trop occupée à retenir l'éclat de rire incontrôlable qu'elle sentait monter en son for, essayant de rester impassible, sa main toujours devant sa bouche pour cacher son hilarité. Elle allait encore passer pour une dingue, mais elle n'y pouvait rien, elle n'arrivait pas à reprendre son sérieux ! « Et tu me faisais tellement pitié. » L'éclat de rire jusque là garé dans sa gorge céda sans qu'elle ne cherche plus longtemps à le retenir. Non mais franchement, c'était pas trop drôle le petit numéro de la Gemma qui se radoucit après avoir re-montré son vrai visage ? Elle croyait berner qui, là, sans blague ? « Aïe, mes côtes, mon Dieu, elles vont finir par craquer elles aussi... » Plaça Leslie entre deux éclats de rire, ses zygomatiques devenant douloureux à force d'essayer d'endiguer ce rire plus fort qu'elle, alors que ses côtes, vibrant, lui faisaient un mal de chien. Elle réussit finalement à s'arrêter de rire dans un long soupir encore chargé de raillerie. « Ma pauvre Gemma... Tu es vraiment désespérante... » Et elle secoua la tête, les sourcils hauts, et un sourire narquois étirant toujours ses lèvres si fines. « Tu peux essayer de te convaincre autant que tu veux que t'es pas perturbée si ça te fait plaisir, en te cachant derrière les prétendues qualités des Gryffondor que tu es sensée effectivement partager, blablabla... Mais sérieusement, c'est à mourir de rire la petite Langley qui essaie de prétendre qu'elle n'est ni fourbe ni perverse... Et en plus, t'as vraiment l'air d'y croire, c'est ça, le plus drôle ! Tu te targues avec un air si proche de la sincérité d'avoir agi spontanément... Beau travail de comédie, d'ailleurs, on y aurait presque cru... » Ajouta-t-elle en aparté, avec un air faussement admiratif avant de reprendre. « Comme si, toi, t'étais pas la pire des calculatrices ! Aaah... T'es vraiment perturbée. Je ne peux pas prendre le risque de me faire soigner par une timbrée dans ton genre ! » Et sur ces mots, elle appuya sa paume au mur pour s'aider à se relever en douceur, secouant encore et toujours la tête avec un demi sourire exaspéré sans la regarder. Une grimaca trahit sa douleur mais elle ne se laissa pas pour autant démonter. Elle esquissa quelques pas vers la porte, se retournant tout de même pour lui lancer une dernière pique, histoire de bien asseoir sa supériorité mentale. « Mais au fond, je comprends que tu t'y perdes. C'est pas facile de manigancer, de faire semblant qu'on est gentille, et d'essayer de contenir sa haine, tout en même temps, quand on a un seul neurone à monopoliser. Alors je vais faire preuve d'indulgence... » Et elle eut un autre rire moqueur, s'appuyant à l'encadrement de la porte. La situation avait enfin retrouvé ses normes, fait si libérateur que Leslie s'était sentie pousser des ailes. Tout comme Gemma était redevenue la peste qu'elle avait toujours été, Leslie était redevenue une ennemie à sa mesure, toute faiblesse occultée.

[HJ: Mea culpa; j'avais commencé à répondre (même presque terminé) et je sais pas pourquoi j'étais persuadée d'avoir fini et posté, mais non!]


L’éclat de rire de Leslie me fit légèrement sursauter. Je pris soin de maquiller ma surprise et de la transformer en mécontentement en vrillant mon regard sur son détestable petit air hautain. Alors qu’elle riait de bon cœur, je devais me retenir contre tout bon sens de ne pas lui sauter à la gorge. Rien ne m’aurait fais plus plaisir que de lui faire ravaler ce rire bravache. Mais, encore une fois, je me montrais bien trop raisonnable et conciliante. Je m’incitais au calme en ne cessant de me répéter qu’elle était blessée et en territoire hostile. De fait, la violence ne semblait pas la meilleure façon de régler le conflit. D’autant que le dit conflit ne se règlerait jamais de façon normale. Leslie et moi avions basculé dans une relation trop malsaine pour que je ne parvienne à trouver le repos en lui plantant simplement ma baguette entre les deux yeux. Pourtant, l’éventualité demeurait extrêmement tentante.

« Aïe, mes côtes, mon Dieu, elles vont finir par craquer elles aussi... »

Mes doigts se crispèrent sur le lavabo, tandis que je m’exhortais toujours à la patience. Ca devenait pourtant de plus en plus difficile. Et mes traits étaient tendus à l’extrême lorsque Leslie eut la bonne idée de s’arrêter de rire, pour m’asséner après un long soupir:

« Ma pauvre Gemma... Tu es vraiment désespérante... Tu peux essayer de te convaincre autant que tu veux que t'es pas perturbée si ça te fait plaisir, en te cachant derrière les prétendues qualités des Gryffondor que tu es sensée effectivement partager, blablabla... Mais sérieusement, c'est à mourir de rire la petite Langley qui essaie de prétendre qu'elle n'est ni fourbe ni perverse... Et en plus, t'as vraiment l'air d'y croire, c'est ça, le plus drôle ! Tu te targues avec un air si proche de la sincérité d'avoir agi spontanément... Beau travail de comédie, d'ailleurs, on y aurait presque cru... »

Ma bouche s’entrouvrit sans qu’aucun son n’en sorte, et je finis par la refermer, résignée, en attendant simplement que Leslie termine sa tirade suintant l’autosatisfaction et l’arrogance.

« Comme si, toi, t'étais pas la pire des calculatrices ! Aaah... T'es vraiment perturbée. Je ne peux pas prendre le risque de me faire soigner par une timbrée dans ton genre ! »

Evidemment, j’avais bon dos de prétendre agir de façon spontanée en toutes circonstances, mais je n’en étais pas pour autant une calculatrice. Même dans mes périodes les plus sombres, pendant lesquelles je ne cessais d’extrapoler et de faire des plans vaseux, je n’avais jamais eu la sensation d’être calculatrice. Pour moi, cet adjectif était réservé à ceux qui réussissaient brillamment tout ce qu’ils entreprenaient. Or, force était de constater que je faisais bien trop souvent choux blanc. Et puis il y avait pour moi un aspect tellement péjoratif dans ce type de qualificatif. Je refusais d’admettre que quelqu’un qui me connaissait si peu puisse me traiter ainsi, quand bien même il s’agissait de la plus grande garce que Poudlard ait jamais porté.

Ladite garce se leva péniblement, sous mon regard froid. Je n’esquissai pas le moindre geste, la laissant faire quelques pas en direction de la porte. Je sentis cependant mon calme tout apparent s’effriter lorsqu’elle trouva bon de m’asséner une dernière pique détestable.

« Mais au fond, je comprends que tu t'y perdes. C'est pas facile de manigancer, de faire semblant qu'on est gentille, et d'essayer de contenir sa haine, tout en même temps, quand on a un seul neurone à monopoliser. Alors je vais faire preuve d'indulgence... »

Son rire aiguisé martela à nouveau mes tempes, alors que je me sentais perdre pied. J’aurais pu lui répondre n’importe quoi - et sans doute l’aurais-je du, car au fond ça ne faisait pas une grande différence. Mais cette peste ne méritait pas mon mépris, c’était trop lui accorder.

« Mais si je suis comme tu le prétends, alors qu‘est-ce que ça fait de toi, qui a eu besoin de moi? »

Un sourire fleurit timidement sur mes lèvres. Je prenais conscience, en même temps que je le disais, du poids que tout ceci pouvait avoir. Je devais me rendre à l’évidence, Leslie était atrocement douée pour ramener la situation à son avantage et me faire sans cesse passer pour une abrutie ou une folle. Je devais alors arrêter de jouer sur son propre terrain, et commencer à l’emmener là où je pouvais avoir l’avantage.

« Quand bien même je serais fourbe et perverse, et que je serais aussi stupide que tu le penses … » Je me détachai enfin complètement du lavabo, même si je ne fis pas le moindre pas en direction de Leslie. « C‘est tout de même moi qui t‘ais sorti de ce traquenard dans lequel toi, et toi seule, t‘étais fourrée. » Un sourire vague flottait à présent sur mes lèvres, mais il s’évapora alors que j’ajoutai: « Et ne parlons même pas de l‘explosion de la Tour. »

Sourire aurait été de trop, après un tel sous-entendu. Il était plus de temps que j’assume mon acte de folie, et plus que temps aussi qu’elle admette que je valais bien mieux qu’elle. Je ne fis pas le moindre pas vers elle, je n’en avais pas besoin pour être certaine d’obtenir toute son attention. En revanche, mon esprit tout entier se tendait vers elle, et j’avais l’impression d’être infiniment proche alors que je révélai dans un murmure:

« C‘était moi Leslie, celle qui t‘as extirpée des décombres et amenée à l‘infirmerie. Je t‘ai sauvé la mise. C‘est difficile à accepter, mais il va pourtant falloir le faire. »

Je ne la quittais pas des yeux, mais ma voix se fit plus forte.

« Alors tu peux partir la tête haute en prétendant que je suis l‘imbécile. En attendant, je ne suis que l‘imbécile qui a sauvé la peau de la pauvre idiote. »